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L'autonomie agricole s'organise entre tradition et innovation


Tahiti, le 28 mars 2025 - Le séminaire interrégional du Pacifique sur la valorisation des matières organiques s'est clos ce vendredi à l'Université de la Polynésie française après une semaine de visites sur le terrain et de tables rondes avec des délégations venues de Nouvelle-Calédonie, Wallis-et-Futuna et du Canada. Un bilan positif pour ce séminaire qui a permis de répondre en partie au principal objectif de structuration de la filière, en alliant héritage ancestral et technicité moderne.
 
Organisé par la Chambre de l'agriculture et de la pêche lagonaire (CAPL), en partenariat avec l'association Valorga de Nouvelle-Calédonie et soutenu par le Fonds Pacifique et l'Ademe, le séminaire sur la valorisation des matières organiques s'est clos ce vendredi à l'Université de la Polynésie française. Dans son discours, le ministre en charge du secteur primaire, Taivini Teai, a rappelé que la Polynésie était aujourd'hui à “un tournant décisif” qui oblige à repenser nos modèles agricoles en s'inspirant de nos savoirs traditionnels. “Nos ancêtres polynésiens pratiquaient déjà le compostage et l'utilisation des déchets organiques pour enrichir les sols. Aujourd'hui, nous disposons de techniques avancées comme le lombricompostage, la micro-méthanisation ou la production de farines animales, qui nous permettent de valoriser nos ressources de manière encore plus efficace.”
Et ce séminaire était justement l'occasion de présenter les initiatives locales mais aussi de s'inspirer de ce qui se fait chez nos voisins du Pacifique ou à l'international. Certaines initiatives locales sont déjà en cours. Par exemple, l'entreprise TNB Water & Compost valorise les têtes de thon en compost et en engrais liquide à base de poudre, tandis que des agriculteurs commencent à utiliser des Biovator pour transformer les déchets organiques en compost. Cependant, le secteur peine encore à se structurer en une véritable industrie, comparable à celle de la Nouvelle-Calédonie, où les déchets issus des abattoirs sont transformés en farines animales.
 
Un cadre favorable pour l’investissement privé
 
Une des difficultés majeures réside dans le coût des processus industriels. Jusqu'à présent, la gestion des déchets organiques était gratuite, mais avec l’émergence d’une industrie de transformation, un modèle économique viable doit être trouvé pour voir dans quelle mesure le coût des matières transformées peut être supportable pour les agriculteurs. Mais ça ne pourra pas être porté par la Direction de l'agriculture ou la CAPL, il faut que ça émerge du privé”, souligne le ministère qui précise que le Pays a fait sa part du job, notamment en mettant en place un cadre règlementaire avec le projet de loi du Pays sur les épandages qui doit être voté prochainement à l'assemblée.
 
Les acteurs agricoles, qui jusqu’à présent répandaient ces matières sans connaître précisément les quantités nécessaires ou les besoins réels des sols, pourront désormais disposer d’un cadre précis pour ajuster leurs pratiques et éviter les gaspillages tout en préservant les terres agricoles. Côté financements, tout est en place également grâce à la défiscalisation locale et au nouveau contrat avec l'État (le Plan Investissement Avenir – PIA) réservé au secteur primaire et qui permet de financer des projets privés à hauteur de 50 % du volume global d'investissement.
 
Grâce à cette régulation, la Polynésie pourrait transformer ses déchets organiques en engrais naturels et couvrir ainsi les besoins en fertilisation de ses 1 200 hectares de lotissements agricoles publics. D'autant que la Polynésie dispose de trois gisements importants de matières organiques non valorisées (les fientes de poules, le lisier de porc et les déchets de poissons) qui pourraient couvrir jusqu’à 60 % des besoins annuels en azote de la région. L'azote étant un composant clé dans la fertilisation agricole, cette valorisation permettrait de réduire la dépendance aux engrais chimiques importés, et par conséquent, d’augmenter notre autonomie en matière de fertilisation.
 
Ce séminaire représente en tout cas un premier pas important vers une gestion plus durable et autonome des matières organiques en Polynésie. Il faut maintenant combiner cadre règlementaire et initiatives privées pour que ce pas se transforme en bond en avant vers une autonomie agricole.


Rédigé par Stéphanie Delorme le Vendredi 28 Mars 2025 à 14:13 | Lu 910 fois