L'importation de miel de nouveau autorisée en Polynésie


PAPEETE, le 22 juillet 2015. Depuis 2011, pour protéger les abeilles des maladies attaquant les ruches, seul le miel produit localement était autorisé à la vente sur le territoire. Depuis lors, la pénurie sur le miel est quasi constante. Ce mercredi, en Conseil des ministres un arrêté a été rédigé pour autoriser l'entrée de miel d'importation afin de combler les besoins locaux.

"Nous ne voulons pas pénaliser les consommateurs de la Polynésie. En tant que ministre de l'agriculture, je protège la production locale mais il me faut aussi regarder la cherté des produits que l'on trouve sur le territoire. Actuellement nous produisons entre 80 et 100 tonnes de miel par an et nous en consommons 125" explique le ministre de l'agriculture Frédéric Riveta suite au Conseil des ministres. On comprend avec ces chiffres pourquoi en Polynésie, le miel est un produit rare et donc extrêmement cher. Les prix ont même flambé ces derniers mois, au point de provoquer la colère des consommateurs.

La situation, tendue depuis longtemps en Polynésie française, sur ce produit pourrait peut-être se fluidifier. En conseil des ministres, ce mercredi, un arrêté a été adopté qui permet, dans certaines conditions, d'autoriser de nouveau les importations de miel sur le territoire ce qui n'étaient quasiment plus possibles depuis 2011 à cause de conditions sanitaires très restrictives (voir en encadré).

IONISATION DES ALIMENTS

Pourquoi devient-il possible aujourd'hui d'importer du miel sur le territoire alors que tout a été fait jusqu'ici pour épargner des maladies la production locale ? Frédéric Riveta répond que quelques pays européens dont la France, l'Allemagne et la Belgique ont autorisé l'ionisation de miel (voir encadré) un procédé qui permet de détruire bactéries et virus dans les aliments. Ce qui va permettre de réintroduire au moins en quantité suffisante la quantité de miel qu'il faudra pour satisfaire le marché local. "On ouvrira un quota d'ici la fin de l'année" poursuit le ministre, "L'objectif ce n'est pas de noyer notre territoire avec du miel qui vient de l'extérieur" explique encore Frédéric Riveta, "il faut 20 à 25 tonnes pour couvrir les besoins de la fin l'année".

Avant de prendre cette décision, Frédéric Riveta dit avoir rencontré les producteurs locaux de miel, du moins ceux qui ont accepté de répondre à son invitation. "Il vaut mieux ouvrir cette importation et la contrôler plutôt qu'il y ait des introductions frauduleuses" explique-t-il encore. Pour ce qui est des prix pratiqués sur le miel et leur flambée récente, le ministre estime qu'avec l'arrivée de miel de l'extérieur, les prix "devraient se régler d'eux-mêmes".



Raiarii Crawford, président du syndicat des apiculteurs.
Réaction de Raiarii Crawford, président du syndicat des apiculteurs

Raiarii Crawford dénonce les dernières décisions prises par le ministre quant à l'importation de miel."Sur le fond, c'est vrai qu'il y a un débat et notamment le manque de miel pour les consommateurs. Par contre, sur la forme, je déplore l'autoritarisme du gouvernement. Au lieu d'organiser un débat on nous impose des importations. Avec la décision d'importer du miel ionisé, on risque de se retrouver avec du miel de synthèse provenant de Chine. Alors, qu'il faudrait que des importations "haut de gamme". Cela m'inquiète par rapport aux consommateurs qui vont se retrouver avec un miel traité avec des rayons dont on ne connaîtra pas la provenance. Où se trouve alors la qualité nutritive ? Demain, on aura besoin de nos abeilles pour le miel mais aussi pour la pollinisation, nous devons développer notre production de miel à Tahiti et faire des contrôles pour prévenir les maladies qui pourraient toucher les abeilles."

Propos recueillis par Noémie Debot-Ducloyer

L'ionisation des aliments

Il est prévu que le miel passe d'abord par un processus d'ionisation des aliments. Cela consiste à l'exposer à des rayonnements ionisants afin de réduire le nombre de micro-organismes qu'ils contiennent. Selon l’aliment, la ionisation prévient la germination, extermine les insectes (légumes), retarde la maturation (légumes), prévient les maladies (volaille) ou réduit les micro-organismes (herbes aromatiques).
En métropole, les denrées ionisées sont majoritairement les cuisses de grenouille congelées (370 tonnes en 2013), les herbes aromatiques séchées, épices et condiments (314 t), et la viande de volaille (7 t).

(Source : DGCCRF).

Les maladies qui s'attaquent aux abeilles

La loque américaine est depuis 2011 considérée comme la principale maladie qui touche les abeilles en Polynésie. Cette même année, le renforcement des mesures de biosécurité aux frontières dû notamment à la maladie de la loque (arrêté N° 651 CM du 7 mai 1998) a débouché sur l'arrêt des importations de miel. En dépit de mesures d'encadrement strict par la réglementation des produits, cette loque américaine s'est attaquée aux ruchers de Huahine. Mais elle a atteint aussi les Australes : Raivavae est désormais infestée. '"Comment c'est arrivé là-bas, on ne le sait pas" remarque Frédéric Riveta. Toujours dans les Australes, la loque américaine s'est attaquée aux abeilles de Tubuai. Actuellement, un audit est en cours sur Tahiti "je suis à peu près sûr que Tahiti est infestée aussi", précise le ministre de l'agriculture.

Rédigé par Mireille Loubet le Mercredi 22 Juillet 2015 à 16:41 | Lu 5755 fois