L'envers du paradis: que se passe-t-il aux Maldives ?


Malé, Maldives | AFP | mardi 06/02/2018 - La crise politique s'est aggravée cette semaine aux Maldives, où le régime du président Abdulla Yameen a décrété l'état d'urgence et fait arrêter deux juges de la Cour suprême et un ancien président.

Associé dans l'imaginaire grand public aux plages paradisiaques de sable blanc et aux mers bleu turquoise, ce petit d'archipel sunnite de l'océan Indien est pourtant le théâtre ces dernières années d'une dérive autoritaire.
  - Quels sont les acteurs ? - Élu en 2013 dans des circonstances controversées, le président Abdulla Yameen a mené ces dernières années une politique de répression féroce contre ses détracteurs.
Presque toute l'opposition politique est en prison ou en exil, la société civile muselée, malgré les protestations et pressions internationales.
L'opposition disparate est rassemblée derrière l'ex-président en exil Mohamed Nasheed, basé à Londres mais souvent en visite au Sri Lanka pour s'y entretenir avec des dissidents. Elle a tenté à plusieurs reprises, sans succès jusqu'ici, de destituer le président Yameen par la voie législative.
Connu sur la scène internationale pour son combat contre le réchauffement climatique, Mohamed Nasheed avait été le premier chef de l'État démocratiquement élu de l'histoire du pays à l'instauration du multipartisme en 2008.
Acculé à la démission par une mutinerie de la police en 2012, il avait été défait à l'élection présidentielle l'année suivante par Abdulla Yameen, demi-frère de l'ancien homme fort Maumoon Abdul Gayoom, qui a gouverné de 1978 à 2008.
Ce dernier, depuis peu brouillé avec l'actuel président, a rejoint l'année dernière son ancien ennemi juré Mohamed Nasheed dans l'opposition. Les forces de l'ordre l'ont interpellé lundi à son domicile.
En 2015, Mohamed Nasheed avait écopé 13 ans de prison pour terrorisme, une condamnation politiquement motivée selon les Nations unies et la Cour suprême. Incarcéré, il avait obtenu l'asile au Royaume-Uni l'année suivante à la faveur d'une permission médicale.
Sa condamnation ayant été cassée par la plus haute instance judiciaire de cette nation de 340.000 habitants, M. Nasheed affiche son intention de se présenter au scrutin présidentiel qui doit se tenir cette année.
  - Quelle est la position des forces de sécurité ? - Le chef des forces armées soutient publiquement le président Yameen.
"L'armée des Maldives ne restera pas oisive à regarder les Maldives entrer en crise", a déclaré dimanche Ahmed Shiyam, indiquant qu'il n'obéirait pas aux "ordres illégaux" de la Cour suprême.
Toutefois, selon des observateurs, l'arrestation de l'ex-dirigeant Gayoom pourrait diviser les forces de sécurité, au sein desquelles il reste très respecté. Selon le site Maldives Independent, celui qui a dirigé les îles d'une main de fer pendant 30 ans (1978-2008) a reçu le salut des policiers antiémeutes lors de son arrestation.
L'instauration de l'état d'urgence vient renforcer les pouvoirs déjà très vastes des forces de sécurité pour arrêter et maintenir en détention des suspects.
Durant son mandat, M. Yameen s'est fortement rapproché de la Chine et de l'Arabie saoudite et pourrait juger qu'il est suffisamment soutenu pour traverser de cette crise.
Les yeux sont désormais tournés sur les forces de sécurité, et leur réaction à l'arrestation de Maumoon Abdul Gayoom, ainsi que vers la rue, où de nouvelles manifestations pourraient germer.
  - Qu'en est-il du tourisme ? - Îles vulnérables au réchauffement climatique, les Maldives sont un haut lieu du tourisme de luxe, particulièrement prisées des jeunes mariés en lune de miel.
Premier pourvoyeur de touristes aux Maldives, la Chine a d'ors et déjà déconseillé à ses ressortissants de se rendre dans le pays. Une consigne qui tombe mal pour l'industrie touristique maldivienne car la fête du printemps chinois, mi-février, représente normalement le pic de la fréquentation chinoise.
Des pays comme l'Inde et la France ont émis des avertissements similaires, quand la Grande-Bretagne et les États-Unis ont eux seulement suggéré à leurs citoyens de faire preuve de prudence.
Nombre d'hôtels dans la capitale Malé refusaient de prendre des réservations mardi.
Environ 1,4 million d'étrangers se sont rendus aux Maldives l'année dernière, contre 1,28 million l'année précédente.

le Mardi 6 Février 2018 à 05:23 | Lu 785 fois