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L'effet French Bee déjà visible dans les chiffres du tourisme


French Bee semble participer à une transformation du profil de nos visiteurs. Un changement qui profite aux pensions de famille.
French Bee semble participer à une transformation du profil de nos visiteurs. Un changement qui profite aux pensions de famille.
PAPEETE, le 22 août 2018 - En juin, les chiffres officiels du tourisme en Polynésie présentent un paradoxe très étrange : le nombre de visiteurs dans nos îles a explosé, mais la fréquentation des hôtels a légèrement baissé... Plusieurs explications éclairent ce mystère, en particulier le succès toujours grandissant de la croisière, et l'arrivée de French Bee qui semble avoir surtout profité aux pensions de famille.

Les chiffres de la fréquentation touristique et de la fréquentation hôtelière en juin 2018 ont été publiés par l'Institut de la statistique de la Polynésie française (ISPF). Ce mois de juin est particulièrement complexe à analyser à cause d'un changement de fond dans la structure de notre tourisme.

L'effet French Bee déjà visible dans les chiffres du tourisme
D'abord les bonnes nouvelles : la fréquentation touristique de la Polynésie française progresse de 10,1% par rapport à juin 2017, avec 203 842 visiteurs sur 12 mois glissants. C'est le deuxième mois de suite que la Polynésie dépasse le seuil des 200 000 visiteurs. Une performance que nous n'avions plus accomplie depuis 2009 !

Comme en mai, c'est avant tout la croisière (+63%) qui profite de cette explosion des visiteurs... Une tendance lourde depuis plusieurs années. En ce mois de juin, la progression est presque entièrement attribuable au retour du Paul Gauguin. Le bateau de croisière était en carénage en Australie l'année dernière... Les statistiques de ce mois de juin 2018 profitent donc du retour du navire, avec ses 1000 à 1200 touristes par mois.

Mais les hébergements terrestres ont aussi eu un bon mois, avec une hausse de la fréquentation de +2,8%. Le nombre de nuitées touristiques vendues bondit même de +14,6% par rapport à l'année précédente, car les croisiéristes réservent aussi quelques nuits en hébergement terrestre marchand avant de monter sur leur bateau.

LES GRANDS HÔTELS À LA PEINE, LES PENSIONS DE FAMILLE À LA FÊTE

Après ces bonnes nouvelles, la surprise vient de la baisse de 2,5% de la fréquentation hôtelière, soit presque 400 chambres louées en moins en juin. Le coefficient de remplissage des hôtels baisse encore plus, à -4%, à cause de la réouverture du Tahiti Nui, fermé l'année dernière à cause des inondations. Cette réouverture augmente le nombre de chambres disponibles alors même que la demande pour ce type d'hébergement était en légère baisse. Du coup comment expliquer ce trou d'air dans les hôtels alors que la fréquentation en hébergement terrestre est censée augmenter ?

Ce mystère a une réponse très simple : si les hôtels ont connu une légère baisse, ça veut dire que le mois de juin a été particulièrement bon pour la petite hôtellerie familiale, comme les pensions de famille. La location touristique de type AirBnB a sans doute également profité de cette augmentation, mais l'Institut n'a pas de chiffres sur ce marché tout neuf.

Ces chiffres surprenants sont donc dus en partie à la bonne santé de la croisière, et en partie à une transformation de la clientèle de nos hébergements terrestres. pour ce deuxième point, la raison la plus évidente est le lancement de French Bee le 12 mai 2018, la compagnie à bas coût ayant pris 10% de part de marché dès juin !

UN "EFFET FRENCH BEE" ?

La compagnie aérienne française disait viser un tourisme plus populaire, principalement d'origine française. Et effectivement, les chiffres montrent que les arrivées de visiteurs Métropolitains ont fortement augmentées (+26,5% par rapport à juin 2017 !), tout comme les visiteurs du reste de l'Europe (+22%). Il semble que ces nouveaux touristes métropolitains ont très largement plébiscité la petite hôtellerie familiale.

Ce sont finalement les pensions de famille qui profitent de l'invasion tant redoutée des "backpackers" français et européens.
Ce sont finalement les pensions de famille qui profitent de l'invasion tant redoutée des "backpackers" français et européens.
À noter que cette analyse se repose sur seulement deux mois d'activité. On peut imaginer que French Bee va également être très favorable aux chiffres du tourisme affinitaire : ce sont les amis et la famille vivant en métropole, qui viennent nous rendre visite pour 33 jours en moyenne et que nous hébergeons gracieusement (ils achètent aussi des nuits en hébergement payant... Principalement les pensions de famille encore une fois). Ils représentent presque 14% de nos visiteurs, mais ils restent tellement longtemps que, en moyenne, 45% de tous les touristes présents en Polynésie à un moment donné sont des touristes affinitaires. Cette catégorie augmente déjà de 3,9% en juin. Mais avec le peut de temps pour que les familles s'organisent, un nouvel "effet French Bee" pourrait se faire sentir d'ici quelques mois avec une hausse encore plus marquée de cette catégorie.

Malgré tout, ce changement dans le profil de nos visiteurs n'est pas encore catastrophique pour l'hôtellerie. Les chiffres montrent qu'ils ont bien augmenté leurs prix depuis l'année dernière, assez pour que leur chiffre d'affaires ne souffre pas de cette baisse de fréquentation. D'ailleurs les hôtels continuent de recruter fortement selon les chiffres de l'emploi.

LE DÉSAMOUR DES JAPONAIS

Mais des signaux d'alarme sont clairement visibles : le nombre de touristes japonais s'est effondré de -18,5% depuis le début de l'année. La tendance est identique depuis la Nouvelle-Zélande et l'Australie. Heureusement, le nombre de visiteurs américains est remonté en juin après une grosse chute en mai, ce qui permet d'être en positif sur le premier semestre (+5,4% de visiteurs venus des États-Unis en cumul depuis janvier)... Mais cette croissance n'a profité qu'à la croisière. Les statistiques n'offrent malheureusement aucun indice sur l'origine de ce désamour de nos visiteurs américains, japonais et océaniens pour nos hôtels.

Enfin citons un dernier effet possible du lancement de French Bee sur l'hôtellerie : le nombre de touristes locaux dans les hôtels polynésiens est également en baisse. Peut-être que certains ont préféré aller passer quelques jours à San Francisco que dans les îles...

Rédigé par Jacques Franc de Ferrière le Mercredi 22 Août 2018 à 16:42 | Lu 15937 fois