L'affaire Ravel Le Gayic enfin jugée


Tahiti, le 14 juin 2022 – Le procès pour corruption active et passive de l'homme d'affaires, Bill Ravel, et de l'ancien secrétaire général de la CSIP, Cyril Le Gayic, s'est ouvert mardi matin devant le tribunal correctionnel. Initialement prévu sur trois jours, il s'est finalement achevé en soirée. Trois ans de prison dont deux avec sursis ont été requis contre Cyril Le Gayic. Deux ans de prison avec sursis ont été demandés à l'encontre de Bill Ravel. Le tribunal rendra son délibéré le 21 juin prochain.
 
Dix ans après le début de l'affaire et au terme de trois renvois, le tribunal correctionnel a enfin examiné mardi, le dossier de corruption active et passive impliquant le patron de Pétrocéan, Bill Ravel, son “messager”, Gaston Tetuanui, sa secrétaire ainsi que l'ancien secrétaire général de la CSIP, Cyril Le Gayic. Bill Ravel et Cyril Le Gayic sont soupçonnés d'avoir, entre 2008 et 2011, passé un accord financier à hauteur de 11 millions de Fcfp afin de permettre à Bill Ravel d'acheter la paix sociale dans sa société.
 
Tel que l'a rappelé le président du tribunal au premier jour de ce procès, les investigations menées et les déclarations recueillies par les enquêteurs avaient permis d'établir qu'en mars 2008, alors qu'il se trouvait confronté à un mouvement de grève au port et à l'incapacité de faire rentrer son pétrolier, Bill Ravel avait pris contact avec celui qui était alors secrétaire général de la CSIP, Cyril Le Gayic, par le biais de Gaston Tetuanui. Au terme de 13 jours de grève, le patron de Pétrocéan avait accepté de verser un million de Fcfp au syndicaliste qui l'avait alors assuré que le mouvement de grève prendrait fin dès le lendemain. Durant trois ans, Bill Ravel avait ensuite continué à donner de l'argent à Cyril Le Gayic en lui versant tout d'abord 500 000 Fcfp par mois avant de passer à 600 000 Fcfp tous les semestres.
 
“Cracher au bassinet”
 
Premier à s'exprimer à la barre mardi du haut de ses 82 ans, l'homme d'affaires Bill Ravel –qui avait été incarcéré deux mois dans le cadre de ce dossier– a de nouveau reconnu les faits en expliquant qu'il n'avait pas eu le choix car Cyril Le Gayic avait “bloqué son bateau pour le faire cracher au bassinet”. “Je ne voyais aucune éclaircie et au 14e jour de la grève, je n'aurais plus été remboursé par mon assurance" a-t-il ainsi avancé. À l'évocation de sa personnalité et donc de son enfance passée auprès d'un père et d'un grand père mineurs à Saint-Etienne, Bill Ravel a versé quelques larmes avant d'affirmer que les “hommes sont construits comme ils ont été éduqués”.
 
Poursuivi pour avoir servi d'intermédiaire entre Bill Ravel et Cyril Le Gayic, Gaston Tetuanui a lui aussi reconnu les faits en niant, cependant, avoir jamais eu la moindre contrepartie pour son rôle de “messager” du patron de Pétrocéan. “J'ai appelé Le Gayic qui m'a dit de venir à son syndicat. Là, il m'a dit : C'est simple. Si vous voulez votre pétrolier, il me faut de l'argent. Il me faut quelque chose de fixe. Je lui ai dit que c'était de la corruption et que l'on allait faire de la taule. Il m'a dit que c'était ça ou rien.”
 
La “technique” du “pacha”
 
Acculé par ses deux coprévenus, Cyril Le Gayic a pourtant nié tout acte de corruption face au tribunal en concédant qu'il était “sûr” qu'il aurait dû “refuser cet argent”. Outre ces faits de corruption, l'homme était également jugé pour des faits d'abus de confiance car soupçonné d'avoir détourné des fonds qui étaient destinés à la CSIP. Lors de l'enquête, il avait en effet été établi que Cyril Le Gayic avait encaissé des fonds sur son compte personnel alors qu'ils étaient destinés à la centrale syndicale. Il avait aussi fait réparer la voiture de sa fille sur les deniers de la CSIP. La justice s'était cependant heurtée à l'absence de comptabilité et donc à l'absence de traçabilité totale des fonds. Le président du tribunal a longuement rappelé lors de l'audience que de nombreux témoins entendus dans cette affaire avaient décrit Cyril Le Gayic comme un “pacha” dont la technique était de “faire traîner les choses” et de “ne pas négocier”.
 
“Cette affaire est enfin évoquée” s'est réjoui le procureur de la République avant d'entamer ses réquisitions. Concernant Cyril Le Gayic, le “principal artisan de cette affaire”, le représentant du ministère public a déploré que l'intéressé fournisse à la barre des “déclarations curieuses qui ne correspondent pas à la réalité du dossier”. Trois ans de prison dont deux avec sursis ainsi que l'interdiction définitive de gérer une entreprise ou d'exercer une fonction publique ont été requis à son encontre. A propos de Bill Ravel, qui a “décidé de payer alors que ce n'est pas comme cela que l'on mène des affaires”, le procureur de la République a requis deux ans de prison avec sursis. Concernant Gaston Tetuanui, qui a été “fidèle à son patron”, Bill Ravel, une peine d’un an de sursis a été demandée. Enfin, six mois de sursis ont été requis contre l'ancienne secrétaire de Bill Ravel. Le tribunal rendra sa décision le 21 juin.
 
Notons que l'ancienne comptable de Bill Ravel ainsi que son mari, le couple Than Throng, devait également être jugés ce mardi. N'ayant pas été cités à comparaître, ils ont finalement bénéficié d'une disjonction. Rappelons par ailleurs qu'un volet plus politique de cette affaire, impliquant notamment l'actuel vice-président du Pays, Jean-Christophe Bouissou, est toujours à l'instruction.
 

Rédigé par Garance Colbert le Mardi 14 Juin 2022 à 21:48 | Lu 4358 fois