L’agriculture portée par l’élevage


L'élevage porcin regroupe 453 structures pour 16 000 bêtes. Archive TI
Tahiti, le 11 juillet 2024 - Les premiers chiffres du recensement général de l’agriculture 2023, relevés par l’ISPF, ont été communiqués ce jeudi en présence du ministre de l’Agriculture, Taivini Teai, et celui de l’Économie, Tevaiti-Ariipaea Pomare. Un bond vers le futur pour le secteur, après le dernier recensement de 2012, et le précédent en 1995. Si les cheptels tahitiens progressent, il reste du travail dans la formation et l’attrait du secteur agricole, surtout chez les jeunes.
 
Le temps a filé depuis le dernier recensement général de l’agriculture effectué en 2012. Le constat de ces 12 dernières années, c’est que la population d’agriculteurs et leur main-d’œuvre ont diminué : en 2023, l’Institut de la statistique de la Polynésie (ISPF) dénombre 4 080 exploitations agricoles (qui atteignent ou dépassent un seuil de production défini). Dans ces exploitations, 2 778 cultivent, 913 élèvent et 1 557 produisent du coprah. Les exploitations emploient dans leurs rangs quelque 5 050 personnes en équivalent temps plein, pour un total de 9 570 personnes. Cette main-d’œuvre était d’un peu moins de 15 800 il y a 12 ans. Cette carence en main-d’œuvre, sur des tâches souvent dures à réaliser comme le travail de la terre, affecte l’épanouissement de la production.
 
Résultat, les productions végétales sont globalement en baisse. Idem dans le domaine du coprah, parfaite illustration de la situation : malgré les 1 557 exploitations de coprah, le secteur peine à maintenir une production et une récolte suffisantes. C’est ce qu’affirmait le ministre de l’Agriculture, Taivini Teai, à cette conférence de presse : “Actuellement, l’Huilerie de Tahiti ne fonctionne pas, elle est en stand-by, elle attend le coprah.” La faute, entre autres raisons, à la désertion de ce secteur par les jeunes, plus attirés par d’autres métiers d’apparence moins rustique. “C’est un point d’interrogation avec les élus, les tāvana… On constate un exode de nos jeunes vers Tahiti. Et puis le coprah, c’est difficile, les jeunes suivent d’autres opportunités, comme les entreprises de BTP qui les recrutent. Et la famille qui travaille sur une parcelle de coprah perd par conséquent une précieuse main-d’œuvre.”
 
À l’inverse de la culture, l’élevage tahitien, lui, se stabilise et progresse même dans certains domaines. La filière porcine semble privilégiée et regroupe le plus grand nombre d’élevages, avec 453 structures pour 16 000 groins. Le nombre d’élevages de bovins, de caprins et de volailles a lui aussi augmenté. Le nombre d’élevages de volailles est passé de 55 en 2012 à 126 en 2024, pour un total de 254 000 volailles, concentrées à 87 % sur les îles du Vent.
 
Convaincre les jeunes
 
Un autre chiffre qui a fait tiquer les deux ministres, c’est l’âge moyen des exploitants agricoles : 49 ans, avec une légère augmentation des agriculteurs de moins de 40 ans, mais aussi de ceux de 60 ans et plus (23 % en 2023). “Peut-être que nous n’avons pas assez orienté nos jeunes dans ces filières-là”, regrette le ministre de l’Économie. Si les jeunes fuient de plus en plus le métier d’exploitant, et l’agriculture en général, comme le disait plus haut Taivini Teai, c’est aussi à cause de l’image du métier. Une image d’un métier rustre, sans débouché ni possibilité d’épargne. Un métier qu’ils considèrent juste bon pour l’autosuffisance, n’arrivant pas à imaginer un modèle lucratif.
 
Il faut donc combattre cette image erronée, témoigne le ministre de l’Agriculture, afin de rendre au métier d’agriculteur la reconnaissance sociétale qu’il mérite. “Il faut donner une vision à la jeunesse, où l’agriculture est un travail où tu peux cotiser. Tu ne vas pas mourir dans ton champ !”, caricature-t-il. “C’est un aspect que je défends, il faut donner au métier cette vision plus sereine.” Un chiffre qui les console un peu plus, en revanche, c’est la féminisation du métier. Sur les 4 880 chefs d’exploitation polynésiens, 31 % sont des femmes.
 
Besoin de formations
 
Le besoin de formation est aussi une donnée qui apparaît comme cruciale après lecture de ce recensement. Si le niveau de formation général s’améliore avec 29 % des exploitants qui indiquent ne pas être allés au collège contre près de 50 % en 2012 – des chiffres qui se répercutent aussi dans le nombre d’exploitants ayant fait le lycée et des études supérieures –, ces chiffres ne suivent pas en ce qui concerne les formations agricoles. Près de 91 % des exploitants, souvent des vieux, ont appris “sur le tas”. Ce qui les empêche de développer pleinement leurs exploitations, mais aussi de s’essayer à d’autres systèmes de culture plus techniques. Cependant, 17 % d’entre eux ont suivi au moins une formation continue dans le domaine agricole, ou en lien avec leur métier (comptabilité, gestion…).

 

Les apiculteurs ont triplé

S’il y a bien un pan du métier qui a le vent en poupe, c’est la production de miel. Les apiculteurs ont triplé leurs effectifs depuis 2012 et sont actuellement 212 pour 6 581 ruches. Une augmentation qui ne sort pas de nulle part, précise l’ISPF. L’arrêt d’importations du miel en 2012 et le développement des formations au métier ont ouvert la porte à une nuée d’apiculteurs en herbe, désormais bien en place. Un quart de ces apiculteurs sont des femmes.

Rédigé par Tom Larcher le Jeudi 11 Juillet 2024 à 19:40 | Lu 1227 fois