L'Australie occidentale abroge sa nouvelle loi de protection des sites aborigènes


SAEED KHAN / AFP
Sydney, Australie | AFP | mardi 08/08/2023 - L'Etat d'Australie occidentale a annoncé mardi qu’une loi entrée en vigueur début juillet pour protéger les sites aborigènes serait abrogée car elle s'avère trop complexe à appliquer et source de divisions.

Le texte avait été voté à la suite d'une enquête parlementaire stigmatisant le géant minier Rio Tinto, qui avait dynamité la grotte de Juukan Gorge, considéré comme sacrée par les peuples Puutu Kunti Kurrama et Pinikura (PKKP), afin de prolonger l'exploitation d'un gisement de fer.

La grotte contenait certains des artefacts les plus anciens du pays. Le Français Jean-Sébastien Jacques, patron de Rio Tinto, et deux hauts dirigeants avaient démissionné tandis que la communauté aborigène avait appelé à une "remise à plat" de l'exploitation minière.

"La tragédie de la gorge de Juukan était un embarras" au retentissement mondial, mais la réponse des autorités n'a "pas été la bonne", a reconnu Roger Cook, nouveau Premier ministre de centre-gauche de l'Australie-Occidentale, le chef du gouvernement du plus vaste des Etats australiens.

Selon lui, la nouvelle loi s'est avérée trop complexe et fort peu consensuelle.

"Nous sommes allés trop loin, causant involontairement du stress, de la confusion et de la division" dans la communauté nationale australienne, a-t-il reconnu. 

Deux mois après avoir prêté serment après la démission de son prédécesseur, M. Cook a déclaré qu'il était "évident" que des changements étaient nécessaires.

"Les règlements compliqués, le fardeau imposé aux propriétaires fonciers et la mauvaise mise en oeuvre des nouvelles lois ont été inapplicables pour tous les membres de notre collectivité", a-t-il encore reconnu, s'en disant "désolé". 

Le gouvernement de cet Etat riche en ressources naturelles a annoncé un projet de loi rétablissant la législation précédente, en vigueur pendant 50 ans. 

Le futur texte y apportera cependant des amendements exigeant des propriétaires fonciers qu'ils informent le gouvernement de tout ce qui peut concerner les sites aborigènes, mais ils ne seront pas tenus de mener eux-même une étude d'impact sur le patrimoine. 

Ce sera à l'État australien d'étudier, au cours de la prochaine décennie, les zones "hautement prioritaires" encore inexplorées, avec le consentement des propriétaires fonciers.

Le gouvernement n'avait pas trouvé le bon équilibre, ce qu'il a fait "n'a pas fonctionné. Il est essentiel que nous gérions le patrimoine culturel avec bon sens, afin de pouvoir avancer ensemble en tant que communauté", a encore concédé M. Cook.

Les Aborigènes ont été "indignés" par cette décision d’abroger la nouvelle loi sur la protection du patrimoine, a commenté le Conseil autochtone du PKKP. 

"Le gouvernement Cook revient à des lois qui ont permis (la) destruction du site de Juukan", a déclaré le gestionnaire des terres et du patrimoine du PKKP, Jordan Ralph, en déplorant le retour à un processus d’approbation qui "profite à l’industrie" aux dépens de "notre pays". 

Kado Muir, président du Conseil national des droits fonciers autochtones, a estimé que le gouvernement d'Australie occidentale n'avait pas consulté correctement les Aborigènes avant de décider d’abroger la loi. 

"Nous sommes dans un état de confusion et nous craignons que les sites du patrimoine culturel ne soient pas protégés de manière adéquate et efficace en Australie occidentale", a-t-il déclaré à l’AFP. 

"Ils semblent offrir des concessions aux agriculteurs et à d'autres pour pouvoir détruire des sites. Le diable est dans le détail -- nous ne savons pas à quoi ressemble le détail", a-t-il souligné.

Selon Kado Muir, cela souligne la nécessité que la législation nationale agisse comme un "filet de sécurité" capable de protéger le patrimoine culturel autochtone. 

le Mardi 8 Aout 2023 à 05:11 | Lu 785 fois