L'impression 3D remplacera-t-elle bientôt nos importations ?


Tous ces objets ont été créés par des imprimantes 3D
PAPEETE, le 26 octobre 2018 - Deux entreprises spécialistes de l'impression 3D ont offert au public du Digital Festival Tahiti un aperçu de l'avenir de l'industrie. Pour notre fenua les implications sont énormes : une grande partie de nos importations pourrait bientôt être remplacée par des imprimantes familiales ou de petites usines d'impression 3D qui fabriqueront nos produits à la demande.

Le Digital Festival Tahiti est ponctués de conférences, nommées #SmartMeeting. Ce vendredi matin, plusieurs nous ont offert un aperçu de l'avenir. L'une concernait sur les futurs moyens de paiement, où nous apprenions que déjà un tiers des possesseurs de smartphones utilisent le paiement mobile. Bientôt, on paiera tous avec notre mobile, mais ce paiement sera aussi directement lié à une carte de fidélité et à la relation que l'on a avec une enseigne...

Autre sujet d'actualité, une conférence s'est attardée sur l'avenir des cryptomonnaies, ces monnaies virtuelles comme le fameux BitCoin. La conférence s'est déroulée en même temps que les résultats du hackathon sur le même thème. Le public a donc eu un aperçu de la puissance de ces nouveaux instruments financiers et contractuels, qui arrivent à totalement sortir le paiement des mains des banques et des états... Sauf que ces institutions s'en emparent également, avec des entrepreneurs qui leurs proposent de nombreuses nouvelles solutions. Ce domaine encore sulfureux il y a quelques années s'embourgeoise rapidement !

LES IMPRIMANTES 3D CRÉENT DÉJÀ DES CHAUSSURES, DES HÉLICES EN TITANE, DES MAISONS...

Enfin la conférence peut-être la plus intéressante pour la Polynésie concernait l'avenir de l'impression 3D. Elle était animée par les représentants de deux entreprises du secteur (voir interviews). Ils ont fait la longue liste d'exemple de ce que cette technologie arrive déjà à réaliser : des pièces d'avions plus solides et plus légères que les pièces industrielles ; des pièces de remplacement en métal pour les voitures, bateaux, tracteurs,... ; des hélices en titane pour la marine ; des prothèses médicales ; des chaussures ; des vêtements ; des bijoux ; des maisons ; des fusées... Et bien sûr n'importe quel petit objet en plastique du quotidien.

Pour le Territoire, le développement de ces technologies a un potentiel considérable, puisque nous important presque tous les produits de consommation. Bientôt, au lieu de fabriquer un produit dans une usine à l'autre bout du monde pour l'amener par container, il suffira d'un fichier informatique pour imprimer le produit que l'on veut. Chaque maison aura sa petite imprimante familiale pour les objets du quotidien, et des entreprises auront de plus grosses imprimantes industrielles pour les grosses pièces en métal, céramique ou autre...



Samuel Deharveng, Dagoma

Qu'est-ce que Dagoma ?
Dagoma est une start-up française qui a quatre ans, créée par deux ingénieurs, Mathieu et Gauthier. Ils se sont rencontré en Chine et avaient pour projet de créer un vélo pliant pour les transports en commun de Shanghai... Et quand ils ont voulu le construire ils ont eu des problèmes de prototypage, et c'est là qu'ils ont découvert l'impression 3D. Ils ont compris que c'était l'avenir et se sont lancé dans ça !
Donc aujourd'hui on conçoit, on fabrique et on vend des imprimantes 3D pour les particuliers. Nos imprimantes sont elles-mêmes fabriquées en partie par d'autres imprimantes !

Il y a déjà près de cinq entreprises qui proposent de l'impression 3D en Polynésie, c'est un pari risqué ?
Je pense que le potentiel est vraiment là. Il suffit d'arriver à l'insufler, à le communiquer. J'ai été surpris, en discutant avec les gens, d'apprendre qu'ils ne savaient pas que des entreprises comme Bureautique de Tahiti ou IdeoKub offraient déjà ces services à Papeete.

Si on imagine Tahiti dans 15 ans, avec tout le monde qui a une imprimante chez soi, qu'est-ce qu'on pourra produire soi-même, et que devront-nous aller acheter au magasin ?
Idéalement, demain on n'aura plus besoin d'aller au magasin. Soit on pourra le faire dans son salon, soit on ira voir un acteur local qui pourra le produire. La démarche de Dagoma, qui s'intéresse vraiment au marché domestique, c'est plutôt de commencer part imprimer des pièces de rechange; des accessoires qui n'existent pas comme des supports d'étagère, des choses comme ça. On peut trouver tous les embouts d'arrosage de Gardena que vous pouvez imprimer en 3D pour arroser votre jardin... Des choses comme ça existent déjà.

Pourtant l'impression 3D a encore du mal à créer de gros objets, et est incapable de créer des objets en plusieurs matériaux.
Oui, le multi-matériau ne va pas être accessible tout de suite, mais c'est prévu. Comme pour les gros objets. Au final, on verra qu'il n'y a pas de limite pour l'impression 3D. On fait déjà de la nourriture en impression 3D (NDLR : du chocolat), on imprime des tissus humains... Le potentiel est vaste !

Tahiti pourrait-il devenir indépendante du commerce extérieur ?
En tous cas ça peut aider. Si c'est bien la volonté de la Polynésie, c'est un des leviers qui va le permettre.

Laurent Costa, de Avenao Prodways

Un vélo très léger et innovant, imprimé en 3D !
Vous faites donc de l'impression industrielle ?
Effectivement nous faisons de l'impression industrielle en plastique et en métal. Mais au-delà, nous sommes intégrateurs de solutions logicielles CAO 3D, donc on accompagne les entreprises sur tout le cycle de vie de leur produit, depuis la phase de conception en bureau d'études, en passant par le design, le prototypage, et jusqu'à la fabrication.

Vous avez offert de nombreux exemple de ce que la technologie permet de faire, et avez même suggéré qu'un jour nous aurons des usines d'impression 3D qui permettront de tout fabriquer localement. C'est possible en Polynésie ?
Et bien au 1er semestre 2019, il y aura un petit centre de production à Tahiti avec des imprimantes plastique et métal pour satisfaire la demande des Polynésiens. Nous avons trouvé un partenaire local, et notre objectif est donc de développer l'économie ici en créant des emplois locaux, donc nous allons accompagner un partenaire industriel polynésien sur la mise en place de ce centre de fabrication. Le projet est déjà bien avancé.

Un jour pourra-t-on par exemple imprimer nos pièces de rechange pour les voitures ?
Techniquement c'est parfaitement possible, avec tout de même la limite de la propriété intellectuelle. Mais aujourd'hui il y a des entreprises comme Boulanger (NDLR : producteur d'électroménager) ou comme SEB (électroménager) qui mettent à la disposition des fichiers numériques de leurs pièces de rechange. Ils sont payants mais à un prix tout à fait modeste. Donc ils autorisent la reproduction locale de leurs pièces. Et un jour les constructeurs automobile le feront aussi, comme tous les autres constructeurs de produits.

Qu'est-ce qui nous empêche d'imprimer une voiture directement sur le lieu de vente au lieu de la transporter depuis une usine à travers le monde ?
Il y a déjà des constructeurs qui s'amusent à imprimer des voitures avec des imprimantes 3D, mais pour la commercialisation ce n'est pas rentable par rapport à une production en série dans une usine. La fabrication additive (NDLR : la technologie des imprimantes 3D) ne peut pas tout faire, notamment par rapport à la taille des pièces. Et les pièces qui n'ont pas de forme complexe n'ont pas encore de valeur économique à être fabriquées par des imprimantes 3D. Mais demain on peut imaginer des imprimantes sortant des objets par dizaines.

On a vu depuis hier de jeunes Polynésiens qui se passionnent pour ces sujets. Que doivent-ils étudier pour intégrer cette future industrie ?
La modélisation 3D par ordinateur, donc apprendre les logiciels de CAO (Création assistée par ordinateur). C'est la base, parce que pour pouvoir réaliser une impression, il faut d'abord créer un fichier numérique 3D dans ces logiciels. Donc la première des choses est de former les jeunes polynésiens à la CAO 3D, ce que nous allons proposer au gouvernement et à la chambre de commerce. Après, ils pourront eux-mêmes imprimer leurs pièces chez eux ou dans les entreprises spécialisées. Par contre je ne vois pas l'impression 3D utiliser la pierre ou le bois, donc cet artisanat sera protégé.

Pendant ce temps au 1er étage de la CCISM, les élèves de Poly3D ont inventé Ready Player One dans la vraie vie ! Avec des capteurs de mouvements connectés et un casque de réalité virtuelle, le joueur voit tous ses mouvements reproduits en temps réel dans un monde virtuel, peuplé de dinosaures. A tester !

Rédigé par Jacques Franc de Ferrière le Vendredi 26 Octobre 2018 à 16:40 | Lu 2903 fois