L’économie de la Polynésie il y a un siècle : « En 1914 la colonie était autosuffisante »


Corinne Raybaud, historienne
PAPEETE, le 22 septembre 2014 - Une exposition sur la vie économique de la Polynésie en 1914 est organisée à la CCISM, dans le Hall du bâtiment rue du Dr. Cassiau à Papeete. Il s’agit bien sûr d’un des évènements organisés dans le cadre du centenaire de la Première Guerre mondiale et du bombardement de Papeete.

À l’occasion du vernissage de l’exposition mercredi 17 septembre, Tahiti-Infos a rencontré l’une des deux historiennes à avoir réalisé l’installation, Corinne Raybaud. Elle a écrit deux ouvrages sur l’histoire de la Polynésie, l’un sur les Établissements Français en Océanie (EFO) pendant la Première Guerre mondiale, et un nouvel opus intitulé « 1914 dans les Établissements Français de l’Océanie ».

Quelle est cette exposition ?
« Cette exposition ouverte à la CCISM du 18 septembre au 24 octobre a pour objet de parler de la vie économique dans les EFO pendant la Première Guerre mondiale, en particulier lors du déclenchement de la guerre. En plus des photos et objets exposés, il y a un certain nombre de panneaux sur la situation économique, les statistiques économiques dans les établissements français, et aussi sur les ressources de la colonie : les matières premières produites du sol et les autres ressources. »

Quelle était la principale ressource de la Polynésie en 1914 ?
« On trouvait beaucoup de production locale comme le uru, le fei, les cocotiers bien sûr, les oranges et les ananas… Mais aussi des cultures importées, les pommes de terre évidemment aux Australes, mais aussi du riz, du café, du cacao, du coton, du maïs (planté au moment des défrichements puis tombés en désuétude), de la vigne qui donnait deux productions par an… C’était donc l’agriculture, mais aussi les phosphates exploités à Makatea.
Ça c’étaient les grandes ressources, et le commerce principal se faisait inter-îles. Il y avait aussi des importations et exportations de produits locaux. Les exportations c’était de la nacre ou de la vanille par exemple. Mais la vanille nécessitait encore à ce moment une amélioration, car souvent on considérait qu’elle était cueillie trop tôt et donc de qualité insuffisante. Les perles, c’était de façon marginale, des perles fines trouvées dans les huitres qui valaient très cher, mais qui étaient très rares, car il n’y avait pas la perliculture actuelle
. »

On voit que l’économie de cette époque augure de celle d’aujourd’hui
« Oui, par exemple la canne à sucre, avec les plantations d’Atimaono en 1860, a provoqué l’arrivée de travailleurs chinois car on manquait beaucoup de main d’œuvre. Mais la plantation va faire faillite rapidement, à ce moment certains Chinois sont retournés en Chine, mais d’autres sont restés pour faire des faapu, puis vendre leurs légumes et développer progressivement le commerce.
Mais d’autres choses ont pratiquement disparu, comme le café ou le cacao, même si on assiste à un retour progressif
. »

Il y avait une industrie ?
« Oui, il avait l’industrie du sucre, et au milieu du 19ème siècle il y avait une industrie à égrener le coton, plus de petites industries. Sur le panneau déroulant on peut le voir, avec les différentes catégories de commerçants dans l’annuaire 1914, avec leur nombre et leur nationalité. Et déjà, les commerçants chinois étaient les plus nombreux cette année-là, même si la Société Commerciale de l’Océanie, une société allemande, était très importante en volume au point de représenter la moitié de nos échanges. »

À l’époque nous étions autosuffisants ?
« Oui, mais nous étions beaucoup moins nombreux, entre 10 et 20 000 personnes sur Tahiti (30 000 environ en Polynésie). Résultat, l’agriculture vivrière, la pêche et l’élevage suffisaient pour nourrir les populations. La colonie était autosuffisante, et la balance commerciale était équilibrée, ce qui n’est plus le cas depuis l’après-CEP. Mais nous étions dans une période d’isolement, alors qu’après les années 60 avec l’ouverture de l’aéroport, les besoins se sont accrus, l’argent a circulé davantage et ça a été le développement de la société de consommation. »

Il y a beaucoup de photos historiques dans cette exposition, d’où viennent-elles ?
« Il y en a du fonds de la Fondation Daniel Palacz, il y a des photos prêtées par les archives de la mairie, les archives territoriales, et puis des gens ont prêté des objets, cette vieille machine à coudre, le boulier, la vaisselle, des robes reconstituées… En tout, il doit y avoir une centaine d’objets et de photos. Pour organiser cette exposition nous étions deux historiennes, avec Marie-Noëlle Frémy, et bien sûr l’aide d’Odile Tcheou de la CCISM pour l’organisation et de Vaihere Tehei, archiviste de la Mairie de Papeete, qui a largement participé. »

Parmi les objets exposés, un obus

Des panneaux et des robes reconstituées

Le bombardement de Papeete

Rédigé par Jacques Franc de Ferrière le Lundi 22 Septembre 2014 à 13:39 | Lu 1598 fois