L'affaire Chanut, onze ans de procédure, huit ans de renvois


Tahiti, le 9 mai 2022 – L'affaire d'abus de confiance et d'escroquerie impliquant l'homme d'affaires, Pierre Chanut, sa femme et ses enfants, ainsi que l'ancien notaire de Papeete, Me Dominique Calmet, a été renvoyée lundi matin au 10 janvier 2023. Un nouveau renvoi dans ce dossier 14 ans après les faits, 11 ans après la mise en examen de Pierre Chanut et 8 ans après la clôture de l'instruction.
 
L'affaire Chanut sera-t-elle un jour jugée ? Onze ans après la révélation de cette affaire d'escroquerie aux faux placements portant sur plus de 500 millions de Fcfp de préjudice et huit ans après la clôture de l'instruction, Pierre Chanut, sa famille et l'ancien notaire, Me Dominique Calmet, ne seront finalement pas jugés cette semaine pour “abus de confiance et escroquerie”. L'affaire a été renvoyée lundi matin par le tribunal correctionnel de Papeete à la date du 10 janvier 2023. Cette décision est intervenue alors que les avocats de la défense avaient expliqué qu'ils avaient très récemment pris connaissance de l'existence d'annexes dans ce dossier. Or, ces dernières n'avaient pas été cotées par le greffe du cabinet d'instruction qui avait traité cette affaire. Face à ces explications, l'un des avocats des parties civiles, Me Lollichon, a pourtant assuré lors de l'audience que ses confrères auraient pu se rendre “sur place” pour consulter le dossier.
 
C'est donc un nouveau renvoi de cette affaire pour des faits qui datent, pour les plus anciens, de l'année 2008. Après plusieurs recours jusqu'en cassation contre les mises en examen, placements en détention et mesures de contrôles judiciaires, l'instruction de cette affaire découverte en 2011 avait été clôturée en 2014 et une première fois audiencée à la barre du tribunal en 2015. Mais elle avait à l'époque été renvoyée à l'instruction pour “régularisation” parce que les parties n'avaient pas été avisées du réquisitoire définitif du parquet. Un an plus tard, en 2016, le magistrat instructeur avait régularisé la situation et une nouvelle ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel avait été rendue. Depuis, les difficultés d'audiencement de cette affaire sur cinq jours de procès et la crise Covid ont reporté d'année en année un premier jugement qui se fait attendre.
 
Séances d'acupuncture
 
L'affaire avait démarré en février 2011 lorsque l'avocat d'un co-fondateur de la banque Socredo, René Quesnot, alors âgé de 87 ans, avait déposé plainte contre Pierre Chanut, un commerçant en import-export, qu'il accusait d'escroquerie et d'abus de confiance. L'octogénaire avait en effet expliqué aux enquêteurs qu'il avait rencontré Pierre Chanut lors de travaux de rénovation entrepris dans sa maison et que l'homme, qui lui prodiguait des séances d'acupuncture, l'avait subjugué. L'homme d'affaires avait alors proposé à l'octogénaire –décédé quelques mois après avoir déposé plainte– de participer à des projets d'investissements et avait ainsi récolté des centaines de millions de Fcfp sans que sa victime ne voit jamais la couleur de ces investissements. Placé en garde à vue, mis en examen puis écroué suite à cette plainte, Pierre Chanut avait indiqué qu'il avait utilisé l'argent de la victime pour vivre avec sa famille.
 
Dans le cadre de l'information judiciaire ouverte pour escroquerie et abus de confiance, les enquêteurs avaient établi que Pierre Chanut avait fait de nombreuses autres victimes fortunées auxquelles il faisait, là-encore, miroiter des projets d'investissements qui n'ont jamais vu le jour. Le préjudice a été évalué à 500 millions de Fcfp au bas mot. Lui aussi mis en cause, le notaire de l'homme d'affaires, Me Dominique Calmet a toujours expliqué qu'il n'avait jamais rien su des escroqueries reprochées à Pierre Chanut. Une défense légère qui lui avait valu une mise en examen pour complicité.
 
C'est en l'absence des deux hommes que l'audience s'est ouverte lundi. Seuls l'épouse de Pierre Chanut, Maryse Chanut, et l'un de leurs deux enfants, étaient présents. Notons que la famille de l'homme d'affaires est poursuivie pour recel de bien obtenu à l'aide d'escroquerie. Notamment pour avoir profité des dizaines de millions de Fcfp obtenus par leur père et mari.
 

Rédigé par Garance Colbert le Lundi 9 Mai 2022 à 16:46 | Lu 4363 fois