L'Autorité de la concurrence répond à ses détracteurs


"Les autorités de la concurrence voient en général favorablement les opérations de concentration en raison de leurs effets bénéfiques (innovation technologique, économie d'échelle, qui les unes et les autres apportent un bienfait pour le consommateur comme l'élargissement de l'offre de produits, baisse des prix)", souligne Jacques Mérot, président de l'Autorité de la concurrence.
PAPEETE, le 13 septembre 2016. "Non, l'Autorité de la concurrence n'est pas un frein ou un verrou à l'activité économique", insiste Jacques Mérot. Le président de l'Autorité est revenu mardi sur les nouvelles démarches des entreprises en matière de concentration.

Sept mois après sa mise en marche officielle et après les premiers avis rendus sur des opérations de concentration, l'Autorité de la concurrence a tenu, à travers une conférence de presse, à répondre à ses détracteurs. "Non, l'Autorité de la concurrence n'est pas un frein ou un verrou à l'activité économique", met en avant Jacques Mérot, président de l'Autorité.

En août, l'autorité de la concurrence a dit oui au rachat par Hainan des hôtels Hilton Moorea et Saint Régis à Bora Bora, possédés jusque-là par le groupe Wane. Au début du mois, elle a donné son feu vert au rachat des Sofitel de Moorea et Bora Bora par le groupe Grey. "Le contrôle des concentrations n'est pas une formalité administrative de plus pour alourdir la gestion administrative des entreprises: c'est la garantie apportée à toutes les entreprises que la situation nouvelle après l'opération ne génèrera pas d'effets anticoncurrentiels ou des effets non compensés", explique Jacques Mérot.

En matière de concentration, l'Autorité de la concurrence a 25 jours pour rendre une décision mais elle ne peut le faire que si le dossier est complet. L'Autorité de la concurrence recommande donc aux entreprises de venir rencontrer le rapporteur général dès la préparation du projet afin de "préparer le dépôt du dossier complet dès le premier coup". "L'Autorité polynésienne de la concurrence n'est pas la cause des délais qui peuvent retarder les opérations économiques", relève Jacques Mérot. "Elle agit dans le respect des délais. C'est plutôt l'inexpérience des conseils des entreprises en droit de la concurrence qui est en cause."
Jacques Mérot propose donc de faire des "actions de formation des avocats et des conseils juridiques en entreprise afin que les acteurs de ces dossiers parlent le même langage."

LES EFFETS DE LA CONCENTRATION
Depuis la création de l'Autorité de la concurrence en début d'année, les acheteurs d'une entreprise ou d'une partie de celle-ci doivent le lui notifier et présenter un dossier lorsque les entreprises concernées réalisent ensemble un chiffre d'affaires hors taxes total en Polynésie française de plus de 2 milliards de Fcfp et qu'une de ces entreprises au moins a réalisé en Polynésie française un chiffre d'affaires supérieur à 500 millions de Fcfp.

Lors de l'achat d'une ou plusieurs entreprises, l'Autorité de la concurrence doit regarder si cette acquisition est "susceptible de porter atteinte à la concurrence par le biais d'effets horizontaux ou congloméraux", et ne mettrait pas le groupe acheteur en situation de quasi-monopole ou de monopole.

Le président de l'Autorité de la concurrence met en avant les effets positifs du contrôle des concentrations : "L'entreprise notifiante peut se prémunir contre une éventuelle mise en cause dans le cas d'une procédure contentieuse de l'autorité pour abus de position dominante; pour les tiers, c'est l'assurance que les mesures ont été prises le cas échant pour éviter les effets anticoncurrentiels de l'opération et qu'ils peuvent participer à la surveillance des engagements".
Pendant qu'elle surveille les concentrations, l'Autorité de la concurrence est aussi amenée à répondre notamment aux sollicitations du gouvernement. En fin de semaine, un avis devrait ainsi être publié par l'Autorité de la concurrence suite à une demande du gouvernement. L'Autorité de la concurrence continue également à travailler sur ses auto-saisines concernant les PNN, les mécanismes d'importation et de distribution en Polynésie française, les prix des médicaments et des transports aériens et la filière porcine. Les premiers avis publiés devraient concerner les PPN, les mécanismes d'importation et de distribution et les médicaments.

Observatoire de concentration : des astreintes pour les entreprises qui n'ont pas fait leur déclaration

"Les entreprises ayant réalisé un chiffre d'affaires total hors taxes supérieur à 500 millions Fcfp ou à 200 millions Fcfp dans le commerce de détail à dominante alimentaire sont tenues de déclarer auprès de l'Autorité polynésienne de la concurrence, avant le 30 juin de chaque année, leur capital social et sa répartition ainsi que les participations qu'elles détiennent au sein d'autres entreprises", précise le code de la concurrence.
Au 30 juin dernier, beaucoup d'entreprises n'avaient pas encore fait cette démarche. "Par mansuétude, parce qu'il s'agissait de la mise en place de cette procédure, le collège de l'Autorité a décidé d'accorder un délai aux entreprises qui n'avaient pas rempli leur obligation". Le délai a donc été repoussé au 31 août. Au 1er septembre, plus de 90% des entreprises au-dessus des seuils ont produit les documents demandés. Pour celles qui n'ont pas encore fourni les documents nécessaires, l'autorité a décidé de mettre en place des procédures d'astreinte et d'amende comme le prévoit la loi. "Les astreintes journalières peuvent être prononcées à hauteur de 1% du chiffre d'affaires journalier moyen ". Cela peut ainsi vite monter. Au 1er septembre, le montant des astreintes pouvait déjà être de plus de 400 000 Fcfp ou de 1 million, selon la catégorie d'entreprise. C'est sans compter le montant de l'amende !

L'Autorité de la concurrence travaille maintenant sur l'analyse des documents que leur ont transmis les entreprises. Un rapport sera rédigé. Il permettra de donner une photographie de la situation secteur par secteur. Cette information permettra de "donner des idées de développement d'entreprises dans certains secteurs, tandis que dans d'autres secteurs si le marché est éclaté, cela pourra donner des idées de concentration", explique Jacques Mérot.

Les missions

• La lutte contre les pratiques anticoncurrentielles (ententes, abus de position dominante, abus de dépendance économique)
• Le contrôle a priori des concentrations, il s'agit d'une action préventive. L'autorité pourra autoriser ou refuser, ou encore autoriser moyennant des engagements de la part de l'entreprise pour que la concurrence ne soit pas faussée dans un secteur donné.
• Les avis au gouvernement sur tout ce qui touche à la concurrence (Ex : l'examen d'un tarif d'interconnexion en matière d'industrie de réseau) et sur la fixation des prix qui ne sont pas pratiqués librement.

Rédigé par Mélanie Thomas le Mardi 13 Septembre 2016 à 15:30 | Lu 3360 fois