L'abattage d'un ours ravive les tensions entre pro et anti-ours


FoixFrance | AFP | mercredi 10/06/2020 - Qui a abattu l'ours retrouvé mort mardi en Ariège? Une enquête est en cours, un leader anti-ours penche pour un acte délibéré, et l'affaire relance le conflit entre écologistes et éleveurs dans les Pyrénées. 

L'espèce est protégée et le jeune mâle de 150/200 kg tué par balles près de la station de ski de Guzet est le deuxième ours de l'année à être retrouvé mort. 

Un autre mâle, Cachou, accusé de nombreuses prédations, avait succombé côté espagnol à 50 km de là en avril, sans que les causes du décès n'aient été divulguées.

Les pro-ours ont exhalé leur colère en dénonçant le "braconnage par balles d’un ours".

"Ce nouveau pas franchi dans la violence s’inscrit dans un contexte d’impunité des opposants à l’ours radicaux et violents que nos associations dénoncent depuis des années", disent Pays de l'ours, Férus et d'autres associations dans un communiqué conjoint.

 
- Nouveau lâcher -

 

Elles appellent l'Etat à respecter son engagement de "remplacer rapidement tout ours mort de cause humaine". Le dernier lâcher d'ours slovènes remonte à 2018, le gouvernement ayant depuis gelé les réintroductions face aux oppositions. 

Pour l'heure, les gendarmes de la brigade de recherches de Saint-Girons mènent l'enquête. L'autopsie devait être effectuée mercredi à l'école vétérinaire de Toulouse.

"Tous les moyens sont mis en œuvre pour identifier le ou les auteurs. C'est un acte d'une grande gravité", a déclaré le procureur de Foix Laurent Dumaine, lors d'une conférence de presse.

L'enquête a été ouverte pour "destruction non autorisée d'une espèce protégée", une infraction passible de trois ans d'emprisonnement et 150.000 euros d'amende.

Le plantigrade gisait dans une zone escarpée près du Cirque de Gérac, à 1.800 mètres d'altitude. Il a été découvert par des experts de l'Office français de la biodiversité, qui effectuaient des constats de prédation après que des éleveurs eurent déclaré des brebis tuées, dimanche, non loin de là. 

C'est la ministre de la Transition écologique Élisabeth Borne, qui a annoncé mardi sa mort, dénonçant un acte "illégal et profondément condamnable", et précisant que l’État allait porter plainte.

Les organisations pro-ours vont aussi porter plainte.

 
- Eleveurs excédés -

 

Contraint par la législation européenne sur la protection de la biodiversité, l'Etat français a lancé dans les années 1990 un programme de réintroduction de l'ours brun dans le massif pyrénéen, où l'espèce avait pratiquement disparu. 

Le début d'un conflit qui oppose depuis éleveurs et écologistes, ponctué de manifestations, parfois violentes. 

Les autorités dénombrent désormais 50 spécimens dans les Pyrénées, niveau qui n'assure toutefois pas la survie de l'espèce. 

Le président de la chambre d'agriculture d'Ariège et chef de file des anti-ours, Philippe Lacube, les estime pour sa part entre "60 et 80". 

Dans le camp des anti, la présence des plantigrades, prédateurs opportunistes, est jugée incompatible avec l'activité pastorale.

Les esprits s'étaient encore échauffés l'été dernier, avec le bond des pertes imputées à l'ours, après plusieurs dérochages massifs. Pour la seule Ariège, place forte de l'espèce, 565 dossiers d'indemnisation avaient été introduits, comptabilisant 1.155 ovins morts ou blessés. 

"Il faut que les gens soient à bout pour commettre des actes illégaux comme ça. On n’a jamais écouté leurs souffrance au quotidien. On a semé la douleur, la souffrance, la zizanie dans nos montagne", réagit Philippe Lacube.

L'Association pour la sauvegarde du patrimoine d'Ariège-Pyrénées (ASPAP) est montée au créneau mercredi dans un communiqué: "nos pensées vont vers tous les éleveurs qui subiront la pression et les attaques des 50 ours restant, bien vivants eux, contre lesquels l'Etat ne les protège pas".

"De l'autre côté du fusil, il y a d'abord les associations pro-ours incendiaires qui ont semé la guerre et la discorde dans les Pyrénées",  poursuit l'ASPAP. 

En matière de hausse des prédations, les experts mettent pour leur part en cause les retards des éleveurs à se doter des moyens de protection existants -- bergers-chiens de protection-parcs électrifiés -- subventionnés à hauteur de 80%. 

Le gouvernement avait annoncé la semaine dernière une rallonge de 500.000 euros aux fonds alloués à la cohabitation entre pastoralisme et ours. 


le Mercredi 10 Juin 2020 à 07:15 | Lu 373 fois