L'Ordre des pharmaciens veut mettre de l'ordre


PAPEETE, le 14 décembre 2016. Avec la mise en place prochaine d'une chambre de discipline, l'Ordre des pharmaciens compte pouvoir sanctionner les "dérapages". "Un rappel à l'ordre est insuffisant. La sanction reste un moyen de faire respecter les choses", souligne Philippe-Emmanuel Dupire, ancien président de l'Ordre des pharmaciens.


Le secteur de la pharmacie s'apprête à un vivre un grand bouleversement attendu par de nombreux pharmaciens. Une chambre disciplinaire devrait être bientôt mise en place. Il ne manque plus que la signature de la ministre des Outre-mer, Ericka Bareigts. "Lorsque ça dérape -ça peut arriver-, nécessairement il doit y avoir une mise en place de sanctions", souligne Philippe-Emmanuel Dupire, pharmacien hospitaliser, chef du service pharmacie, de la stérilisation, de l'équipe opérationnelle d'hygiène et de la médecine nucléaire à l'hôpital du Taaone, ancien président de l'Ordre des pharmaciens et aujourd'hui membre du bureau de l'Ordre. "La sanction reste un moyen de faire respecter les choses."

La chambre disciplinaire aura pour mission d'examiner et de sanctionner si besoin les comportements contrevenant aux règles déontologiques ou professionnelles. Cela peut être une erreur de délivrance d’un produit, l'ouverture d’une officine en l’absence d’un pharmacien, une dispensation sans ordonnance… Sans chambre disciplinaire, l'Ordre peut simplement faire des rappels à l'ordre.

La prochaine mise en place de cette chambre disciplinaire est le résultat de plusieurs années de travail de l'Ordre des pharmaciens. "Le conseil de l’Ordre a œuvré avec quatre hauts-commissaires différents pour faire aboutir le dossier de la chambre de discipline. Il s’est agi de modifier la délibération originelle créant l’Ordre qui prévoyait un financement de la chambre de discipline par l’Ordre local alors que la chambre est une instance judiciaire dépendant de l’Etat", explique Philippe-Emmanuel Dupire, qui était président de l'Ordre des pharmaciens jusqu'en mars dernier. Il a fallu aussi un décret du Premier ministre pour obtenir un délai d'appel plus long en raison de l'éloignement de la Polynésie française.

UN CODE DE DEONTOLOGIE A REVOIR
Lorsque la chambre disciplinaire sera mise en place, la première étape de la procédure en cas de soupçon d'action non règlementaire sera une procédure de conciliation. Si celle-ci n'aboutit pas, la chambre disciplinaire, composée de membres du conseil de l'Ordre des pharmaciens et d’un magistrat administratif décidera s'il y a lieu de prononcer ou non une sanction. "La peine peut être une interdiction d'exercer pendant plusieurs semaines ou plusieurs mois voire une interdiction complète si la faute est grave", précise Philippe-Emmanuel Dupire. En attendant, seuls des rappels à l'ordre peuvent être émis par l'Ordre.

En prévision de la mise en place de cette chambre de discipline, l'Ordre a rappelé les règles. En juin dernier, le nouveau président de l'Ordre des pharmaciens Jacques Allègre a publié une circulaire de rappel sur le site internet de l'Ordre. "Alors qu’un pharmacien inspecteur vient d’être nommé et que la chambre de discipline est imminente, il nous a semblé opportun de vous faire parvenir un exemplaire du code de déontologie et une circulaire ayant pour but de rappeler la position du Code de déontologie et la position de l’Ordre sur certaines questions que peuvent se poser les officinaux dans leur exercice quotidien", notait-il.

L'Ordre souhaite aussi revoir son code de déontologie. "On doit s'y mettre car il y a une évolution de l'exercice de la profession en France métropolitaine : il peut y avoir de la publicité pour les médicaments, la mise à disposition au public de certains médicaments et puis il y a de la vente de médicaments sur Internet", explique Philippe-Emmanuel Dupire. " On doit discuter de ce que l'on peut faire ou non en Polynésie française. Il faut notamment encadrer tout cela d'un point de vue déontologique pour qu'il n'y ait pas de publicité inadaptée notamment…"

Lorsqu'il a quitté en mars la présidence de l'ordre Philippe-Emmanuel Dupire, a présenté la présenté les perspectives d’évolution de la pratique pharmaceutique : "consultation de sevrage tabagique, vaccinations, valorisation de l’acte pharmaceutique, adaptation des posologies sous contrôle de paramètres biologiques, anti vitamines K… et pratique de l’activité pharmaceutique en réseau Hospitalisation à domicile, fluides, soins palliatifs… " Des idées pour revoir le système d'organisation de la santé mais qui pour l'instant trouvent peu d'écho puisque l'Ordre des pharmaciens n'a pas été invité à partir aux discussions sur la réforme de la Protection sociale généralisée qui ont eu lieu en début d'année.

"L'Ordre des pharmaciens est une instance qui couvre la surveillance de la règlementation pharmaceutique, la déontologie et le métier qui est de faire que la relation entre le patient et les praticiens soit la meilleure possible en suivant le code de déontologie
", souligne Philippe-Emmanuel Dupire, ancien président de l'Ordre des pharmaciens.




"Eviter les créations par voie dérogatoire"

L'autorisation d'implanter une officine de pharmacie dans une commune dépend du nombre d'habitants. La création d'une nouvelle pharmacie est donc exceptionnelle. Le président du Pays prend un arrêté pour valider ou non l'ouverture après l'avis de la commission de régulation. Une délibération de 1988 prévoit que dans "les communes d'une population supérieure à 7 000 habitants, à l'exception des communes de Papeete et de Faa'a, il ne peut être délivré plus d'une licence par tranche entière de 7.000 habitants." Cela signifie ainsi que dans une commune, il ne peut y avoir une deuxième pharmacie que lorsque la commune a atteint 14 000 habitants.

Le quota est de 3000 habitants à Papeete et de 6 000 habitants à Faa'a. Mais le gouvernement n'est pas obligé de suivre l'avis de cette commission. Ainsi, en février dernier, le président du Pays a autorisé la création à "titre dérogatoire" d'une pharmacie à Papara, au PK 38.3.

Lorsqu'il a quitté en mars la présidence de l'Ordre Philippe-Emmanuel Dupire, a rappelé qu'en participant à la commission dite de régulation, "l’Ordre tente de défendre la profession en évitant les créations par voie dérogatoire chaque fois qu’elles ne paraissent pas suivre les considérants du texte, y compris, au besoin, en mettant en place des actions en juridiction administrative."

Philippe-Emmanuel Dupire justifie l'existence de ses quotas de population : "C'est fait pour faciliter l'installation", explique-t-il. " L'idée d'avoir des quotas de population ce n'est pas pour que les pharmaciens gagnent mieux leur vie c'est simplement pour que la pharmacie soit rentable."

Rédigé par Mélanie Thomas le Mercredi 14 Décembre 2016 à 19:00 | Lu 5808 fois