L’abattoir de Raiatea se débat


Tahiti, le 28 janvier 2020 - Initialement autorisé par le gouvernement, le projet d'installation d'un abattoir à Taputapuatea a finalement vu l'entrepreneur concerné perdre ses autorisations au prix d'un revirement express et total de l'administration. Non sans avoir pointé du doigt les atermoiements administratifs, le rapporteur public a proposé aujourd'hui au tribunal administratif de rejeter les recours de l'entrepreneur ainsi stoppé dans son projet.
 
En février 2019, le gouvernement autorisait un entrepreneur à installer et exploiter un abattoir sur la commune de Taputapuatea à Raiatea. Une décision qui avait fait l'objet d'une longue instruction de l'administration car, pour la réalisation de ce type d'équipement, un établissement de la deuxième classe des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE), les exigences en matière sanitaires et environnementales sont drastiques. Dans la foulée, le permis de travaux était logiquement accordé fin mars à l'entreprise pour démarrer la construction.
 
Revirement complet
 
Cependant, une requête en référé-suspension demandant l’annulation de l’arrêté de février 2019 était présentée par un particulier et une association locale pour la sauvegarde de l’environnement naturel culturel et économique. Trois mois après avoir accordé toutes les autorisations, le Pays, qui défendait bec et ongles l'intérêt du projet et le faible impact environnemental, retirait d'abord l'autorisation au titre des ICPE le 29 mai puis le permis de travaux le 25 juillet. Raison invoquée : Le non-respect de la distance d’au moins 100 mètres entre l’installation et la première habitation occupée par des tiers. Une distance qui n'est définie dans aucun texte réglementaire et qui ne fait pas partie des prescriptions générales prévues au code de l'environnement. L'arrêté d'autorisation dont la légalité était alors défendue par le gouvernement était ainsi retiré par le même gouvernement sur la base d'un motif jusqu'alors non considéré.
 
Pas de prescriptions générales mais pas d'erreur de droit
 
Non sans avoir relevé les atermoiements de l'administration, le rapporteur public a insisté sur l'incapacité du Pays à définir des prescriptions générales en la matière. Si la possibilité d'établir des prescriptions particulières est possible en l'absence de prescriptions générales et que cette capacité à faire une réglementation “sur mesure”, au cas par cas en fonction des projets d'ICPE, peut avoir un intérêt, il n'a pas manqué de relever l'insécurité juridique inhérente à cette pratique d'autant que le Pays semble avoir finalement “pris conscience de l'absence de clarté de sa décision de retrait”.
 
L'avocat de l'entrepreneur a tenté de s'engouffrer dans la brèche des errances de l'administration, guère dissipées par les explications poussives de la représentante du Pays à l'audience, en plaidant qu'il s'agissait d'un projet agricole sur un terrain à vocation agricole, que l'étude d'impact épluchée par les services administratifs n'avait relevé aucun problème, et que la question des distances avait été évoquée dans les commissions idoines sans que cette préoccupation ne remette en cause l'intérêt d'implanter l'abattoir. Un argumentaire non repris par le rapporteur public qui a conclu au rejet de la requête de l'entrepreneur. L'administration, en fixant en dernière minute une distance de 100 mètres avec la première habitation dans ce cas particulier, n'aurait ainsi pas commis d'erreur de droit ou d'erreur manifeste d'appréciation. Décision dans deux semaines.

Rédigé par Sébastien Petit le Mardi 28 Janvier 2020 à 18:53 | Lu 2965 fois