L’industrie du bois à l’heure d'un tournant majeur


La filière du bois en Polynésie est arrivée à un tournant. Historiquement géré par les pouvoirs publics, ce secteur doit inexorablement passer aux mains du privé pour continuer à se développer. Crédit photo : Archives TI.
Tahiti, le 28 octobre 2024 – Au Fenua, l’industrie du bois, encore jeune, aborde un moment charnière. Tandis que le secteur public se retire progressivement de la gestion des ressources forestières, le privé est appelé à prendre les rênes. Le gouvernement mise sur une ressource précieuse : 5 000 hectares de pins des Caraïbes, plantés il y a un demi-siècle, qu’il entend valoriser en les inscrivant comme priorité dans les marchés publics, notamment ceux de l’Office polynésien de l’habitat (OPH), principal consommateur de bois.
 
Encore balbutiante il y a une dizaine d'années, l'industrie du bois au Fenua a amorcé, ces dernières années, une véritable structuration. Désormais portée par une dizaine de scieries, dont la moitié dispose d’équipements à vocation industrielle, la filière montre des signes prometteurs de maturité. Pourtant, elle se trouve aujourd'hui à un carrefour décisif, tiraillée entre un secteur public en quête de rationalisation et un secteur privé appelé à prendre le relais. En effet, historiquement, la gestion des plantations, des chemins forestiers ou encore des programmes sylvicoles relevait du secteur public. Cependant, face à des moyens décroissant et une nécessité de réduction des effectifs administratifs, le Pays s’apprête à transférer ces responsabilités aux acteurs privés. Ce basculement stratégique a été au cœur des objectifs affichés lors du séminaire sur la filière bois, organisé ce jeudi au lycée hôtelier de Punaauia, où étaient présents des représentants de la Direction de l'agriculture (DAG), des chefs d’entreprises, des élus locaux et des professionnels du secteur.
 
Un rôle accru pour le secteur privé
 
“Nous savons que pour les cinquante prochaines années, il faudra confier ces missions au secteur privé, qui a désormais la capacité de voler de ses propres ailes. Nous sommes à un tournant crucial”, a souligné Cyril Vignole, conseiller technique auprès du ministère de l'Agriculture.
 
La DAG envisage donc de recentrer ses efforts sur ses missions fondamentales : réguler, encadrer et normaliser la filière bois pour garantir sa pérennité. “Ce séminaire doit également nous permettre d’identifier les leviers publics nécessaires pour soutenir le secteur privé, notamment en matière de rentabilité et de création d’emplois”, a-t-il poursuivi. Un enjeu de taille, alors que le territoire importe chaque année 33 000 m³ de bois, dont un tiers est destiné aux besoins de l’Office polynésien de l’habitat (OPH).
 
Et pour parvenir à cet objectif, le gouvernement mise sur une ressource non-exploitée : les 5 000 hectares de pin des Caraïbes (Pinus caribaea) plantés il y a une cinquantaine d’années. Arrivés à maturité, ces arbres nécessitent une exploitation rapide. Leur coupe pourrait injecter 30 000 m³ de bois par an sur le marché local, et ce, sur une période de 15 à 20 ans.
 
“L’objectif est de valoriser ce qui a été planté par nos anciens”, a déclaré Taivini Teai, le ministre de l'Agriculture, en marge du séminaire. “Ils ont fait le choix de cultiver ce bois, qui est d’excellente qualité, dur et dense. De plus, la scierie de Papara traite le bois à cœur, le rendant plus performant que les matériaux importés.”
 
Priorité au bois local dans les marchés publics
 
Le gouvernement ambitionne de faire de ces ressources de pinus, un levier pour dynamiser l’économie du bois local. Il souhaite notamment promouvoir l’utilisation de ce matériau dans les marchés publics, en particulier ceux de l’OPH, principal consommateur de bois sur le territoire. Actuellement, 20 à 25% du bois utilisé par l’OPH est d’origine locale. “Nous souhaitons porter ce chiffre à 50% rapidement”, a précisé Taivini Teai. Une telle mesure garantirait aux scieries locales un accès sécurisé au marché, tout en soutenant l’emploi et le développement endogène des ressources.
 
Cependant, un obstacle important demeure : l’accessibilité des plantations. Si certaines, comme celles du plateau de Toovii à Nuku Hiva, sont situées sur des terres publiques, une grande partie des forêts de pinus se trouve sur des terrains privés, parfois difficiles d'accès, comme des crêtes“Il faudra entreprendre des recherches pour identifier les propriétaires concernés”, a expliqué le ministre à ce sujet.
 
Au-delà de l'exploitation des ressources existantes, le séminaire a également mis en lumière la nécessité d’une réflexion approfondie sur la replantation des parcelles exploitées. Cette démarche est cruciale pour garantir un roulement durable et préserver l’équilibre de la filière. Pour les plantations situées sur des terres publiques, le gouvernement à d'ors et déjà prévu d’instaurer une politique de reboisement.
 

Rédigé par Thibault Segalard le Jeudi 28 Novembre 2024 à 16:20 | Lu 1940 fois