Crédit PATRICK MEINHARDT / AFP
Saint-Denis de la Réunion, France | AFP | mardi 24/12/2024 - Sophie soupire de soulagement alors que l'avion l'ayant ramenée de Mayotte s'apprête à atterrir à La Réunion. Non seulement ses possessions ont été détruites par le cyclone Chido, mais cette agente d'une collectivité territoriale confie s'être aussi sentie insultée par la communauté mahoraise parce qu'elle souhaitait quitter l'île.
"Je laisse un gros poids derrière moi", murmure la trentenaire, qui requiert de témoigner sous un prénom d'emprunt par crainte de sanctions à son travail. "Avec le cyclone, j'ai tout perdu, justifie-t-elle. Mon boulot, c'est tout ce qui me reste."
Sur l'écran de son téléphone, Sophie montre la terrasse de son appartement, désolidarisée de la façade de son immeuble. Son intérieur ravagé. Le bateau, qu'elle et "(son) homme" venaient d'acheter, dont il ne reste que la coque, retournée.
Sa voiture est irrécupérable, affirme-t-elle, et la moto de son compagnon l'est peut-être également, après que les vents à plus de 200 km/h de Chido l'ont soufflée.
Durant le cyclone, qui a fait 35 morts et environ 2.500 blessés, selon un bilan provisoire, Sophie affirme avoir vécu "les trois heures les plus angoissantes de (sa) vie", alors que des débris s'écrasaient contre ses volets et que l'eau montait dans son appartement.
Un traumatisme auquel se sont ajoutées ensuite les critiques virulentes de la communauté mahoraise face à l'évacuation des fonctionnaires ou apparentés, comme elle, après Chido.
- "Fuyards" -
Portable en main, Sophie montre un groupe de discussion sur WhatsApp qu'elle partage avec ses collègues, dans lequel l'un d'eux explique que ceux qui quitteront Mayotte, même temporairement, seront "virés". Un autre collègue qualifie de "fuyards" les agents publics aspirant au départ.
Le processus est pourtant encadré par l'Etat français, alors que l'aéroport est fermé depuis le cyclone aux vols commerciaux. Les candidats à l'évacuation doivent d'abord s'inscrire, puis être appelés, avant de quitter Mayotte, ce qui peut prendre des jours.
Avant même le déclenchement du dispositif, l'AFP avait toutefois rencontré des Mahorais qui y étaient largement opposés, arguant que c'est justement au pire d'une catastrophe que tous les bras et cerveaux disponibles sont les plus nécessaires.
"Que les fonctionnaires restent à Mayotte, où l'on n'a jamais eu autant besoin d'eux. Ils partiront après !", s'insurgeait jeudi la cadre hospitalière Zena Abdiladi Halidani, quelques minutes avant l'arrivée du président Emmanuel Macron à l'hôpital du chef-lieu Mamoudzou.
"Les fonctionnaires sont les soldats de l'Etat", insistait-elle.
Dans une vidéo devenue virale, une Mahoraise va beaucoup plus loin. Depuis l'aérodrome de Dzaoudzi, où elle demande d'abord comment faire évacuer sa grand-mère malade, elle finit par suggérer que les siens "n'ont pas la bonne couleur de peau" pour que l'Etat les prenne en charge.
"Les colons veulent partir. (...) Vous avez même pas honte. Vous profitez du soleil, des primes (liées à un emploi dans les départements et territoires d'Outre-mer, NDLR), bande de profiteurs que vous êtes!", poste-t-elle en légende de cette vidéo.
"J'entends des gens dire : +vous fuyez, vous n'êtes là que pour l'argent", commente Sophie, qui vit à Mayotte depuis cinq ans. "Mais moi j'ai investi ici. J'y ai acheté un appartement. Et je vais revenir" en janvier, malgré un "clivage entre Mahorais et blancs" qui prééxistait largement avant Chido, affirme-t-elle.
- "Pas coupable" -
Dans l'avion de Sophie voyageaient également de nombreux professeurs, alors que ce sont les vacances scolaires à Mayotte, où nombre d'écoles sont endommagées ou utilisées comme centres d'hébergement d'urgence. Et qu'il est difficile d'imaginer que la rentrée scolaire puisse s'y tenir bientôt.
"On n’avait plus d’eau courante, ni d’électricité. Est arrivé un moment où l’on était obligé de se laver" à l'eau de source en bouteille, raconte une enseignante, un nouveau-né dans les bras, depuis la salle d'embarquement de l'aéroport de Dzaoudzi. "J’ai demandé au rectorat à partir. Je protège juste ma fille."
"Au début on ne voulait pas quitter le navire en marche", explique Delphine Petit, qui vit depuis neuf ans à Mayotte, tout en dépliant la poussette de son jeune fils.
Mais avec des conditions sanitaires dégradées, une aide humanitaire encore absente dans le bourg de Tsingoni (centre) où elle enseignait, et son petit qui avait des démangeaisons et la diarrhée, "on était devenu des boulets sur ce navire".
D'où sa volonté de partir "aussi vite que possible", "pas pour toujours mais pour trois semaines ou un mois".
Chez elle vivront jusqu'à son retour des habitants d'un bidonville voisin, indique Delphine Petit, ajoutant avoir "donné toutes (ses) fringues" aux victimes de Chido et aidé à réparer le toit de son école.
"J'ai fait ma part", assure-t-elle. "Je ne me sens pas coupable de partir."
"Je laisse un gros poids derrière moi", murmure la trentenaire, qui requiert de témoigner sous un prénom d'emprunt par crainte de sanctions à son travail. "Avec le cyclone, j'ai tout perdu, justifie-t-elle. Mon boulot, c'est tout ce qui me reste."
Sur l'écran de son téléphone, Sophie montre la terrasse de son appartement, désolidarisée de la façade de son immeuble. Son intérieur ravagé. Le bateau, qu'elle et "(son) homme" venaient d'acheter, dont il ne reste que la coque, retournée.
Sa voiture est irrécupérable, affirme-t-elle, et la moto de son compagnon l'est peut-être également, après que les vents à plus de 200 km/h de Chido l'ont soufflée.
Durant le cyclone, qui a fait 35 morts et environ 2.500 blessés, selon un bilan provisoire, Sophie affirme avoir vécu "les trois heures les plus angoissantes de (sa) vie", alors que des débris s'écrasaient contre ses volets et que l'eau montait dans son appartement.
Un traumatisme auquel se sont ajoutées ensuite les critiques virulentes de la communauté mahoraise face à l'évacuation des fonctionnaires ou apparentés, comme elle, après Chido.
- "Fuyards" -
Portable en main, Sophie montre un groupe de discussion sur WhatsApp qu'elle partage avec ses collègues, dans lequel l'un d'eux explique que ceux qui quitteront Mayotte, même temporairement, seront "virés". Un autre collègue qualifie de "fuyards" les agents publics aspirant au départ.
Le processus est pourtant encadré par l'Etat français, alors que l'aéroport est fermé depuis le cyclone aux vols commerciaux. Les candidats à l'évacuation doivent d'abord s'inscrire, puis être appelés, avant de quitter Mayotte, ce qui peut prendre des jours.
Avant même le déclenchement du dispositif, l'AFP avait toutefois rencontré des Mahorais qui y étaient largement opposés, arguant que c'est justement au pire d'une catastrophe que tous les bras et cerveaux disponibles sont les plus nécessaires.
"Que les fonctionnaires restent à Mayotte, où l'on n'a jamais eu autant besoin d'eux. Ils partiront après !", s'insurgeait jeudi la cadre hospitalière Zena Abdiladi Halidani, quelques minutes avant l'arrivée du président Emmanuel Macron à l'hôpital du chef-lieu Mamoudzou.
"Les fonctionnaires sont les soldats de l'Etat", insistait-elle.
Dans une vidéo devenue virale, une Mahoraise va beaucoup plus loin. Depuis l'aérodrome de Dzaoudzi, où elle demande d'abord comment faire évacuer sa grand-mère malade, elle finit par suggérer que les siens "n'ont pas la bonne couleur de peau" pour que l'Etat les prenne en charge.
"Les colons veulent partir. (...) Vous avez même pas honte. Vous profitez du soleil, des primes (liées à un emploi dans les départements et territoires d'Outre-mer, NDLR), bande de profiteurs que vous êtes!", poste-t-elle en légende de cette vidéo.
"J'entends des gens dire : +vous fuyez, vous n'êtes là que pour l'argent", commente Sophie, qui vit à Mayotte depuis cinq ans. "Mais moi j'ai investi ici. J'y ai acheté un appartement. Et je vais revenir" en janvier, malgré un "clivage entre Mahorais et blancs" qui prééxistait largement avant Chido, affirme-t-elle.
- "Pas coupable" -
Dans l'avion de Sophie voyageaient également de nombreux professeurs, alors que ce sont les vacances scolaires à Mayotte, où nombre d'écoles sont endommagées ou utilisées comme centres d'hébergement d'urgence. Et qu'il est difficile d'imaginer que la rentrée scolaire puisse s'y tenir bientôt.
"On n’avait plus d’eau courante, ni d’électricité. Est arrivé un moment où l’on était obligé de se laver" à l'eau de source en bouteille, raconte une enseignante, un nouveau-né dans les bras, depuis la salle d'embarquement de l'aéroport de Dzaoudzi. "J’ai demandé au rectorat à partir. Je protège juste ma fille."
"Au début on ne voulait pas quitter le navire en marche", explique Delphine Petit, qui vit depuis neuf ans à Mayotte, tout en dépliant la poussette de son jeune fils.
Mais avec des conditions sanitaires dégradées, une aide humanitaire encore absente dans le bourg de Tsingoni (centre) où elle enseignait, et son petit qui avait des démangeaisons et la diarrhée, "on était devenu des boulets sur ce navire".
D'où sa volonté de partir "aussi vite que possible", "pas pour toujours mais pour trois semaines ou un mois".
Chez elle vivront jusqu'à son retour des habitants d'un bidonville voisin, indique Delphine Petit, ajoutant avoir "donné toutes (ses) fringues" aux victimes de Chido et aidé à réparer le toit de son école.
"J'ai fait ma part", assure-t-elle. "Je ne me sens pas coupable de partir."