L'arsenal des dealers du dossier Sarah Nui


PAPEETE, le 1er octobre 2019 - Le procès du premier volet de l'affaire de trafic d’ice dite "Sarah Nui" s'est ouvert mardi devant le tribunal correctionnel. Quatorze prévenus comparaissent jusqu’à jeudi pour avoir pris part à un réseau où plusieurs Colt et fusil à pompe ont été saisis. Des armes qui servaient à intimider les mauvais payeurs…

Premier jour, mardi au palais de justice de Papeete, du procès en correctionnelle d’un des deux volets de l'affaire de trafic d’ice dite du "Sarah Nui", du nom de l’hôtel dans lequel ont eu lieu les plus retentissantes perquisitions au début de ce dossier en août 2018. Dans ce pan du dossier qui concerne uniquement les revendeurs locaux du vaste trafic, 14 prévenus comparaissent jusqu'à jeudi pour avoir pris part, entre novembre 2016 et juillet 2018, à un vaste trafic d'ice. Selon les enquêteurs, près de trois kilos de drogue ont été écoulés au cours de cette période par les prévenus, et notamment par l’ancien entraîneur de futsal, Francis Tarano, présenté comme la "personne la plus importante de ce réseau". Francis Tarano qui aurait ainsi écoulé 1,37 kg d’ice entre 2016 et juillet 2018.

COLT, BONBON A LA MENTHE ET CHASSE A L'HOMME

Fait marquant de ce premier jour de procès, la présence toute particulière des armes à feu dans les récits des prévenus. Au cours de l’enquête, de multiples armes à feu, dont un Colt 45 et deux fusils à pompe, avaient été retrouvées aux domiciles de Tamanu Oni et Thomas Buchin, deux proches de Francis Tarano. "Je suis un collectionneur d'armes", s'est justifié le premier cité auprès du tribunal, en indiquant pourtant n'avoir aucune expérience dans leur maniement. Thomas Buchin, identifié comme le véritable propriétaire de ces différentes armes à feu, a affirmé qu’il s'adonnait à la chasse dans la vallée de la Punaruu. "J'étais également dans un club de tir quand j'étais plus jeune."

Les deux prévenus, avec Francis Tarano, ont ainsi expliqué à la barre leur participation à rien de moins qu’une "chasse à l'homme" –des termes ressortis des écoutes téléphoniques lors de l’enquête- à la suite d'une arnaque sur fond de trafic de drogue. En mai 2018, une transaction pour l'achat d'un peu plus de 200 grammes d’ice pour un montant de 16 millions Fcfp avait eu lieu entre Francis Tarano et l'un de ses intermédiaires. Sauf que le produit vendu s’était révélé être… des bonbons à la menthe.

Se rendant compte de la supercherie, les trois prévenus avaient alors monté la garde devant le domicile dudit intermédiaire pour récupérer l’argent versé. "J'ai demandé à Tamanu Oni de prendre un fusil. C'était pour nous protéger dans le cas où il y aurait eu un "gag". Ce n'était pas une chasse à l'homme et ce n'était pas pour tuer quelqu'un. Je voulais simplement discuter", s'est défendu Francis Tarano à la barre. Thomas Buchin, décrit comme le gros bras et l'homme à tout faire du réseau, a même reconnu devant les magistrats avoir à l’époque "fait un tir de sommation" pour effrayer l’intermédiaire. "Ils ont peur de notre réputation car on casse les gueules. Le trafic d'ice c'est un gros bordel", a conclut Thomas Buchin…

Le procès est prévu sur trois jours, pour s’achever jeudi. Les 14 prévenus encourent jusqu’à 10 ans d’emprisonnement pour trafic de stupéfiants, mais aussi pour « détention non autorisée d’arme » en ce qui concerne Thomas Buchin.

Les armes dans les affaires de trafic d’Ice

La découverte d’armes à feu dans les affaires judiciaires au fenua est certes rarissime mais elle n’est pas une nouveauté. Des carabines et autres armes de chasse, voire même de vieux pistolets, ont été saisis de façon assez sporadique par le passé à l’occasion de quelques fait divers. En revanche, la présence et surtout la provenance d’armes semi-automatiques dans de récentes affaires de trafic de stupéfiants interroge chez les enquêteurs.

Le 17 juillet 2017, un ancien trafiquant d’ice de 28 ans avait notamment été interpellé lors d’un banal contrôle routier à Papeete en possession d’un Colt 41, de 30 munitions et de plus de 6 millions de Fcfp en liquide. L’homme n’a jamais réellement donné d’informations précises sur l’origine de l’arme à feu. En février 2018, la fameuse rixe du Royal Palms à Punaauia entre deux bandes, sur fond de trafic d’Ice, avait conduit à au moins six interpellations et la saisie d’un Colt 46 et de plusieurs armes à plomb…

Plus près de nous, en début d’année, le procès du trafiquant d’ice Tehotu Hauata, dit « Taco », avait permis d’entendre le témoignage de prévenus qui affirmaient que l’intéressé « avait l’habitude de se promener avec des armes, factices ou non, afin d’intimider ses mules et de les menacer ». Enfin, le 6 mai dernier, trois hommes et une femme avait été condamnés notamment pour « détention non autorisée d’arme ». Ils s’étaient trompés de domicile en se rendant, armés d’un canon scié, chez un particulier de Mahina qu’ils croyaient être un dealer d’ice qui leur devait de l’argent. Le père de famille et ses deux enfants en bas âge avaient eu la peur de leur vie…

Rédigé par Désiré Teivao le Mardi 1 Octobre 2019 à 19:36 | Lu 6249 fois