"L'école à l'hôpital aide à dédramatiser la maladie"


La professeure Isabelle Huioutu en plein cours avec Gwendoline-Tuira dans la salle de classe de l'école de l'hôpital.
Papeete, le 26 janvier 2018 - L'hôpital du Taaone offre la possibilité aux enfants hospitalisés de poursuivre leur scolarité grâce à la présence d'une enseignante spécialisée dans l'établissement de soins. Chaque jour depuis 20 ans, Isabelle Huioutu, l'institutrice, va à la rencontre des enfants hospitalisés pour leur proposer d'aller à l'école de l'hôpital ou pour leur faire cours au chevet de leur lit.

"L'école à l'hôpital, c'est un peu comme une bouffée d'oxygène pour les enfants hospitalisés", confie Isabelle Huioutu, professeure des écoles à l'hôpital depuis 1998. Et effectivement, pour un petit patient hospitalisé, l’école est l’espace où il redevient comme tous les autres enfants, un simple élève. Un peu comme une parenthèse dans la maladie, car aucun soin ne peut être effectué par le personnel médical dans la petite salle de classe de l'hôpital, située dans le service de Pédiatrie.
" C'est très important pour le service de Pédiatrie d'avoir l'école, c'est une zone de décompression pour les enfants ", complète le Dr Jérôme Pasche, chef du service de Pédiatrie à l'hôpital.

"DES PETITS DE MATERNELLE COMME DES GRANDS DE 16 ANS"

Une hospitalisation interrompt souvent de façon brutale le quotidien familial et scolaire de l'enfant, le fait de pouvoir continuer à suivre des cours lui permet de garder certains repères.
"Au départ, comme tous les gamins du monde, quand je leur propose d'aller à l'école, ils sont souvent réticents, puis ils passent avec leurs parents voir comment cela se passe en salle de classe et finalement ils viennent me voir", explique Isabelle Huioutu. Très investie dans son travail, la professionnelle avoue volontiers que son métier est une vraie passion. "Il y a 20 ans, j'étais instit dans une école classique et j'ai découvert par hasard qu'il y avait une école à l'hôpital, cela a été immédiatement le déclic. J'ai alors souhaité réorienter ma carrière vers l'enseignement destiné aux enfants malades", explique-elle. Car effectivement, intervenir auprès d'enfants hospitalisés ne s'improvise pas et nécessite des compétences particulières. L'institutrice a dû se former à l'enseignement des enfants et adolescents malades somatiques, déficients physiques et handicapés moteurs. "Chaque jour est différent, les élèves sont très hétérogènes. Je peux très bien avoir des petits de maternelle comme des grands de 16 ans. Les grands vont s'investir en jouant un rôle de tuteur en faveur des plus petits. L'école à l'hôpital aide à dédramatiser la maladie", précise l'enseignante avec sa joie de vivre communicative.

L'ECOLE VA S'ADAPTER A L'ETAT DE SANTE ET DE FATIGUE DE L'ENFANT

Petits devoirs pour Teroitu, 11 ans et élève de CM2, dans sa chambre d'hôpital.
Chaque matin, le rituel d'Isabelle est immuable. Le personnel soignant lui transmet la liste des entrées et sorties des enfants, ainsi que leurs pathologies, puis elle passe dans chacune des chambres pour les inviter à venir à l'école de l'hôpital. Pour ceux qui sont alités, Isabelle leur propose quelques devoirs le matin et va se déplacer à leur chevet l'après-midi pour leur faire cours. Parfois, lorsque l'enfant est trop fatigué, elle va juste lui lire un conte. Un petit moment d'évasion pour le jeune patient…
"C'est une école à la carte, personnalisée. J'évalue au début le niveau de chaque élève et j'adapte ma pédagogie en fonction des résultats et bien sûr de son état de santé. C'est l'école qui va s'adapter à l'enfant et non l'inverse. Si l'enfant à des problèmes de lecture, je vais reprendre les bases. Je privilégie surtout le français et les maths et je travaille autour d'un thème, en ce moment, c'est l'Asie", explique l'enseignante.

La durée moyenne des séjours des enfants est de deux jours, parfois d'autres enfants vont séjourner ici plusieurs semaines. Dans ces cas-là, Isabelle va prendre contact avec le professeur principal pour qu'il lui envoie les cours et les devoirs. Grâce au réseau internet Pronote, l'enseignant spécialisé peut suivre le dossier de l'élève, comme c'est le cas avec Gwendoline-Tuira, élève en 4ème. L'adolescente de 14 ans vient d'être hospitalisée de nouveau après un premier long séjour l'an dernier. "Je suis contente de pouvoir aller à l'école à l'hôpital, cela me permet de ne pas décrocher et surtout cela fait passer le temps, car les journées sont longues à l'hôpital".
Lors de la sortie de l'enfant, l'enseignante transmet systématiquement une synthèse du travail à l'établissement d'origine de l'enfant.

"ON S'ATTACHE, PARFOIS C'EST DIFFICILE, CAR L'ENFANT NE GUÉRIT PAS TOUJOURS..."

Si la mission de l'école à l'hôpital est bien sûr de permettre au petit patient de continuer sa scolarité le plus normalement possible, elle a aussi pour objectif d'apporter un soutien psychologique, voire social à l'enfant. Une relation privilégiée, enfant – prof, se noue au fil du temps, le petit patient va davantage se confier à cette maîtresse pas tout à fait comme les autres. " L'institutrice passe beaucoup de temps avec le jeune et elle n'est pas en blouse blanche. Elle favorise le lien avec l'équipe médicale, c'est très important. Si elle détecte quelque chose, cela va nous aider à mettre en place une prise en charge d'ordre psychologique, sociale ou diététique…, selon les cas ", remarque Swanee Joussin, cadre de santé du service de Pédiatrie.

Et on peut compter sur Isabelle Huioutu pour aider autant qu'elle peut ces enfants hospitalisés. " C'est très enrichissant de travailler avec eux au quotidien, on s'attache, parfois c'est difficile, car l'enfant ne guérit pas toujours... cela fait relativiser beaucoup de choses. C’est une sacrée leçon de vie !", conclut l'enseignante d'un sourire pudique.


L'enseignante spécialisée, affectée par le ministère de l'Education, est placée sous l'autorité de tutelle du chef de service et du cadre de santé du service de Pédiatrie. Elle élabore un projet pédagogique en fonction des besoins des élèves définis par les projets individualisés dans le respect des objectifs thérapeutiques fixés par l'équipe médicale. A l'issue de chaque année, elle rédige un bilan d'activité remis à l'IEN-ASH (inspecteurs de l'Education nationale chargés de l'adaptation, et la scolarisation des élèves Handicapés) ainsi qu'à son autorité de tutelle.

Rédigé par Pauline Stasi le Vendredi 26 Janvier 2018 à 13:54 | Lu 2579 fois