Bruxelles, Belgique | AFP | mardi 15/12/2020 - Une liste d'obligations et d'interdictions assortie de sanctions dissuasives en cas de non respect: l'UE présente mardi son plan pour imposer enfin sa loi aux géants du numérique accusés d'abuser de leur pouvoir, avec déjà de premières réactions contrastées.
C'est un changement complet de philosophie. Après des années à courir en vain après les infractions de Google, Facebook ou Amazon dans les procédures interminables du droit européen de la concurrence, Bruxelles veut changer de braquet pour aller vite et agir avant que des dérives soient constatées.
"L'objectif n'est pas de faire disparaître les grandes plateformes, mais de leur imposer des règles pour éviter qu'elles fassent peser des risques sur notre démocratie", a expliqué le commissaire au Marché intérieur Thierry Breton, qui porte le dossier avec la vice-présidente en charge de la Concurrence, Margrethe Vestager.
Télétravail et visioconférences, achats sur internet, cours en ligne... La pandémie de coronavirus a accru la place du numérique dans la vie quotidienne des Européens.
Mais ces services engendrent des dérives : discours de haine diffusés à grande échelle, manipulation de l'information, mort du petit commerce, limitation de la concurrence...
L'exécutif européen va proposer deux législations complémentaires pour combler les failles juridiques dans lesquelles s'engouffrent les entreprises.
Premier volet: le Règlement sur les services numériques ("Digital Services Act", DSA) doit responsabiliser l'ensemble des intermédiaires, mais davantage encore les plus grandes plateformes qui devront disposer des moyens pour modérer les contenus qu'elles accueillent et coopérer avec les autorités.
Il représente une mise à jour de la directive e-commerce, née il y a 20 ans quand les plateformes géantes d'aujourd'hui n'étaient encore que de jeunes pousses ou n'existaient pas.
Deuxième volet: le Règlement sur les marchés numériques ("Digital Markets Act", DMA) imposera des contraintes spécifiques aux seuls acteurs dit "systémiques", une dizaine d'entreprises dont la toute-puissance menace le libre-jeu de la concurrence. Parmi eux, les cinq "Gafam" (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft).
"Changer significativement"
Ils se verront imposer des règles portant sur la transparence de leurs algorithmes et l'utilisation des données privées, au coeur de leur modèle économique. Ils devront notifier à la Commission tout projet d'acquisition de firme en Europe.
Ces champions de la valorisation boursière sont accusés d'imposer leur loi aux concurrents quand ils ne les ont pas tout bonnement anéantis.
Ils devront "changer significativement leur façon de procéder", a affirmé M. Breton, estimant que l'espace numérique doit profiter à toutes les entreprises, même les plus petites.
A ces règles sont accolées des sanctions. Selon des sources européennes, elles iront jusqu'à 10% du chiffre d'affaires pour de graves infractions à la concurrence, et dans les cas extrêmes, pourront déboucher sur un démantèlement : l'obligation de céder des activités en Europe.
En matière de contenus illégaux en ligne, les amendes pourront atteindre 6% du chiffre d'affaires. Une interdiction de poursuivre son activité en Europe pourra être imposée "en cas de manquement grave et répété ayant pour conséquences la mise en danger de la sécurité des citoyens européens".
Ce projet sera encore négocié pendant au moins un an avec le Parlement européen et les Etats membres. Il intervient alors qu'aux Etats-Unis des procédures ont été lancées contre Google et Facebook, accusés d'avoir abusé de leur position dominante dans les moteurs de recherche et les réseaux sociaux.
"C'est une avancée audacieuse et courageuse", s'est réjouie auprès de l'AFP Sarah Andrew, directrice juridique à Avaaz, mouvement citoyen de lutte contre la désinformation, estimant que la législation devrait remédier "à un déséquilibre des pouvoirs (...) en nous redonnant la véritable liberté d'information que l'internet promettait à une époque".
L'Alliance contre la contrefaçon, un groupement de grandes marques, a quant à elle estimé que la proposition "n'était pas à la hauteur pour protéger réellement les consommateurs" et défendre la propriété intellectuelle.
Bruxelles attend un fonctionnement du marché numérique plus harmonieux et plus équitable qui favorise l'émergence d'acteurs européens, alors que l'UE accuse un retard inquiétant dans la nouvelle économie.
Face à cette offensive, les mastodontes américains préparent un lobbying intense pour atténuer le projet, comme l'a révélé la fuite en novembre d'un document interne de Google évoquant une volonté d'affaiblir Thierry Breton.
Le projet de la Commission risque d'aboutir à "des règles brutales et rigides ciblant la taille au lieu de sanctionner les conduites problématiques", estime Kayvan Hazemi-Jebelli, en charge des questions de concurrence pour La Computer and Communications Industry Association (CCIA) qui représente des entreprises du secteur. Il y voit un danger pour l'innovation et la croissance en Europe.
C'est un changement complet de philosophie. Après des années à courir en vain après les infractions de Google, Facebook ou Amazon dans les procédures interminables du droit européen de la concurrence, Bruxelles veut changer de braquet pour aller vite et agir avant que des dérives soient constatées.
"L'objectif n'est pas de faire disparaître les grandes plateformes, mais de leur imposer des règles pour éviter qu'elles fassent peser des risques sur notre démocratie", a expliqué le commissaire au Marché intérieur Thierry Breton, qui porte le dossier avec la vice-présidente en charge de la Concurrence, Margrethe Vestager.
Télétravail et visioconférences, achats sur internet, cours en ligne... La pandémie de coronavirus a accru la place du numérique dans la vie quotidienne des Européens.
Mais ces services engendrent des dérives : discours de haine diffusés à grande échelle, manipulation de l'information, mort du petit commerce, limitation de la concurrence...
L'exécutif européen va proposer deux législations complémentaires pour combler les failles juridiques dans lesquelles s'engouffrent les entreprises.
Premier volet: le Règlement sur les services numériques ("Digital Services Act", DSA) doit responsabiliser l'ensemble des intermédiaires, mais davantage encore les plus grandes plateformes qui devront disposer des moyens pour modérer les contenus qu'elles accueillent et coopérer avec les autorités.
Il représente une mise à jour de la directive e-commerce, née il y a 20 ans quand les plateformes géantes d'aujourd'hui n'étaient encore que de jeunes pousses ou n'existaient pas.
Deuxième volet: le Règlement sur les marchés numériques ("Digital Markets Act", DMA) imposera des contraintes spécifiques aux seuls acteurs dit "systémiques", une dizaine d'entreprises dont la toute-puissance menace le libre-jeu de la concurrence. Parmi eux, les cinq "Gafam" (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft).
"Changer significativement"
Ils se verront imposer des règles portant sur la transparence de leurs algorithmes et l'utilisation des données privées, au coeur de leur modèle économique. Ils devront notifier à la Commission tout projet d'acquisition de firme en Europe.
Ces champions de la valorisation boursière sont accusés d'imposer leur loi aux concurrents quand ils ne les ont pas tout bonnement anéantis.
Ils devront "changer significativement leur façon de procéder", a affirmé M. Breton, estimant que l'espace numérique doit profiter à toutes les entreprises, même les plus petites.
A ces règles sont accolées des sanctions. Selon des sources européennes, elles iront jusqu'à 10% du chiffre d'affaires pour de graves infractions à la concurrence, et dans les cas extrêmes, pourront déboucher sur un démantèlement : l'obligation de céder des activités en Europe.
En matière de contenus illégaux en ligne, les amendes pourront atteindre 6% du chiffre d'affaires. Une interdiction de poursuivre son activité en Europe pourra être imposée "en cas de manquement grave et répété ayant pour conséquences la mise en danger de la sécurité des citoyens européens".
Ce projet sera encore négocié pendant au moins un an avec le Parlement européen et les Etats membres. Il intervient alors qu'aux Etats-Unis des procédures ont été lancées contre Google et Facebook, accusés d'avoir abusé de leur position dominante dans les moteurs de recherche et les réseaux sociaux.
"C'est une avancée audacieuse et courageuse", s'est réjouie auprès de l'AFP Sarah Andrew, directrice juridique à Avaaz, mouvement citoyen de lutte contre la désinformation, estimant que la législation devrait remédier "à un déséquilibre des pouvoirs (...) en nous redonnant la véritable liberté d'information que l'internet promettait à une époque".
L'Alliance contre la contrefaçon, un groupement de grandes marques, a quant à elle estimé que la proposition "n'était pas à la hauteur pour protéger réellement les consommateurs" et défendre la propriété intellectuelle.
Bruxelles attend un fonctionnement du marché numérique plus harmonieux et plus équitable qui favorise l'émergence d'acteurs européens, alors que l'UE accuse un retard inquiétant dans la nouvelle économie.
Face à cette offensive, les mastodontes américains préparent un lobbying intense pour atténuer le projet, comme l'a révélé la fuite en novembre d'un document interne de Google évoquant une volonté d'affaiblir Thierry Breton.
Le projet de la Commission risque d'aboutir à "des règles brutales et rigides ciblant la taille au lieu de sanctionner les conduites problématiques", estime Kayvan Hazemi-Jebelli, en charge des questions de concurrence pour La Computer and Communications Industry Association (CCIA) qui représente des entreprises du secteur. Il y voit un danger pour l'innovation et la croissance en Europe.