Tahiti, le 18 novembre 2022 - Bien qu'elle soit souvent présentée comme prioritaire, dans les faits, la gestion des déchets se retrouve fréquemment reléguée au fond de la liste des actions... par manque de moyens ou de volonté. S'il est vrai que certaines communes ont pris le problème à bras le corps, que le Pays a répondu à certaines problématiques et que des améliorations notables sont enregistrées, un constat de flottement l'emporte. La prochaine échéance qui obligera légalement les communes à fournir un service de gestion des déchets, est fixée à 2024, un délai tellement proche qu'il laisse présager un énième nouveau report.
Il est complexe d'établir un état des lieux de la gestion des déchets en Polynésie, tant les cas de figure sont multiples. Un petit atoll des Tuamotu ne fait pas face aux mêmes problématiques qu'une île des Marquises, ni qu'une agglomération de Tahiti. Tout comme chacun ne peut se doter des mêmes équipements pour quelques dizaines d'habitants ou des dizaines de milliers. Et pour encore compliquer les choses, les responsabilités sont partagées entre les communes, qui sont compétentes en matière de déchets ménagers et végétaux, et le Pays qui, lui, est en charge des déchets toxiques tels que les piles, les batteries ou les médicaments. Et encore… pour certains déchets, les compétences ne sont pas encore clairement définies.
À lire aussi : Où vont nos déchets ?
Si l'étendue géographique du territoire et les coûts de transport inhérents expliquent en partie la lenteur d'action, une feuille de route assortie d'une volonté politique permettrait au moins de faire avancer la situation. Un schéma territorial de prévention et de gestion des déchets est d'ailleurs attendu de longue date. L'absence de chiffres, ne serait-ce qu'une estimation récente de la production de déchets par habitant à l'échelle de la Polynésie, en dit long sur le travail à effectuer.
Le problème des décharges
À part dans les rares îles dotées d'un centre d'enfouissement technique (CET) réglementaire (Tahiti, Bora Bora, Tubuai, Rapa, Ua Pou et Nuku Hiva) ou d'une déchetterie autorisée (Moorea), les déchets sont déversés dans des décharges sauvages, véritables désastres écologiques. Celle de la commune de Faa'a, illustre exemple, fait d'ailleurs l'objet d'une information judiciaire. 25 000 tonnes de déchets de toutes sortes y sont déversées chaque année et une expertise a révélé la présence de lixiviats qui s'écoulent vers la rivière Piafau avec une contamination des sols. Idem pour la communauté de communes (ComCom) Hava'i qui regroupe Raiatea, Taha'a, Huahine et Maupiti. Elle a été épinglée par la chambre territoriale des comptes qui révélait en mai 2022, dans un rapport édifiant, que “les ordures ménagères et les encombrants sont donc toujours déversés et stockés dans des dépotoirs non autorisés, fermés au public, sans aucune maîtrise des polluants. (...) Des entreprises de terrassement ou des communes ayant des dragues procèdent régulièrement à l’écrasement des déchets puis au recouvrement avec de la terre, afin de procéder à une nouvelle strate de déchets.” La Comcom, contrainte d'agir face à l'urgence, étudie actuellement la création d'un nouveau CET situé à Faaroa à Raiatea. Il devrait voir le jour en 2026.
Il est complexe d'établir un état des lieux de la gestion des déchets en Polynésie, tant les cas de figure sont multiples. Un petit atoll des Tuamotu ne fait pas face aux mêmes problématiques qu'une île des Marquises, ni qu'une agglomération de Tahiti. Tout comme chacun ne peut se doter des mêmes équipements pour quelques dizaines d'habitants ou des dizaines de milliers. Et pour encore compliquer les choses, les responsabilités sont partagées entre les communes, qui sont compétentes en matière de déchets ménagers et végétaux, et le Pays qui, lui, est en charge des déchets toxiques tels que les piles, les batteries ou les médicaments. Et encore… pour certains déchets, les compétences ne sont pas encore clairement définies.
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Si l'étendue géographique du territoire et les coûts de transport inhérents expliquent en partie la lenteur d'action, une feuille de route assortie d'une volonté politique permettrait au moins de faire avancer la situation. Un schéma territorial de prévention et de gestion des déchets est d'ailleurs attendu de longue date. L'absence de chiffres, ne serait-ce qu'une estimation récente de la production de déchets par habitant à l'échelle de la Polynésie, en dit long sur le travail à effectuer.
Le problème des décharges
À part dans les rares îles dotées d'un centre d'enfouissement technique (CET) réglementaire (Tahiti, Bora Bora, Tubuai, Rapa, Ua Pou et Nuku Hiva) ou d'une déchetterie autorisée (Moorea), les déchets sont déversés dans des décharges sauvages, véritables désastres écologiques. Celle de la commune de Faa'a, illustre exemple, fait d'ailleurs l'objet d'une information judiciaire. 25 000 tonnes de déchets de toutes sortes y sont déversées chaque année et une expertise a révélé la présence de lixiviats qui s'écoulent vers la rivière Piafau avec une contamination des sols. Idem pour la communauté de communes (ComCom) Hava'i qui regroupe Raiatea, Taha'a, Huahine et Maupiti. Elle a été épinglée par la chambre territoriale des comptes qui révélait en mai 2022, dans un rapport édifiant, que “les ordures ménagères et les encombrants sont donc toujours déversés et stockés dans des dépotoirs non autorisés, fermés au public, sans aucune maîtrise des polluants. (...) Des entreprises de terrassement ou des communes ayant des dragues procèdent régulièrement à l’écrasement des déchets puis au recouvrement avec de la terre, afin de procéder à une nouvelle strate de déchets.” La Comcom, contrainte d'agir face à l'urgence, étudie actuellement la création d'un nouveau CET situé à Faaroa à Raiatea. Il devrait voir le jour en 2026.
©ComCom Hava'i
C'est aussi le cas de la commune de Rangiroa, souvent pointée du doigt jusque dans les médias métropolitains, qui fait face à une problématique de gestion des déchets, ceux-ci étant stockés depuis une trentaine d'années sur le site d'un ancien lac devenu entre-temps une décharge à ciel ouvert totalement saturée. L'atoll s'est à présent lancé dans une démarche de dépollution.
En 2016, une étude (Diren-Ademe) recensait à Tahiti et Moorea pas moins de 257 sites de décharges sauvages communales ou privées à réhabiliter. Une étude qui a été suivie de très peu d'effets, à l'exception de quelques fermetures de décharges et d'autres traitées par voie judiciaire. Seule la décharge de Punaauia, à la Punaruu, a fait l'objet d'une demande de réhabilitation. Elle devrait voir le jour prochainement, sans qu'aucune date ne soit encore avancée.
Car la réhabilitation des décharges représente un coût très élevé. À titre d'exemple, pour les cinq plus dangereuses, le coût d'études et de réhabilitation a été évalué entre 5 et 20 milliards de Fcfp par la cour des comptes. Pour contourner le problème et limiter le lourd investissement que peut représenter la construction d'un CET pour une petite commune, le Code de l'environnement avait été modifié afin de pouvoir créer des CET simplifiés (CETS). Deux projets pilotes devaient voir le jour à Tatakoto et Manihi, mais là encore, ils n'ont jamais abouti...
En 2016, une étude (Diren-Ademe) recensait à Tahiti et Moorea pas moins de 257 sites de décharges sauvages communales ou privées à réhabiliter. Une étude qui a été suivie de très peu d'effets, à l'exception de quelques fermetures de décharges et d'autres traitées par voie judiciaire. Seule la décharge de Punaauia, à la Punaruu, a fait l'objet d'une demande de réhabilitation. Elle devrait voir le jour prochainement, sans qu'aucune date ne soit encore avancée.
Car la réhabilitation des décharges représente un coût très élevé. À titre d'exemple, pour les cinq plus dangereuses, le coût d'études et de réhabilitation a été évalué entre 5 et 20 milliards de Fcfp par la cour des comptes. Pour contourner le problème et limiter le lourd investissement que peut représenter la construction d'un CET pour une petite commune, le Code de l'environnement avait été modifié afin de pouvoir créer des CET simplifiés (CETS). Deux projets pilotes devaient voir le jour à Tatakoto et Manihi, mais là encore, ils n'ont jamais abouti...
©Fenua ma
Sources de financement
La loi organique de 2004 a transféré la compétence de gestion des déchets aux communes, en plus de la collecte. Comme l'aiment à rappeler les tāvana, le transfert de compétences s'est fait sans transfert de moyens. Et c'est ainsi que depuis, chaque commune gère comme elle le peut. Effectivement, le Pays ne propose pas d'aide financière aux communes pour le rapatriement des déchets recyclables vers Tahiti alors que paradoxalement, l’importation depuis l'étranger de ces produits fait l’objet d’aides de la Polynésie française.
Pourtant, certaines pistes pourraient en partie fournir un moyen de financement. À sa mise en place, la taxe pour l'environnement, l'agriculture et la pêche (TEAP) de 2% sur tous les biens importés (2,9 milliards en 2019) avait pour but de participer au financement de la filière de traitement des déchets. Dans les faits, les recettes de cette taxe entrent directement dans le budget général de la Polynésie et ne sont pas affectées à des opérations en lien avec l'environnement ou le traitement des déchets.
Un autre dispositif pourtant inscrit au Code de l'environnement est au stade de projet. Appelé Responsabilité élargie des producteurs (REP), il est basé sur le principe du pollueur-payeur. Il s'appliquerait aux producteurs, importateurs et distributeurs de produits qui créent des déchets en les obligeant soit à mettre en place un système de collecte et de traitement des déchets issus de leurs produits, soit en créant des éco-organismes auxquels ils verseraient une contribution.
La loi organique de 2004 a transféré la compétence de gestion des déchets aux communes, en plus de la collecte. Comme l'aiment à rappeler les tāvana, le transfert de compétences s'est fait sans transfert de moyens. Et c'est ainsi que depuis, chaque commune gère comme elle le peut. Effectivement, le Pays ne propose pas d'aide financière aux communes pour le rapatriement des déchets recyclables vers Tahiti alors que paradoxalement, l’importation depuis l'étranger de ces produits fait l’objet d’aides de la Polynésie française.
Pourtant, certaines pistes pourraient en partie fournir un moyen de financement. À sa mise en place, la taxe pour l'environnement, l'agriculture et la pêche (TEAP) de 2% sur tous les biens importés (2,9 milliards en 2019) avait pour but de participer au financement de la filière de traitement des déchets. Dans les faits, les recettes de cette taxe entrent directement dans le budget général de la Polynésie et ne sont pas affectées à des opérations en lien avec l'environnement ou le traitement des déchets.
Un autre dispositif pourtant inscrit au Code de l'environnement est au stade de projet. Appelé Responsabilité élargie des producteurs (REP), il est basé sur le principe du pollueur-payeur. Il s'appliquerait aux producteurs, importateurs et distributeurs de produits qui créent des déchets en les obligeant soit à mettre en place un système de collecte et de traitement des déchets issus de leurs produits, soit en créant des éco-organismes auxquels ils verseraient une contribution.
C'est ce qui existe en Europe avec l'éco-organisme Éco emballage et la taxe Citeo sur tous les emballages recyclables et non recyclables (représentée par un logo vert avec deux flèches circulaires, apposé sur les emballages). Comme nous l'explique Benoît Layrle, directeur général de Fenua ma : “Cette pastille signifie que l'industriel qui vend le produit est à jour et a déclaré sa taxe. L'organisme signe des conventions avec des syndicats, des maires de communes et il met en place des objectifs de volume de collecte d'emballages en fonction du nombre d'habitants. Si le score est atteint, la commune reçoit une prime. C'est une ‘carotte financière’. C'est une économie incitative, ça permet d'inciter tout le monde à recycler tout en amenant des ressources importantes qui respectent le cahier des charges. Sur les communes de Fenua ma, on leur demande de participer à hauteur de 1,2 milliard par an, avec ce système d'écotaxe, avec nos performances de tri, on serait à même d'obtenir une prime de 250 millions (...) De plus, les industriels ont allégé leurs emballages pour payer le minium de taxe. Elle a donc aussi permis aux industriels de se remettre en question.” Après de nombreux échanges et propositions, le projet de REP n'a pas abouti et il ne se fera qu'à condition d'une baisse de la TEAP puisque les importateurs ne veulent pas payer pour la TEAP et la REP...
D'autres pistes, à plus petite échelle sont envisageables, surtout pour les déchets recyclables. Benoît Layrle nous cite en exemple les maires des Australes qui, de leur propre initiative, ont mis en place un rapatriement de leurs bouteilles en plastique et canettes en négociant deux transferts par an sur le Tuha'a Pae offert par l'armateur. À noter également qu'une baisse de 25% sur le fret interîles des déchets a été décidée en conseil des ministres le 26 octobre dernier.
La prochaine échéance, qui obligera légalement les communes à fournir un service de gestion des déchets, est fixée à 2024, un délai tellement proche qu'il laisse présager un énième nouveau report. Tel un lourd fardeau, certaines communes ont demandé d'en être déchargées en retransférant leur compétence au Pays.
D'autres pistes, à plus petite échelle sont envisageables, surtout pour les déchets recyclables. Benoît Layrle nous cite en exemple les maires des Australes qui, de leur propre initiative, ont mis en place un rapatriement de leurs bouteilles en plastique et canettes en négociant deux transferts par an sur le Tuha'a Pae offert par l'armateur. À noter également qu'une baisse de 25% sur le fret interîles des déchets a été décidée en conseil des ministres le 26 octobre dernier.
La prochaine échéance, qui obligera légalement les communes à fournir un service de gestion des déchets, est fixée à 2024, un délai tellement proche qu'il laisse présager un énième nouveau report. Tel un lourd fardeau, certaines communes ont demandé d'en être déchargées en retransférant leur compétence au Pays.