Thiès, Sénégal | AFP | lundi 15/04/2018 - Plante utilisée par la médecine chinoise depuis des millénaires, l'artemisia pourrait offrir une alternative "naturelle" et bon marché aux médicaments pour lutter contre le fléau du paludisme, notamment en Afrique, à condition toutefois de convaincre une communauté scientifique toujours réticente.
L'artemisia, ou armoise, est la grande absente de la 7e édition de l'Initiative multilatérale sur le paludisme (MIM), une conférence qui réunit depuis dimanche près de Dakar quelque 3.000 spécialistes de cette maladie transmise par des moustiques, à l'origine de quelque 400.000 décès par an dans le monde, dont 92% en Afrique subsaharienne.
Pourtant, dans un petit atelier de Sébikotane, à quelques minutes à peine du centre qui accueille les conférenciers, quelques femmes s'affairent chaque jour autour de grands sacs contenant deux sortes d'artemisia, annua et afra, cultivées depuis 2017 à quelques dizaines de kilomètres de là, entre Dakar et Saint-Louis.
A l'aide de machines, ces femmes broient les feuilles et les tiges jusqu'à obtenir une poudre vert sombre, qu'elles conditionnent en petits sachets pour infusion ou en gélules, sous le regard attentif d'un jeune ingénieur agronome belge, Pierre Van Damme, responsable de la "Maison de l'artemisia" au Sénégal.
L'artemisia, "redécouverte" pendant la guerre du Vietnam, n'est pas une inconnue de la science moderne. En 2015, Youyou Tu est devenue le premier prix Nobel de médecine chinois pour avoir démontré l'efficacité d'une substance extraite de la plante, l'artémisinine, dans les traitements antipaludéens.
Depuis que les parasites à l'origine du paludisme (plasmodium) ont développé des résistances aux médicaments classiques comme la quinine, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) recommande l'utilisation des ACT, qui associent l'artémisinine (aujourd'hui de synthèse) à une autre molécule, de type amodiaquine ou méfloquin.
En revanche, l'OMS ne recommande pas l'utilisation sous sa forme naturelle de l'artemisia.
C'est là qu'elle diverge avec les membres de l'association More for Less, à l'origine de la création de 18 "Maisons de l'artemisia" en Afrique.
Pour Pierre Van Damme, l'industrie pharmaceutique n'a "aucun intérêt" à voir se répandre ce remède permettant pourtant "d'éradiquer toute trace du parasite" pour un coût "cinq à six fois inférieur" aux médicaments classiques et sans entraîner d'effets secondaires, tels que des troubles neurologiques ou digestifs.
Depuis les années 2000, des tests sur des centaines de personnes vivant dans des zones infectées, notamment en RD Congo et au Cameroun, ont démontré une efficacité préventive et thérapeutique allant jusqu'à 100% après sept jours de consommation de la tisane, avance le jeune Belge installé au Sénégal après ses études.
"Une fois que la personne a le paludisme, la posologie est stricte. Il lui faut 5 grammes par jour dans un litre d'eau" pendant sept jours, dit-il, citant une demi-douzaine d'études. Sous la forme de gélules, "c'est trois le matin, trois le midi et trois le soir". Pour 2.500 francs CFA (3,75 euros), on peut suivre un traitement d'une semaine ou une cure préventive d'un mois.
Sœur Françoise Cissé, qui dirige la Maternité de la miséricorde de Thiès, est une de ses plus fidèles clientes. "J'aime et je crois aux plantes médicinales", explique-t-elle d'emblée. "J'ai commencé à prendre l'artemisia et, depuis, je n'ai plus le palu", ajoute-elle au milieu de plantes médicinales poussant sur la terrasse de son dispensaire.
Elle s'en sert également pour ses patients porteurs du parasite sans pour autant être malades. "Une personne qui vit avec le palu, je ne lui donne que de l'artemisia. Quand elle revient, je fais la goutte épaisse (le test de détection rapide) et c'est négatif".
Soeur Françoise, qui affirme avoir aussi "guéri des patients avec l'artemisia", reconnaît qu'au dispensaire, "d'autres vont utiliser les méthodes modernes". Elle se veut "prudente" et dit s'inscrire "dans la politique de l'Etat", tout en espérant que le Sénégal accordera bientôt plus de place à la "médecine naturelle".
A Dakar, la Dr Aissatou Touré, la directrice de l'unité d'immunologie de l'Institut Pasteur, met en garde contre l'utilisation inconsidérée de l'artemisia.
"Prendre régulièrement une infusion, c'est une chose. Mais l'utiliser pour traiter un enfant en train de faire un accès de paludisme, ce n'est pas la même problématique", confie-t-elle à l'AFP, en balayant l'argument économique, en tout cas au Sénégal, où le traitement du paludisme est "gratuit et accessible".
"Ne jouez pas avec la vie des gens. Le palu, ça peut aller très très vite. Un accès non traité correctement peut en deux jours se transformer en accès grave et entraîner la mort", rappelle-t-elle en s'adressant aux centres de santé. En cas de maladie déclarée, "je pense qu'il serait sage d'utiliser des traitements reconnus comme efficaces. Maintenant, si vous voulez, en plus, ajouter autre chose, libre à vous".
L'artemisia, ou armoise, est la grande absente de la 7e édition de l'Initiative multilatérale sur le paludisme (MIM), une conférence qui réunit depuis dimanche près de Dakar quelque 3.000 spécialistes de cette maladie transmise par des moustiques, à l'origine de quelque 400.000 décès par an dans le monde, dont 92% en Afrique subsaharienne.
Pourtant, dans un petit atelier de Sébikotane, à quelques minutes à peine du centre qui accueille les conférenciers, quelques femmes s'affairent chaque jour autour de grands sacs contenant deux sortes d'artemisia, annua et afra, cultivées depuis 2017 à quelques dizaines de kilomètres de là, entre Dakar et Saint-Louis.
A l'aide de machines, ces femmes broient les feuilles et les tiges jusqu'à obtenir une poudre vert sombre, qu'elles conditionnent en petits sachets pour infusion ou en gélules, sous le regard attentif d'un jeune ingénieur agronome belge, Pierre Van Damme, responsable de la "Maison de l'artemisia" au Sénégal.
L'artemisia, "redécouverte" pendant la guerre du Vietnam, n'est pas une inconnue de la science moderne. En 2015, Youyou Tu est devenue le premier prix Nobel de médecine chinois pour avoir démontré l'efficacité d'une substance extraite de la plante, l'artémisinine, dans les traitements antipaludéens.
Depuis que les parasites à l'origine du paludisme (plasmodium) ont développé des résistances aux médicaments classiques comme la quinine, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) recommande l'utilisation des ACT, qui associent l'artémisinine (aujourd'hui de synthèse) à une autre molécule, de type amodiaquine ou méfloquin.
En revanche, l'OMS ne recommande pas l'utilisation sous sa forme naturelle de l'artemisia.
- Cliente fidèle -
C'est là qu'elle diverge avec les membres de l'association More for Less, à l'origine de la création de 18 "Maisons de l'artemisia" en Afrique.
Pour Pierre Van Damme, l'industrie pharmaceutique n'a "aucun intérêt" à voir se répandre ce remède permettant pourtant "d'éradiquer toute trace du parasite" pour un coût "cinq à six fois inférieur" aux médicaments classiques et sans entraîner d'effets secondaires, tels que des troubles neurologiques ou digestifs.
Depuis les années 2000, des tests sur des centaines de personnes vivant dans des zones infectées, notamment en RD Congo et au Cameroun, ont démontré une efficacité préventive et thérapeutique allant jusqu'à 100% après sept jours de consommation de la tisane, avance le jeune Belge installé au Sénégal après ses études.
"Une fois que la personne a le paludisme, la posologie est stricte. Il lui faut 5 grammes par jour dans un litre d'eau" pendant sept jours, dit-il, citant une demi-douzaine d'études. Sous la forme de gélules, "c'est trois le matin, trois le midi et trois le soir". Pour 2.500 francs CFA (3,75 euros), on peut suivre un traitement d'une semaine ou une cure préventive d'un mois.
Sœur Françoise Cissé, qui dirige la Maternité de la miséricorde de Thiès, est une de ses plus fidèles clientes. "J'aime et je crois aux plantes médicinales", explique-t-elle d'emblée. "J'ai commencé à prendre l'artemisia et, depuis, je n'ai plus le palu", ajoute-elle au milieu de plantes médicinales poussant sur la terrasse de son dispensaire.
Elle s'en sert également pour ses patients porteurs du parasite sans pour autant être malades. "Une personne qui vit avec le palu, je ne lui donne que de l'artemisia. Quand elle revient, je fais la goutte épaisse (le test de détection rapide) et c'est négatif".
- Le palu va vite -
Soeur Françoise, qui affirme avoir aussi "guéri des patients avec l'artemisia", reconnaît qu'au dispensaire, "d'autres vont utiliser les méthodes modernes". Elle se veut "prudente" et dit s'inscrire "dans la politique de l'Etat", tout en espérant que le Sénégal accordera bientôt plus de place à la "médecine naturelle".
A Dakar, la Dr Aissatou Touré, la directrice de l'unité d'immunologie de l'Institut Pasteur, met en garde contre l'utilisation inconsidérée de l'artemisia.
"Prendre régulièrement une infusion, c'est une chose. Mais l'utiliser pour traiter un enfant en train de faire un accès de paludisme, ce n'est pas la même problématique", confie-t-elle à l'AFP, en balayant l'argument économique, en tout cas au Sénégal, où le traitement du paludisme est "gratuit et accessible".
"Ne jouez pas avec la vie des gens. Le palu, ça peut aller très très vite. Un accès non traité correctement peut en deux jours se transformer en accès grave et entraîner la mort", rappelle-t-elle en s'adressant aux centres de santé. En cas de maladie déclarée, "je pense qu'il serait sage d'utiliser des traitements reconnus comme efficaces. Maintenant, si vous voulez, en plus, ajouter autre chose, libre à vous".