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L'effet anti-douleur de la nature, même sous forme d'images, est bien réel


Sebastien ST-JEAN / AFP
Sebastien ST-JEAN / AFP
Paris, France | AFP | vendredi 14/03/2025 - La nature, même sous forme virtuelle, peut atténuer la douleur en réduisant l'activité cérébrale liée à sa perception, une découverte qui pourrait améliorer de façon simple sa prise en charge, selon une étude.

Les bienfaits de la nature sur la santé et notamment la gestion de la douleur ont fait l'objet de nombreuses recherches.

Il y a plus de quarante ans, une étude pionnière de l'Américain Roger Ulrich montrait comment les patients hospitalisés utilisaient moins d'analgésiques et se rétablissaient plus rapidement lorsque leurs fenêtres donnaient sur un espace vert plutôt qu'un mur de briques.

Mais "jusqu'à présent, les raisons sous-jacentes à cet effet étaient peu claires", note dans un communiqué Max Steininger, neuroscientifique à l'Université de Vienne et auteur principal de l'étude publiée jeudi dans Nature Communications.

En cause, l'aspect subjectif à la fois de la nature et de la douleur. Est-ce la nature qui est apaisante ou l'effet placebo induit par ses supposés bienfaits? Ou encore le fait que nous préférons regarder des paysages que nous percevons comme beaux? Et si ce n'était pas les paysages naturels qui réduisaient la douleur, mais les environnements urbains qui l'accentuaient?  

Autre difficulté: les mécanismes complexes liés à la gestion de la douleur par le cerveau.

Certaines régions sont impliquées dans la perception de la douleur, la "nociception". Elles permettent à un individu d'identifier l'origine d'un stimulus douloureux dans le corps, son intensité et le type de douleur perçue.

Mais la réaction à ces informations, comme le sentiment de déplaisir envers le stimulus, l'inclination à adopter des comportements de protection, ou la régulation des affects liés à la douleur, est gérée dans d'autres régions, comme le cortex préfontal.

- Attention détournée -

Les auteurs de l'étude ont cherché à savoir dans quelle mesure ces différentes zones étaient affectées par l'exposition à des paysages naturels, urbains et d'intérieur. Pour cela, ils ont enregistré l'activité cérébrale d'un panel de 49 volontaires grâce à un scanner IRMf (Imagerie par résonance magnétique fonctionnelle).

Les sujets regardaient différents visuels pendant qu'ils recevaient une série de décharges électriques plus ou moins douloureuses sur le dos de la main gauche.

La première scène représentait un paysage naturel, un bord de lac entouré d'arbres bougeant dans le vent, accompagné d'un fond sonore simulant le bruit des feuilles et le chant d'oiseaux.

Dans une deuxième, des éléments urbains avaient été ajoutés (bâtiments, bancs, allée) et le fond sonore avait été remplacé par des bruits typiques d'une ville.

Le volume sonore et la composition des deux images avaient été calibrés pour induire chez les participants un attrait esthétique similaire.

Enfin, un troisième visuel représentait un intérieur: un bureau avec un ordinateur, des fournitures et un ventilateur, accompagné là-aussi des sons correspondants.

Les participants ont non seulement déclaré qu'ils ressentaient moins de douleur lorsqu'ils regardaient le paysage naturel, mais les scans ont également montré une différence dans les réponses cérébrales.

"Notre étude est à la première à fournir des preuves qu'il ne s'agit pas simplement d'un effet placebo", souligne M. Steininger.

Plus précisément, l'exposition à la nature a diminué la réponse dans les zones impliquées dans la nociception, alors que les zones associées à la régulation de la douleur n'étaient pas significativement affectées.

Pour les auteurs, ces résultats pourraient s'expliquer par le fait que les environnements naturels comportent des éléments qui captivent l'attention humaine de façon unique et sans effort, détournant l'attention de la sensation de douleur. Une thèse connue sous le nom de "théorie de restauration de l'attention" en psychologie.

Le fait que cet effet antalgique "puisse être obtenu par une exposition virtuelle à la nature qui est facile à administrer a d'importantes implications pratiques", estime Dr Alex Smalley de l'Université d'Exeter (Royaume-Uni), co-auteur de l'étude. Et "ouvre de nouvelles voies pour la recherche visant à mieux comprendre comment la nature a un impact sur notre esprit".

le Vendredi 14 Mars 2025 à 04:29 | Lu 267 fois