L’hôpital des Marquises manque de personnel médical


Le SAMU assure les allers-retours entre l’hôpital et l’aéroport, soit environ deux heures de route selon les conditions météorologiques.
TAIOHAE, le 21 décembre 2015. Seul centre hospitalier de l’archipel, l’hôpital de Taiohae accueille des patients de toutes les Marquises. Actuellement, il n’y a pas assez de personnel pour le faire fonctionner au meilleur de ses capacités. Beaucoup de patients sont évasanés à Tahiti tandis que médecins et infirmières parent aux malheurs du quotidien comme ils peuvent.

Au cœur de Taiohae, sur l’île de Nuku Hiva, aux Marquises, l’hôpital peut paraître modeste au premier abord mais tout l’équipement nécessaire est présent : salle de soins pour faire des aérosols (asthme), salle de déchoquage, salle de réanimation, salles de chirurgie, salles d’accouchement, une pharmacie… Beaucoup de soins peuvent être dispensés à Taiohae mais il manque du personnel hospitalier.
Le Dr Christian Boboc était médecin urgentiste dans le Sud de la France à Cannes, depuis un an et demi il officie comme médecin généraliste aux Marquises. « L’hôpital est bien doté, c’est là le paradoxe par rapport à d’autres structures de la Polynésie française. Ici on est bien équipé mais on n’a pas assez d’effectifs pour faire tourner l’unité hospitalière », confirme-t-il.
En temps normal, trois médecins, un chirurgien, un anesthésiste, deux sages-femmes, deux infirmières de bloc opératoires (IBOD) et deux infirmières anesthésistes (OAD) devraient être présents. Actuellement, il manque un troisième médecin, une sage-femme et il n’y aucune IBOD et IAD. L’interprétation de l’imagerie médicale est également très vite limitée car l’hôpital ne compte pas de radiologue parmi ses effectifs.
Pour le recrutement, la procédure n’est pas simple. L’administration hospitalière de Nuku Hiva envoie les CV à Papeete à la Direction de la santé. Un recrutement prend au minimum 45 jours. Parfois, les postulants ont trouvé mieux ailleurs dans ce laps de temps. Pour le Dr Boboc, c’est une aberration, « certains médecins ou infirmières veulent bien venir, prendre une dispo. On leur demande de constituer un dossier, on ne leur répond pas, ils commencent à se demander ce qu’ils se passent et finalement on leur répond à la dernière seconde. Tout le circuit est grippé, il n’y a plus rien qui fonctionne ! », se désole-t-il.

Les Marquisiennes n’accouchent plus aux Marquises

Les salles de l’hôpital dédiées aux nourrissons sont vides. La presque totalité des Marquisiennes accouchent à l’hôpital du Taaone, à Tahiti. La sage-femme de Nuku Hiva prend en charge les Marquisiennes pendant leur grossesse mais, seule, son travail n’est pas rendu facile. Un gynécologue de l’hôpital de Tahiti vient régulièrement à Taiohae pour le suivi de grossesse. Très rapidement, les femmes sont orientées au Taaone pour accoucher. Avant de mettre au monde leur enfant, les femmes des Marquises sont quasi systématiquement évasanées sauf si elles demandent absolument à faire naître leur enfant aux Marquises. « Une amie à moi a dû signer une décharge pour mettre au monde son enfant à Nuku Hiva. Elle n’a pas eu de problèmes, c’est toujours mieux que de prendre l’avion dans un sens puis dans l’autre et d’être loin de sa famille », raconte une habitante de Taiohae.
En plus des transports par avion pour les femmes enceintes entre les Marquises et Tahiti, les femmes de Ua Huka et Ua Pou sont également évasanés à Nuku Hiva pour leur suivi de grossesse. De plus, le SAMU doit faire deux heures de route pour se rendre à l’aéroport depuis l’hôpital. Un va-et-vient permanent qui pourrait être atténué par l’embauche d’effectif suffisant.
Toujours à cause du manque de personnel, les vallées sont délaissées. « Nous sommes censés faire le tour des vallées mais nous n’avons pas le temps », continue le médecin avec regret. « Même à deux, on n’y arrive pas, on essaye de boucher les trous … » murmure-t-il. D’autant plus qu’aucun médecin généraliste n’est installé aux Marquises. A Ua Huka, c’est l’infirmier qui prend les constantes des patients et envoie son rapport par fax ou par mail au médecin de Nuku Hiva qui tente d’établir un diagnostic. « Un peu comme si on était le bon dieu », rigole le Dr Boboc. Si les conditions de travail ne sont pas tous les jours faciles, le médecin aime le contact avec les patients marquisiens. « En métropole, un médecin a toujours peur du côté médico-légal, que le patient porte plainte. Les patients d’ici sont géniaux, ils me font vraiment confiance ! »

Les salles de l’hôpital dédiées aux nourrissons sont vides.
La pharmacie hospitalière ne fournit pas tous les médicaments dont les patients ont besoin, seuls les médicaments référencés par la pharmacie centrale de Papeete peuvent être délivrés. Non loin de là, la pharmacie libérale de Taiohae est mieux dotée mais c’est la seule de l’archipel.

Le Dr Christian Boboc est en poste depuis un an et demi à Taiohae.
L’hôpital de Taiohae est un hôpital général : il prend en charge toutes les pathologies de 7h30 à 15h30, ensuite il reste ouvert en « astreinte ». A côté de l’hôpital, un bâtiment est dédié au dispensaire. Là encore, c’est le Dr Boboc et son confrère, le Dr Accarier qui soignent les pathologies chroniques. Le plus souvent, les Marquisiens viennent pour des problèmes liés à l’obésité, l’hypertension, au diabète ou à l’asthme.

Rédigé par Noémie Debot-Ducloyer le Lundi 21 Décembre 2015 à 09:41 | Lu 5462 fois