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L’OPH « inefficace » et « défaillant »


PAPEETE, le 23 juillet 2019 – Dans son dernier rapport publié lundi, la chambre territoriale des comptes étrille le fonctionnement de l’Office polynésien de l’habitat (OPH) dont la gouvernance politique est jugée « inefficace » et l’action en tant que bailleur social « défaillante »
 
Après un rapport très négatif sur la politique du logement social au début du mois, la chambre territoriale des comptes en Polynésie française (CTC) a publié lundi un rapport une nouvelle fois accablant sur l’OPH. Sept ans après le dernier rapport de 2012, la plupart des constat d’échecs sont renouvelés par la juridiction financière qui « conclut à l’impérieuse nécessité, pour l’OPH, de repenser avec l’appui du gouvernement, son modèle en profondeur ».
 
Dans ce document de plus de 70 pages, la juridiction regrette d’abord une « gouvernance politique inefficace », estimant que le conseil d’administration « s’empare insuffisamment des questions stratégiques » et que la valse des six directeurs en cinq ans n’a pas aidé à trouver un cap durable.

​2,5 milliards d’impayés depuis 1988

Mais surtout, la chambre dénonce la « défaillance » de l’action de l’OPH dans sa mission principale de bailleur de logement social. Retards dans les constructions avec 276 unités de logements groupés livrés en cinq ans pour 2 711 dossiers en attente… Retards de réhabilitations avec seulement 10% de crédits d’investissements dédiés aux travaux utilisés depuis 2013… Ou encore retards dans la collecte des loyers et leur révision avec pas moins de 2,5 milliards de Fcfp de loyers restant à recouvrer depuis 1988. Soit l’équivalent de deux ans et demi de recettes locatives complètes de l’ensemble du parc OPH.
 
Seule note positive, la chambre constate tout de même un « dynamisme » ces dernières années sur les volumes de fare en kit et d’aides à la construction distribués. Dynamisme néanmoins relatif, puisqu’il n’a permis que de répondre à 17,6% des demandes de fare et 79% des demandes de matériaux sur l’année 2017… La chambre relève d’ailleurs que l’OPH a tendance à « délaisser » les contrôles sur l’usage de ces aides « laissant la porte ouverte à toutes sortes d’abus ».

​La fausse prime au résultat

Enfin, pour clore le tableau déjà peu reluisant, la juridiction financière épingle les « pratiques contestables » réalisées au sein de l’établissement public en matière de primes. Primes versées aux directeurs depuis 2016 et primes de performance versées à tous les agents depuis 2017. « Une prime dite à la performance qui n’en a que l’apparence », puisque cette prime est assises à la fois sur le montant de la subvention de fonctionnement de l’OPH et sur les « résultats exceptionnels » qui résultent des restes de crédits liés à l’inexécution des travaux…
 
Au final, la chambre formule par moins de 12 recommandations et précise qu’aucune réponse au rapport n’a été apportée par les directeurs successifs et le président du conseil d’administration de l’OPH.

6 milliards de Fcfp de recettes locatives perdues

L’OPH « inefficace » et « défaillant »
Le stock de loyers impayés constaté en 2017 s’élève à 2,54 milliards de Fcfp, constate la chambre. Soit l’équivalent de près de 2 ans et demi des recettes locatives de l’office. « La totalité de ce stock ne peut pas être imputée à la mauvaise qualité de gestion de l’OPH. En effet, les bailleurs sociaux supportent des aléas qui s’imposent à eux, de telle sorte qu’un taux d’impayés de 5% peut apparaître comme un taux incompressible », précise la juridiction. « A partir de cette hypothèse, le manque à gagner imputable à l’OPH doit être ramené à 1,6 milliard de Fcfp, une somme cependant très significative. »
 
A cette somme, on peut ajouter dans les recettes locatives perdues, l’absence de révision des baux, pourtant prévus par les textes. « L’estimation a nécessité de conduire une simulation financière qui tienne compte de l’historique du quittancement pour chaque lotissement. Il ressort de cette évaluation que, depuis leur mise en location, la perte est estimée à 4,62 milliards de Fcfp lorsque ne sont considérés que les logements ayant fait l’objet d’un quittancement de la part de l’OPH, sur lequel est appliquée une révision annuelle de 5% comme cela aurait dû être pratiqué. »
 
En conséquence, l’OPH aurait perdu au total, sur longue période, près de 6 milliards de Fcfp, écrit la chambre. Soit six années d’activité locative, ou bien encore, l’équivalent du coût moyen de construction de 300 logements collectifs !
 

Rédigé par Antoine Samoyeau le Mardi 23 Juillet 2019 à 19:27 | Lu 10392 fois