PAPEETE, mercredi 11 décembre 2013. Si le zika est encore peu connu et a été peu étudié dans le monde, l’épidémie en cours, en Polynésie française, braque les projecteurs sur ce virus. La littérature scientifique et médicale mondiale n’ignore pas le zika dont on connaît particulièrement bien la circulation en Afrique, avec un suivi assuré depuis de nombreuses années par l’Institut Pasteur de Dakar, mais les articles publiés signalent quasiment tous l’absence d’étude poussée de la maladie en raison de sa faible diffusion, la seule épidémie recensée étant avant la Polynésie en 2013, celle qui a atteint l’île de Yap en Micronésie en 2007. C’est d’ailleurs après cette première épidémie notable de zika que des médecins infectiologues spécialistes des maladies tropicales se sont penchés plus sérieusement sur ce virus qui a pu, à de très nombreuses reprises, être confondu avec celui de la dengue, nettement plus connu en raison des nombreuses similitudes des signes cliniques. Avec l’épidémie en cours en Polynésie, de nouveau, des études plus poussées sur le virus sont lancées. «Nous participons activement à la documentation sur les cas de zika. Nous avons demandé aux médecins du réseau sentinelle d’effectuer avec les patients qui le veulent bien des descriptions les plus précises possibles de leurs cas. Il y a des prélèvements pour une confirmation biologique et un questionnaire pour que le patient puisse décrire le plus en détail possible l’arrivée des symptômes, leurs effets, leur force. Notre but est de parvenir à mieux décrire la maladie. C’est un travail épidémiologique très important» détaille le docteur Henri-Pierre Mallet du Bureau de veille sanitaire.
Mieux connaître le zika, pour mieux l’identifier. Car pour les médecins arriver à faire la différence exacte à la seule vue des symptômes entre dengue et zika est une mission parfois très difficile. «En cas de doute, de signes douteux il y a toujours la possibilité de faire un examen biologique» précise le docteur Henri-Pierre Mallet. En l’occurrence, il s’agit pour l’instant essentiellement de faire pratiquer une analyse biologique pour identifier ou non la dengue. Les examens d’identification de la dengue très répandus dans le monde, sont désormais relativement simples à effectuer et peu coûteux. Ce qui n’est pas encore le cas du zika, considéré jusque là comme une arbovirose émergente. Pour identifier de façon certaine le virus, il est nécessaire de pratiquer un examen de biologie moléculaire en recherchant deux zones sur le génome qui sont spécifiques du virus zika. L’Institut Louis Malardé est le seul laboratoire capable de pratiquer cette identification sur le territoire. «On ne confirme pas tous les cas, car ce serait trop cher» rappelle Henri-Pierre Mallet. Les examens effectués pour la confirmation du zika sont actuellement entièrement financés par le Pays car ils servent à alimenter cette documentation la plus précise des cas, de leurs manifestations, pour arriver à terme à bien décrire la maladie. «On observe déjà différentes formes de zika selon les patients. Mais la grande différence entre la dengue et le zika est que pour la première la fièvre est brutale et élevée alors qu’elle reste modérée voire inexistante pour le zika».
Et le chikungunya dans tout ça ? Il y a quelques semaines, au moment du lancement de l’alerte de l’épidémie de zika en Polynésie, le Bureau de Veille sanitaire s’inquiétait justement de la possible survenue de cette 3e arbovirose due aux moustiques sur notre territoire. Après tout il y a eu quelques cas, 31 au total, tout au long de l’année 2013 en Nouvelle Calédonie et une épidémie de chikungunya est effectivement déclarée sur l’île de Yap en Micronésie. Fin novembre il y avait eu 913 cas suspects de chikungunya à Yap et 128 cas suspects dans les autres îles des états fédérés de Micronésie. «Les patients présentent tous de la fièvre et des arthralgies, 9 sur dix présentent des maux de tête, 60% présentent une éruption cutanée et un quart présentent des signes digestifs» détaille le rapport international hebdomadaire de l’INVS (Institut national de veille sanitaire). Des signes cliniques encore une fois très proches de ceux décrits et observés pour la dengue et le zika. «C’est vrai qu’on pourrait passer à côté de l’arrivée du chikungunya car les signes peuvent se confondre. Effectivement dans toutes les arboviroses il y a des signes communs de fièvre et de douleurs articulaires. Sur des cas douteux, il y a toujours la possibilité de confirmer le diagnostic par analyse biologique» poursuit le docteur Henri-Pierre Mallet.
Et pendant que cet important travail d’acquisitions de données épidémiologiques est effectué autour des cas de zika en Polynésie française, les entomologistes de l’Institut Louis Malardé poursuivent, eux, leurs observations directes sur les moustiques qui sont les vecteurs de ces trois arboviroses tropicales. Leur mission spécifique : identifier très précisément quel est le moustique porteur du virus zika en Polynésie : s’agit-il uniquement de l’aedes aegypti ce moustique domestique qui vit près de nos maisons, ou bien son cousin polynésien, l’aedes polynesiensis, plus rural, est-il également infecté ? Une question importante pour savoir comment attaquer une campagne de lutte anti-vectorielle la plus efficace possible. «Ces études prendront du temps car il faut que les captures de moustiques soient en nombre suffisant pour que les résultats obtenus soient fiables» indique Henri-Pierre Mallet. En tout cas, entomologistes et infectiologues ont du pain sur la planche. A l’échelle de chaque habitant, il ne reste qu’un grand nettoyage des gîtes potentiels à moustiques autour de chez soi, l’usage répété de répulsifs cutanés et la raquette à moustiques pour éloigner ou tuer tout ce qui pourrait ressembler à un moustique tigré. En espérant que son voisin fasse de même. La bataille des humains face aux moustiques semble bien inégale…
Mieux connaître le zika, pour mieux l’identifier. Car pour les médecins arriver à faire la différence exacte à la seule vue des symptômes entre dengue et zika est une mission parfois très difficile. «En cas de doute, de signes douteux il y a toujours la possibilité de faire un examen biologique» précise le docteur Henri-Pierre Mallet. En l’occurrence, il s’agit pour l’instant essentiellement de faire pratiquer une analyse biologique pour identifier ou non la dengue. Les examens d’identification de la dengue très répandus dans le monde, sont désormais relativement simples à effectuer et peu coûteux. Ce qui n’est pas encore le cas du zika, considéré jusque là comme une arbovirose émergente. Pour identifier de façon certaine le virus, il est nécessaire de pratiquer un examen de biologie moléculaire en recherchant deux zones sur le génome qui sont spécifiques du virus zika. L’Institut Louis Malardé est le seul laboratoire capable de pratiquer cette identification sur le territoire. «On ne confirme pas tous les cas, car ce serait trop cher» rappelle Henri-Pierre Mallet. Les examens effectués pour la confirmation du zika sont actuellement entièrement financés par le Pays car ils servent à alimenter cette documentation la plus précise des cas, de leurs manifestations, pour arriver à terme à bien décrire la maladie. «On observe déjà différentes formes de zika selon les patients. Mais la grande différence entre la dengue et le zika est que pour la première la fièvre est brutale et élevée alors qu’elle reste modérée voire inexistante pour le zika».
Et le chikungunya dans tout ça ? Il y a quelques semaines, au moment du lancement de l’alerte de l’épidémie de zika en Polynésie, le Bureau de Veille sanitaire s’inquiétait justement de la possible survenue de cette 3e arbovirose due aux moustiques sur notre territoire. Après tout il y a eu quelques cas, 31 au total, tout au long de l’année 2013 en Nouvelle Calédonie et une épidémie de chikungunya est effectivement déclarée sur l’île de Yap en Micronésie. Fin novembre il y avait eu 913 cas suspects de chikungunya à Yap et 128 cas suspects dans les autres îles des états fédérés de Micronésie. «Les patients présentent tous de la fièvre et des arthralgies, 9 sur dix présentent des maux de tête, 60% présentent une éruption cutanée et un quart présentent des signes digestifs» détaille le rapport international hebdomadaire de l’INVS (Institut national de veille sanitaire). Des signes cliniques encore une fois très proches de ceux décrits et observés pour la dengue et le zika. «C’est vrai qu’on pourrait passer à côté de l’arrivée du chikungunya car les signes peuvent se confondre. Effectivement dans toutes les arboviroses il y a des signes communs de fièvre et de douleurs articulaires. Sur des cas douteux, il y a toujours la possibilité de confirmer le diagnostic par analyse biologique» poursuit le docteur Henri-Pierre Mallet.
Et pendant que cet important travail d’acquisitions de données épidémiologiques est effectué autour des cas de zika en Polynésie française, les entomologistes de l’Institut Louis Malardé poursuivent, eux, leurs observations directes sur les moustiques qui sont les vecteurs de ces trois arboviroses tropicales. Leur mission spécifique : identifier très précisément quel est le moustique porteur du virus zika en Polynésie : s’agit-il uniquement de l’aedes aegypti ce moustique domestique qui vit près de nos maisons, ou bien son cousin polynésien, l’aedes polynesiensis, plus rural, est-il également infecté ? Une question importante pour savoir comment attaquer une campagne de lutte anti-vectorielle la plus efficace possible. «Ces études prendront du temps car il faut que les captures de moustiques soient en nombre suffisant pour que les résultats obtenus soient fiables» indique Henri-Pierre Mallet. En tout cas, entomologistes et infectiologues ont du pain sur la planche. A l’échelle de chaque habitant, il ne reste qu’un grand nettoyage des gîtes potentiels à moustiques autour de chez soi, l’usage répété de répulsifs cutanés et la raquette à moustiques pour éloigner ou tuer tout ce qui pourrait ressembler à un moustique tigré. En espérant que son voisin fasse de même. La bataille des humains face aux moustiques semble bien inégale…
Identifier les signes cliniques de la dengue, du zika ou du chikungunya peut s'avérer compliqué en raison des similitudes des symptômes (Document INVS).
Toujours des interrogations sur les complications
Preuve s’il en est que le zika est une maladie peu connue, tous les articles médicaux qui évoquaient jusque là ce virus, décrivaient une maladie bénigne, qui disparait sans séquelle après 5 à 7 jours. Or sur les 35 000 cas estimés de zika sur notre territoire en deux mois entre octobre et décembre, 21 patients ont été atteints par des complications neurologiques, parfois graves, qui n’avaient jamais été renseignées pour ce virus. Le constat polynésien fait donc évoluer les commentaires sur cette maladie. Dans son bulletin hebdomadaire international de la semaine dernière, l’Institut national de veille sanitaire indiquait ainsi «des cas graves ne peuvent être exclus».
Les complications neurologiques observées sur ces patients en Polynésie surviennent, elles cinq à dix jours après que la maladie soit terminée. «On ne trouve pas le virus zika chez les patients concernés mais des anti-corps anti-zika. C’est-à-dire une trace de l’infection. Dans la majorité des cas de ces patients, ces complications neurologiques sont donc très probablement liées au zika. Nous sommes toujours en train d’étudier tout cela en détail» commente le docteur Henri-Pierre Mallet du Bureau de veille sanitaire. Effectivement, dans les études médicales sur les maladies émergentes, les connaissances sont sans cesse en évolution. Dans un article spécialisé sur le zika, il est ainsi rappelé que le virus est considéré comme bénin pour l’homme «dans l’état actuel des connaissances». Et de citer l’exemple du virus West Nile, lui-même longtemps considéré comme relativement inoffensif pour l’homme jusqu’à une flambée de la circulation de ce virus aux Etats Unis, au début des années 2000, ayant provoqué au moins une centaine de cas mortels.
Preuve s’il en est que le zika est une maladie peu connue, tous les articles médicaux qui évoquaient jusque là ce virus, décrivaient une maladie bénigne, qui disparait sans séquelle après 5 à 7 jours. Or sur les 35 000 cas estimés de zika sur notre territoire en deux mois entre octobre et décembre, 21 patients ont été atteints par des complications neurologiques, parfois graves, qui n’avaient jamais été renseignées pour ce virus. Le constat polynésien fait donc évoluer les commentaires sur cette maladie. Dans son bulletin hebdomadaire international de la semaine dernière, l’Institut national de veille sanitaire indiquait ainsi «des cas graves ne peuvent être exclus».
Les complications neurologiques observées sur ces patients en Polynésie surviennent, elles cinq à dix jours après que la maladie soit terminée. «On ne trouve pas le virus zika chez les patients concernés mais des anti-corps anti-zika. C’est-à-dire une trace de l’infection. Dans la majorité des cas de ces patients, ces complications neurologiques sont donc très probablement liées au zika. Nous sommes toujours en train d’étudier tout cela en détail» commente le docteur Henri-Pierre Mallet du Bureau de veille sanitaire. Effectivement, dans les études médicales sur les maladies émergentes, les connaissances sont sans cesse en évolution. Dans un article spécialisé sur le zika, il est ainsi rappelé que le virus est considéré comme bénin pour l’homme «dans l’état actuel des connaissances». Et de citer l’exemple du virus West Nile, lui-même longtemps considéré comme relativement inoffensif pour l’homme jusqu’à une flambée de la circulation de ce virus aux Etats Unis, au début des années 2000, ayant provoqué au moins une centaine de cas mortels.