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L'épidémie de zika recule mais la situation sanitaire reste tendue


PAPEETE, mercredi 19 février 2014. Les épidémies de dengue et de zika sont sur le recul sur le territoire polynésien, même si la situation n'est pas uniforme dans les cinq archipels. Ainsi pour l'épidémie de zika, la décroissance est réelle dans les îles de la Société depuis plusieurs semaines consécutives, mais la circulation du virus reste encore active dans les îles les plus éloignées. Du coup, les derniers cas de complications post-infectieuses avec de nouveaux syndromes de Guillain Barré proviennent d'Uturoa ou de Huahine. "L'épidémie de zika se poursuit et on peut toujours craindre de nouveaux cas de complications" détaille la ministre de la santé Béatrice Chansin, notamment aux Australes ou aux Marquises où le virus a frappé plus tardivement qu'à Tahiti. Au total, près de 80 personnes ont présenté depuis le mois de décembre 2013 des complications après avoir été atteints par le virus du zika en Polynésie : la moitié par des syndromes de Guillain Barré, l'autre moitié pour des neuropathies diverses. Ces réactions de débordement de la réaction immunitaire du patient après une infection virale ont conduit à des formes plus ou moins violentes et dont les conséquences peuvent être définitives. Un patient notamment a perdu la vue, d'autres s'apprêtent à vivre de très longs mois de rééducation au centre Te Tiare. Actuellement une vingtaine de malades est toujours hospitalisée : quatre en réanimation (dont un patient sur place depuis deux mois et demi), quatre en neurologie et 13 en rééducation fonctionnelle au centre Te Tiare.

C'est cette multiplication de cas de syndromes de Guillain-Barré apparus, en Polynésie à partir du début du mois de décembre, qui avait conduit les autorités (Etat et Pays) à réagir fortement et à se lancer dans une vaste entreprise de démoustication du territoire, employant simultanément la destruction des gîtes larvaires et les pulvérisations d'insecticide (la deltaméthrine). Habituellement en Polynésie on recense trois cas annuels de syndrome de Guillain-Barré (la norme étant en moyenne à 1,5 cas pour 100 000 habitants). "Cette situation avec plusieurs dizaines de cas de Guillain-Barré ne s'est produite nulle part ailleurs dans le monde, sans compter la quarantaine de neuropathies" explique encore le docteur Yann Turgeon, conseiller de la ministre de la santé. Avec encore une vingtaine de patients à l'hôpital, "la situation sanitaire n'est pas réglée" remarque Béatrice Chansin, car les services qui accueillent ces malades sont toujours à flux tendu. Le message des autorités est donc : "il faut rester vigilant et ne pas baisser la garde contre les moustiques".

Pas question donc de stopper les opérations de la lutte anti-vectorielle contre les moustiques, qui n'ont d'ailleurs véritablement démarré sur le territoire que depuis quelques semaines, alors que le pic de l'épidémie de zika commençait à décliner. D'abord parce qu'avec l'arrivée des pluies, une recrudescence de naissances de moustiques est à craindre. Plus de moustiques, donc plus de vecteurs des virus comme la dengue, le zika et le chikungunya, virus encore non implanté en Polynésie et que craignent particulièrement les autorités. D'autant qu'une étude réalisée par le laboratoire d'entomologie de l'Institut Malardé met en avant la très forte présence des moustiques sur notre territoire : sur un échantillon de 880 maisons polynésiennes il apparaît que 30% d'entre elles abritent des gîtes larvaires, une proportion bien plus grande que la situation de l'île de La Réunion en 2006, quand l'épidémie de chikungunya (qui a provoqué plusieurs dizaines de décès) s'était déclarée. "Cela signifie qu'on s'est habitué en Polynésie à vivre avec les moustiques. Or, au vu des maladies graves qu'ils transportent, il va falloir faire changer les mentalités" détaille encore la ministre Béatrice Chansin. L'objectif étant que les Polynésiens s'approprient le dégitage de leurs jardins, cours et maisons comme une habitude, un réflexe conditionné après chaque épisode pluvieux propice à créer des nids à moustiques.


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Les maires résistants aux pulvérisations d'insecticide rappelés à l'ordre

Le programme de lutte anti-vectorielle contre les moustiques décidé par les autorités en décembre dernier va se poursuivre. Au menu, dégitage et pulvérisations de deltaméthrine. "La lutte anti-vectorielle doit être complète à Tahiti mais aussi dans les îles sous le Vent, aux Australes, aux Marquises et aux Tuamotu" a expliqué Béatrice Chansin. Comme prévu dès l'origine, la première campagne de pulvérisation sera suivie d'une seconde salve. "Il faut poursuivre cette démoustication. Car plus on élimine le vecteur des maladies moins il y aura d'impact pour la santé" appuie Stéphane Jarlégand, secrétaire général du haut commissariat. Il répète à l'envi : "Il n'y a pas d'impact de la deltaméthrine sur l'environnement, en revanche cela a un impact très positif chez les gens. Notre rôle est avant tout de protéger la population". Il insiste encore sur la mission des maires vis à vis de leur population.

Face à la résistance de trois maires qui ont refusé les pulvérisations dans leurs communes (Faa'a pendant un temps puis Uturoa et Teva i Uta) le Haut commissaire a rédigé un courrier pour leur rappeler leurs obligations dans lequel il mentionne l'article 2212-2 du Code général des collectivités territoriales, au sujet des devoirs du maire, premier magistrat d'une commune : "Le soin de prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, les accidents et les fléaux calamiteux ainsi que les pollutions de toute nature, tels que les incendies, les inondations, les ruptures de digues, les éboulements de terre ou de rochers, les avalanches ou autres accidents naturels, les maladies épidémiques ou contagieuses, les épizooties, de pourvoir d'urgence à toutes les mesures d'assistance et de secours et, s'il y a lieu, de provoquer l'intervention de l'administration supérieure". Voilà désormais les maires anti-pulvérisations sous la menace de possible contentieux de la part d'administrés qui auraient été rendus gravement malades du fait de la présence des moustiques.



Rédigé par Mireille Loubet le Mercredi 19 Février 2014 à 16:54 | Lu 1112 fois