L'amendement pour gonfler l'augmentation des catégories D rejeté


Le président du Pays est resté ferme sur sa position dans le dossier de la Fraap et la majorité a rejeté l'amendement de Ahip pour revaloriser les catégories D. Crédit photo SD
Tahiti, le 2 avril 2025 – Le gouvernement est resté ferme sur sa position initiale et sa majorité l'a suivi en rejetant l'amendement proposé par Ahip pour revaloriser les catégories D de la fonction publique territoriale. Pour Moetai Brotherson, ce serait la porte ouverte à des revendications émanant du privé et cela conduirait à davantage d'inflation. L'opposition ne comprend pas cet arbitrage au regard des sommes allouées à Air Moana ou à l'OPT. La Fraap de son côté est sortie évidemment déçue et un peu sonnée.
 
Après la séance avortée de la veille faute de quorum, le président de l'assemblée Antony Géros a tenu à présenter ses excuses ce mercredi matin depuis son perchoir, puisque c'est sa 29e voix qui manquait à l'appel. “Je suis la seule cause de l'incident d'hier [...] et je suis prêt à endosser toute la responsabilité”, a-t-il déclaré en reo tahiti, expliquant que le dossier qui a cristallisé les tensions dans la majorité (celui de la Fraap) méritait, selon lui, d'être plus approfondi. Un comité de majorité “tendu” certes, mais qui fait “partie de la vie politique”. Ce dont a convenu le président du Pays interrogé un peu plus tard : “Souvent on n'est pas d'accord parce qu'on n'a pas eu le temps de se rencontrer. Les agendas des uns et des autres sont très chargés, et parfois, on se croise sans se parler et je crois que nos représentants ont besoin de davantage d'informations. C'est ce qu'on a fait toute la journée d'hier jusqu'à 19 heures”. Et visiblement, ces explications ont porté leurs fruits.
 
Ce mercredi matin en effet, le fameux amendement de Ahip pour réévaluer les plus petits salaires (catégorie D) de la fonction publique a finalement bel et bien été rejeté par la majorité Tavini, à l'exception de Hinamoeura-Morgant-Cross qui s'est abstenue. Il y a eu pourtant une maigre lueur d'espoir pour les représentants de la Fraap qui, comme la veille, assistaient aux débats dans le public. Oscar Temaru a en effet demandé une suspension de séance après avoir écouté les arguments développés par l'opposition.
 
Une augmentation qui alourdirait encore la masse salariale
 
Nicole Sanquer a notamment défendu son amendement en appuyant sur le fait que cette revalorisation de 12 à 17 points ne coûterait que “60 millions” dans un collectif budgétaire de 29 milliards qui consacre un prêt de 600 millions à Air Moana, ou encore une subvention de 400 millions à l'OPT. Pas le même calcul pour Moetai Brotherson qui affirme de son côté que cela coûterait “142 millions” de francs. Ce que réfute Ahip qui explique que ce serait effectivement le cas si cette revalorisation allait jusqu'à 20 points comme l'avait d'ailleurs promis au départ le gouvernement. Le président du Pays a tenu à rappeler que c'est bien son gouvernement qui avait proposé de cibler les catégories D en proposant une revalorisation de leur point d'indice. Une augmentation qui coûte 251 millions de francs chaque année au Pays et qui vient encore alourdir la masse salariale de l'administration.
 
D'autant que, comme il l'a précisé, d'autres sommes sont déjà engagées pour la fonction publique : 190 millions par an pour répondre à l'obligation légale de reclasser le personnel hospitalier (de catégorie B à A), auxquels il faut ajouter 120 millions pour les assistants socio-éducatifs. “Donc on est déjà à 561 millions d'augmentation de la masse salariale dans l'année qui vient, et plus toutes les années qui vont suivre en raison du glissement vieillesse technicité.” La réduction de la masse salariale dans l'administration est pourtant un sujet cher à Ahip, mais pour Nuihau Laurey, il s'agit ici d'un mal nécessaire pour soutenir cette frange de la population.
 
Des revalorisations “scrutées au millimètre par le secteur privé”
 
“C'est un appel au secours de ces familles en difficulté ? Ça va aller directement dans leur portefeuille et ça sera réinjecté dans l'économie puisque leur premier poste de dépense, c'est l'alimentaire”, a encore plaidé la présidente de Ahip. Des arguments qui ont fait mouche chez certains élus du Tavini qui, selon nos informations, étaient prêts à voter en faveur de cet amendement. Une demi-heure de suspension plus tard, tout le monde est rentré dans le rang et les explications du président du Pays ont visiblement été entendues. Car Moetai Brotherson a d'abord tenu à rappeler que “c'est la première fois qu'un gouvernement fait ça spécifiquement pour les catégories D”. Il a aussi fait part de sa crainte de voir le secteur privé s'engouffrer dans cette brèche car ces revalorisations seraient selon lui “scrutées au millimètre” et ouvriraient la porte à de nouvelles revendications pour augmenter le Smig par exemple : “En donnant trop, on risque de diminuer à terme le pouvoir d'achat parce qu'on aura enclenché une spirale inflationniste”, a-t-il auguré.

Les représentants de la Fraap ont assisté aux débats avant de sortir de l'hémicycle aussitôt après le rejet de l'amendement de Ahip pour revaloriser de 12 à 17 points les salaires des catégories D.
La Fraap “déçue” poursuit son lobbying dans les services
 
Si ces arguments ont convaincu les élus de la majorité, ils n'ont pas reçu le même accueil de la Fraap : “C'est une grande déception pour les fonctionnaires de l'administration de ce pays. Pour des élus qui prétendent aider le petit peuple, là je crois qu'ils viennent de faire la démonstration que ce sont des grands menteurs”, a réagi le président du syndicat des fonctionnaires territoriaux, Jean-Paul Urima qui ne réactive pas pour autant la grève suspendue en janvier dernier. Du moins pas pour l'instant. Il explique poursuivre son lobbying dans les services administratifs du Pays pour y expliquer la situation. “Jusqu'à présent nous avons fait plus d'une trentaine d'entités administratives et nous continuons à faire tout le tour. Ensuite, nous réunirons nos instances dirigeantes pour décider de ce qu'il y a à faire.” Quant au rendez-vous fixé le 17 avril selon Moetai Brotherson avec les organisations syndicales pour la discussion annuelle relative à l'augmentation du point d'indice de toutes les catégories cette fois, là encore le syndicat s'étonne. “On n'était pas au courant de cette date. Comme d'habitude on l'apprend par la presse ou comme là, ici”, déplore Georges Ateo, secrétaire général de la Fraap qui a aussi regretté le “mépris” du président du Pays sur ce dossier.

Rédigé par Stéphanie Delorme le Mercredi 2 Avril 2025 à 16:30 | Lu 2943 fois