Tahiti Infos

L'éradication inouïe du rat à Tetiaroa


Tahiti, le 17 août 2022 – Un ambitieux projet de restauration des écosystèmes terrestres et marins vient de se conclure à Tetiaroa. Après plus de trois ans de travail, les deux espèces de rats menaçant la biodiversité de l’atoll ont été éradiquées par l’ONG Island Conservation, en partenariat avec Tetiaroa Society et l’hôtel Le Brando. Pour y parvenir, il a fallu tailler 260 kilomètres de sentiers sur une surface de 520 hectares, ce qui en fait la plus grande opération de ce type réalisée manuellement dans le monde.
 
Une opération environnementale d’envergure vient d’être finalisée sur l’atoll de Tetiaroa. Il s’agit même de la plus grande opération terrestre d’éradication d’espèces envahissantes jamais menée à la main par l’ONG Island Conservation, qui œuvre à la préservation des animaux menacés en milieux insulaires. En ligne de mire : deux espèces de rats envahissant l’ensemble des motu, le rat noir et le rat du Pacifique, introduites à différentes époques par les premiers navigateurs.
 
“Ces deux espèces ont eu un impact majeur sur la biodiversité de l’atoll” en consommant les œufs et les poussins des oiseaux, explique Baudouin des Monstiers, spécialiste des projets de restauration écologique en milieux insulaires, en charge de cette opération. “On a très peu d’oiseaux terrestres aujourd’hui, la plupart sont marins. Des espèces ont probablement disparu. Les rats attaquent également les tortues à ‘l’émergence’ (lorsque les bébés sortent du nid, sous le sable, NDLR), mais aussi les invertébrés terrestres, les crabes et les bernard-l’hermite. Il ne faut pas non plus sous-estimer leur impact sur les plantes.”
 
Recréer le lien entre les écosystèmes
 
Cela n'est que très récemment que la compréhension et la mise en valeur du lien entre les écosystèmes ont commencé à jouer un rôle dans les efforts de conservation environnementaux en milieux insulaires. “Nous avons tendance à ne pas accorder suffisamment d’attention à cet instant durant lequel les connexions étroites entre les écosystèmes marins et terrestres ont été rompues”, a déclaré Richard Griffiths, chef des opérations d’Island Conservation, dans un communiqué. “Le rôle que jouent les oiseaux de mer, par exemple, ne doit pas être sous-estimé. Ils sont essentiels à la régénération des écosystèmes voisins en transportant les nutriments depuis la mer vers la terre qui ensuite reviennent lentement à l’océan, stimulant la croissance des coraux et permettant aux populations de poissons, au plancton et à d’innombrables autres espèces marines de prospérer.”
 
Après trois années de travail et de recherches sur le terrain, l’ONG a ainsi engagé ces derniers mois l’opération d’éradication de tous les rats du site, en collaboration avec l’hôtel de luxe Le Brando et l’organisation à but non lucratif Tetiaroa Society. Plus de 60 personnels et bénévoles se sont attachés à ouvrir à coup de machette plus de 260 kilomètres de sentiers dans la végétation, sur une surface de 520 hectares, afin d’y épandre partout du raticide. “C’est la plus grosse opération de ce genre réalisée à la main dans le monde. D’habitude, les surfaces de cette taille sont traitées de manière aérienne avec des hélicoptères et des drones. Mais pour des raisons techniques et liées au Covid, on a décidé de la faire manuellement.”
 
Un taux de réussite très élevé
 
Il faut maintenant patienter une année pour pouvoir confirmer la réussite de l’opération, via des tests sur le terrain. “Ce sont des projets avec un taux de réussite de plus de 80 ou 90%, mais il faut toujours être précautionneux et attendre un an avant d’officialiser le succès. C’est maintenant à Tetiaroa Society et à l’hôtel Le Brando de maintenir la biosécurité sur place pour empêcher que de nouveaux rats soient introduits.”
 
“Tetiaroa est parfaitement placée pour devenir un modèle de site de recherche en écologie pour la restauration des atolls“, se réjouit Stan Rowland, président de Tetiaroa Society. Avec le temps, elle pourrait même devenir un refuge pour certaines espèces menacées d’extinction comme la gallicolombe érythroptère (tutururu aux Tuamotu) et le chevalier des Tuamotu (Kivikivi à Mangareva).
 
L’ONG Island Conservation garde toujours un œil sur la Polynésie, où elle étudie la faisabilité d’autres projets du même genre aux Marquises, en lien avec la société d’ornithologie SOP Manu.
 







Rédigé par Lucie Ceccarelli le Mercredi 17 Août 2022 à 17:55 | Lu 2982 fois