Tahiti, le 10 octobre 2022 - Serge Tcherkézoff, anthropologue et auteur notamment de "Tahiti 1768 : jeunes filles en pleurs", vient de publier "Vous avez dit troisième sexe ? : les transgenres polynésiens et le mythe occidental de l'homosexualité". C'est sur ce thème qu'il donnera une conférence, ouverte à tous, mardi 11 octobre à 17h30 dans l'amphi A3 de l'Université de la Polynésie française. Au cours d'un entretien, il est revenu sur l'identité transgenre dans les sociétés polynésiennes, aussi bien à Samoa et Tonga qu'à Tahiti, et sur son travail de déconstruction des idées reçues occidentales autour de ces mêmes sociétés.
Est-ce qu'il existe une spécificité de l'identité transgenre polynésienne ?
"Si la question est : 'Est-ce qu'il y a quelque chose dans les valeurs culturelles traditionnelles ou contemporaines spécifiques aux sociétés polynésiennes qui expliquerait une présence plus massive d'hommes efféminés (sans parler d'ailleurs des personnes nées femmes qui se reconnaissent hommes) ?', la réponse est non. En revanche, comme souvent, il y a un malentendu : ils ont été plus visibles, peut-être, pour les visiteurs occidentaux.
Lors des premières rencontres du capitaine Bligh à Tahiti ou du capitaine Cook à Hawaii, ils écrivent leur surprise de voir des "hommes paraissant très efféminés", pour reprendre les mots de Bligh. C'est lui qui a noté le terme "mahu" la première fois pour les désigner, reprenant, selon lui, les termes de ses hôtes tahitiens. Pour comprendre ce qu'il a vu, on n'a que son interprétation, c'est très parcellaire et on ne peut pas savoir avec précision la réalité qu'il y a derrière. Il parle de "jeunes hommes" qui seraient placés dans l'entourage de grands chefs pour leur plaisir.
À Hawaii, Cook donne un témoignage un peu similaire. Comme il se trouve que ces récits ont ensuite fait le tour de l'Europe, le lectorat occidental de l'époque se construit une vision de la société polynésienne à travers ces récits. Peu avant, Bougainville avait déjà créé, chez le public européen, cette idée d'une "religion de l'amour" et d'une grande liberté sexuelle propre à la Polynésie. Le lectorat en Europe se focalisait énormément sur tout ce qui parlait de sexualité dans les récits des "découvreurs". Du coup, ce sont les passages qui étaient les plus commentés. Ces passages sur les "hommes efféminés" venaient donc ancrer cette idée reçue. Elle n'est plus jamais partie.
Cette idée était tellement ancrée que quand, deux siècles plus tard, Robert Levy est venu faire une enquête sur la vie intime et la psychologie des Tahitiens, il a forcément consacré un chapitre aux mahu. En aurait-il même parlé s'il n'avait pas lui-même été influencé par les lectures de Bougainville, Bligh et les représentations occidentales sur le sujet ? Pas sûr. Et son livre, qui est tout à fait intéressant par ailleurs, est devenu un best-seller à son tour. Le lectorat se retrouvait renforcé dans l'idée que les mahu étaient une part conséquente et spécifique de la société polynésienne.
En aucun cas cela ne repose sur des données anthropologiques solides, où, par exemple, la comparaison de deux sociétés données permettrait d'affirmer qu'en Polynésie, il y a quelque chose de spécial. C'est seulement un axe de lecture qui a été créé de toute pièce et qui s'est auto-alimenté ensuite. Ainsi, l'idée, courante à partir des années 70, qu'il y a une tradition polynésienne de vouloir que certains garçons deviennent des filles quand il n'y a pas assez de filles dans une famille, est une invention complète de l'occident."
Cette idée reçue a-t-elle eu, en retour, un effet sur les sociétés polynésiennes ?
Absolument, cet intérêt occidental sur le sujet des mahu à Tahiti, des fa'afafine à Samoa, des fakaleiti à Tonga, a créé une réponse dans ces sociétés. Les visiteurs, les journalistes et les touristes occidentaux étaient en attente de les voir. Des shows touristiques ont été créés, où elles s'habillaient à l'image des femmes glamours des magazines, des concours de danse, des concours de beauté... Ce qui a, à son tour, a renforcé le stéréotype que c'était un pilier de la culture polynésienne. Or, ces shows, sûrement plus nombreux, plus visibles qu'en Occident quand ils sont apparus dans les années 60, ont été créés par et pour les attentes du public occidental.
Par la suite, les concours, les shows comme le fameux Miss Galaxy à Tonga ou Miss Fa'afafine à Samoa ont fait partie prenante de la vie locale. Des associations se sont créées, comme la Samoa Fa'afafine Association, pour les promouvoir, qui sont devenues des associations de défense des droits de ces personnes et de leur place dans la société. Je ne crois pas qu'une telle association centrale existe à Tahiti.
L'idée qu'il y aurait une plus grande tolérance dans les sociétés polynésiennes, en comparaison avec les sociétés occidentales, vis-à-vis des femmes transgenres est-elle aussi un stéréotype ?
"Je crois qu'il y a un fondement de réalité dans ceci. En occident, toutes les catégories qui ne sont pas dans la norme sont tout de suite vues sous l'angle de l'orientation sexuelle. Les personnes transgenres sont avant tout catégorisées "homosexuelles". Socialement, la sexualité étant un domaine "gênant", elles sont donc mises de côté, marginalisées. Dans les sociétés polynésiennes, la séparation est plus nette entre ce qui est de l'ordre de la sexualité, qui est du côté de la vie personnelle, et ce qui est de l'ordre de la relation sociale. Les mahu, les fa'afafine ne sont pas vues uniquement sous l'angle de leur orientation sexuelle. Leur vie publique n'est pas continuellement rabattue sur leur vie privée.
À Samoa, il existe bien cette "gêne" concernant la vie privée des fa'afafine, mais on leur attribue une utilité, dans les paroisses, au sein des familles, dans l'aide à la personne, à l'enfance. Elles parviennent à obtenir des places reconnues dans la société, bien qu'un peu cloisonnées. À Tahiti, c'est moins marqué, on entend des discours autour du fait que les mahu, les raerae seraient des bons employés pour l'hôtellerie. C'est évidemment très réducteur, mais cette valeur, cette utilité sociale n'existe pas du tout en occident. On n'entend pas en France, par exemple, de manière consensuelle, un discours qui dirait que les homosexuels font les meilleurs puériculteurs."
Est-ce que cela signifie qu'il y aurait moins de souffrance chez les personnes transgenres polynésiennes ?
"C'est peut-être un peu plus facile pour un homme "efféminé" d'évoluer dans une société polynésienne qu'ailleurs dans le monde. Mais être un peu plus facile ne veut pas dire ne pas souffrir. Beaucoup de récits colportent la souffrance individuelle des personnes transgenres, même dans les sociétés polynésiennes. Même si j'ai entendu dire, dans les familles que j'ai rencontrées, qu'ils accepteraient que leur garçon devienne mahu, fa'afafine, il y a toujours en sous-entendu qu'ils auraient préféré que ce ne soit pas le cas.
Tout ce qu'on vient de dire n'est vrai que pour les personnes nées hommes. Dès qu'on considère les personnes nées filles qui se revendiquent garçons, il y a un rejet, une non-acceptabilité beaucoup plus grande. Bruno Saura explique que, à Tahiti, le terme pour les désigner est toujours vahine raerae, on ne leur accole pas le terme mahu. On les ramène tout de suite à une orientation sexuelle. On ne leur donne pas d'identité sociale. Il y a cette idée que ces femmes devenant hommes seraient une idée importée de l'Occident.
Il y a donc une inégalité très forte dans ce que subissent ces personnes qui transitionnent vers le genre masculin par rapport aux personnes nées hommes qui transitionnent vers le genre féminin, qui est à l'image de ce qui se passe malheureusement dans le monde entier. Il n'y a pourtant aucune raison de penser qu'il y ait eu, traditionnellement, moins de personnes dans un cas que dans l'autre, c'est seulement l'acceptation sociale qui diffère, qui oppresse plus une population que l'autre. C'est probablement lié à la domination masculine de ces sociétés."
Votre livre "Tahiti 1768 : jeunes filles en pleurs" déconstruisait, entre autres, le mythe occidental de la vahine toujours disponible. Votre travail sur les personnes transgenres dans les sociétés polynésiennes s'inscrit-il dans une démarche similaire ?
"Oui. Beaucoup de gens pensent que j'ai changé de sujet en travaillant sur le troisième sexe, les mahu, les raerae, en réalité je continue d'essayer de déconstruire les affabulations de la vision occidentale. Il s'agit toujours de comprendre pourquoi et sur quel point l'Occident s'est souvent trompé dans sa vision des sociétés polynésiennes."
C'est à cela que sert l'anthropologie, selon vous ?
Pas seulement, mais j'ai été très influencé par les retours que j'ai eus de la part des intellectuels samoans que j'ai rencontrés et qui me disaient : "Nous, Samoans, on n'a pas tellement besoin que tu décrives ce que l'on est, on n'a pas besoin de toi pour cela. Si tu veux l'expliquer aux gens d'où tu viens, à ce moment-là, il faudra leur expliquer pourquoi souvent, les questions qu'ils se posent à notre sujet sont biaisées."
J'ai eu besoin de déconstruire la vision occidentale pour pouvoir reconstruire, par exemple, ce qu'il s'est passé pendant le séjour de Bougainville à Tahiti. On a souvent comme source les seuls textes européens, pour la période des premiers contacts. Or, leur vision, on l'a dit, est chargée des valeurs de la société, de l'époque dont ils sont le produit. Un discours d'anthropologue ne peut être séparé d'une analyse constante et rigoureuse des idées reçues qui l'entourent. J'ai toujours essayé de lier les deux, d'analyser à la fois ce que je pense voir et les filtres à travers lesquels je le vois."
Est-ce qu'il existe une spécificité de l'identité transgenre polynésienne ?
"Si la question est : 'Est-ce qu'il y a quelque chose dans les valeurs culturelles traditionnelles ou contemporaines spécifiques aux sociétés polynésiennes qui expliquerait une présence plus massive d'hommes efféminés (sans parler d'ailleurs des personnes nées femmes qui se reconnaissent hommes) ?', la réponse est non. En revanche, comme souvent, il y a un malentendu : ils ont été plus visibles, peut-être, pour les visiteurs occidentaux.
Lors des premières rencontres du capitaine Bligh à Tahiti ou du capitaine Cook à Hawaii, ils écrivent leur surprise de voir des "hommes paraissant très efféminés", pour reprendre les mots de Bligh. C'est lui qui a noté le terme "mahu" la première fois pour les désigner, reprenant, selon lui, les termes de ses hôtes tahitiens. Pour comprendre ce qu'il a vu, on n'a que son interprétation, c'est très parcellaire et on ne peut pas savoir avec précision la réalité qu'il y a derrière. Il parle de "jeunes hommes" qui seraient placés dans l'entourage de grands chefs pour leur plaisir.
À Hawaii, Cook donne un témoignage un peu similaire. Comme il se trouve que ces récits ont ensuite fait le tour de l'Europe, le lectorat occidental de l'époque se construit une vision de la société polynésienne à travers ces récits. Peu avant, Bougainville avait déjà créé, chez le public européen, cette idée d'une "religion de l'amour" et d'une grande liberté sexuelle propre à la Polynésie. Le lectorat en Europe se focalisait énormément sur tout ce qui parlait de sexualité dans les récits des "découvreurs". Du coup, ce sont les passages qui étaient les plus commentés. Ces passages sur les "hommes efféminés" venaient donc ancrer cette idée reçue. Elle n'est plus jamais partie.
Cette idée était tellement ancrée que quand, deux siècles plus tard, Robert Levy est venu faire une enquête sur la vie intime et la psychologie des Tahitiens, il a forcément consacré un chapitre aux mahu. En aurait-il même parlé s'il n'avait pas lui-même été influencé par les lectures de Bougainville, Bligh et les représentations occidentales sur le sujet ? Pas sûr. Et son livre, qui est tout à fait intéressant par ailleurs, est devenu un best-seller à son tour. Le lectorat se retrouvait renforcé dans l'idée que les mahu étaient une part conséquente et spécifique de la société polynésienne.
En aucun cas cela ne repose sur des données anthropologiques solides, où, par exemple, la comparaison de deux sociétés données permettrait d'affirmer qu'en Polynésie, il y a quelque chose de spécial. C'est seulement un axe de lecture qui a été créé de toute pièce et qui s'est auto-alimenté ensuite. Ainsi, l'idée, courante à partir des années 70, qu'il y a une tradition polynésienne de vouloir que certains garçons deviennent des filles quand il n'y a pas assez de filles dans une famille, est une invention complète de l'occident."
Cette idée reçue a-t-elle eu, en retour, un effet sur les sociétés polynésiennes ?
Absolument, cet intérêt occidental sur le sujet des mahu à Tahiti, des fa'afafine à Samoa, des fakaleiti à Tonga, a créé une réponse dans ces sociétés. Les visiteurs, les journalistes et les touristes occidentaux étaient en attente de les voir. Des shows touristiques ont été créés, où elles s'habillaient à l'image des femmes glamours des magazines, des concours de danse, des concours de beauté... Ce qui a, à son tour, a renforcé le stéréotype que c'était un pilier de la culture polynésienne. Or, ces shows, sûrement plus nombreux, plus visibles qu'en Occident quand ils sont apparus dans les années 60, ont été créés par et pour les attentes du public occidental.
Par la suite, les concours, les shows comme le fameux Miss Galaxy à Tonga ou Miss Fa'afafine à Samoa ont fait partie prenante de la vie locale. Des associations se sont créées, comme la Samoa Fa'afafine Association, pour les promouvoir, qui sont devenues des associations de défense des droits de ces personnes et de leur place dans la société. Je ne crois pas qu'une telle association centrale existe à Tahiti.
L'idée qu'il y aurait une plus grande tolérance dans les sociétés polynésiennes, en comparaison avec les sociétés occidentales, vis-à-vis des femmes transgenres est-elle aussi un stéréotype ?
"Je crois qu'il y a un fondement de réalité dans ceci. En occident, toutes les catégories qui ne sont pas dans la norme sont tout de suite vues sous l'angle de l'orientation sexuelle. Les personnes transgenres sont avant tout catégorisées "homosexuelles". Socialement, la sexualité étant un domaine "gênant", elles sont donc mises de côté, marginalisées. Dans les sociétés polynésiennes, la séparation est plus nette entre ce qui est de l'ordre de la sexualité, qui est du côté de la vie personnelle, et ce qui est de l'ordre de la relation sociale. Les mahu, les fa'afafine ne sont pas vues uniquement sous l'angle de leur orientation sexuelle. Leur vie publique n'est pas continuellement rabattue sur leur vie privée.
À Samoa, il existe bien cette "gêne" concernant la vie privée des fa'afafine, mais on leur attribue une utilité, dans les paroisses, au sein des familles, dans l'aide à la personne, à l'enfance. Elles parviennent à obtenir des places reconnues dans la société, bien qu'un peu cloisonnées. À Tahiti, c'est moins marqué, on entend des discours autour du fait que les mahu, les raerae seraient des bons employés pour l'hôtellerie. C'est évidemment très réducteur, mais cette valeur, cette utilité sociale n'existe pas du tout en occident. On n'entend pas en France, par exemple, de manière consensuelle, un discours qui dirait que les homosexuels font les meilleurs puériculteurs."
Est-ce que cela signifie qu'il y aurait moins de souffrance chez les personnes transgenres polynésiennes ?
"C'est peut-être un peu plus facile pour un homme "efféminé" d'évoluer dans une société polynésienne qu'ailleurs dans le monde. Mais être un peu plus facile ne veut pas dire ne pas souffrir. Beaucoup de récits colportent la souffrance individuelle des personnes transgenres, même dans les sociétés polynésiennes. Même si j'ai entendu dire, dans les familles que j'ai rencontrées, qu'ils accepteraient que leur garçon devienne mahu, fa'afafine, il y a toujours en sous-entendu qu'ils auraient préféré que ce ne soit pas le cas.
Tout ce qu'on vient de dire n'est vrai que pour les personnes nées hommes. Dès qu'on considère les personnes nées filles qui se revendiquent garçons, il y a un rejet, une non-acceptabilité beaucoup plus grande. Bruno Saura explique que, à Tahiti, le terme pour les désigner est toujours vahine raerae, on ne leur accole pas le terme mahu. On les ramène tout de suite à une orientation sexuelle. On ne leur donne pas d'identité sociale. Il y a cette idée que ces femmes devenant hommes seraient une idée importée de l'Occident.
Il y a donc une inégalité très forte dans ce que subissent ces personnes qui transitionnent vers le genre masculin par rapport aux personnes nées hommes qui transitionnent vers le genre féminin, qui est à l'image de ce qui se passe malheureusement dans le monde entier. Il n'y a pourtant aucune raison de penser qu'il y ait eu, traditionnellement, moins de personnes dans un cas que dans l'autre, c'est seulement l'acceptation sociale qui diffère, qui oppresse plus une population que l'autre. C'est probablement lié à la domination masculine de ces sociétés."
Votre livre "Tahiti 1768 : jeunes filles en pleurs" déconstruisait, entre autres, le mythe occidental de la vahine toujours disponible. Votre travail sur les personnes transgenres dans les sociétés polynésiennes s'inscrit-il dans une démarche similaire ?
"Oui. Beaucoup de gens pensent que j'ai changé de sujet en travaillant sur le troisième sexe, les mahu, les raerae, en réalité je continue d'essayer de déconstruire les affabulations de la vision occidentale. Il s'agit toujours de comprendre pourquoi et sur quel point l'Occident s'est souvent trompé dans sa vision des sociétés polynésiennes."
C'est à cela que sert l'anthropologie, selon vous ?
Pas seulement, mais j'ai été très influencé par les retours que j'ai eus de la part des intellectuels samoans que j'ai rencontrés et qui me disaient : "Nous, Samoans, on n'a pas tellement besoin que tu décrives ce que l'on est, on n'a pas besoin de toi pour cela. Si tu veux l'expliquer aux gens d'où tu viens, à ce moment-là, il faudra leur expliquer pourquoi souvent, les questions qu'ils se posent à notre sujet sont biaisées."
J'ai eu besoin de déconstruire la vision occidentale pour pouvoir reconstruire, par exemple, ce qu'il s'est passé pendant le séjour de Bougainville à Tahiti. On a souvent comme source les seuls textes européens, pour la période des premiers contacts. Or, leur vision, on l'a dit, est chargée des valeurs de la société, de l'époque dont ils sont le produit. Un discours d'anthropologue ne peut être séparé d'une analyse constante et rigoureuse des idées reçues qui l'entourent. J'ai toujours essayé de lier les deux, d'analyser à la fois ce que je pense voir et les filtres à travers lesquels je le vois."