Tahiti, le 1er septembre 2023 - Le navire de recherche pluridisciplinaire Antea est au fenua depuis le 18 août et jusqu’au 18 septembre pour étudier le lien possible entre le changement climatique et la connectivité des populations de poissons récifaux. Autrement dit, l'échange d'individus entre sous-populations. Une population étant l’ensemble d’individus d’une même espèce qui occupe simultanément le même milieu. Cécile Fauvelot, généticienne des populations, décrypte le programme qui a été intitulé Iconic.
La connectivité passe pour être le principal moteur du renouvellement et de la persistance des populations et des espèces, est-ce grâce au brassage génétique ?
“La connectivité des populations est définie comme l'échange d'individus entre sous-populations. C’est un processus crucial qui a des conséquences majeures sur la croissance et la taille des populations, l’étendue géographique des espèces car elle permet la colonisation de nouveaux habitats, la structure des peuplements, les structures génétiques des populations car, en effet, elle assure le brassage génétique, mais aussi sur les phénomènes de vicariance (en absence de flux génique) et la résilience des populations (elle permet la recolonisation d'habitat après dégradation/disparition des espèces). Pour la plupart des espèces marines, la connectivité entre populations (donc entre patchs d'habitats) est principalement (et exclusivement pour les espèces sessiles) maintenue par les larves dispersives. Cette dispersion larvaire dépend à la fois de l'advection et de la diffusion par les courants océaniques, des processus biotiques, tels que la quantité de larves produites, leur alimentation et leur survie, leur vitesse de nage et leurs capacités sensorielles, et de la disponibilité et la qualité de l’habitat où les larves s’installent ; le climat influence tous ces processus et induit un potentiel d’évolution de la connectivité et donc de la dynamique des populations marines.”
Quelles sont les espèces concernées ?
“Neuf espèces de poissons sont particulièrement étudiées dans le cadre de ce projet, trois espèces de poissons papillons (Chaetodon quadrimaculatus, Forcipiger flavissimus et Chaetodon citrinellus), et sixespèces de poissons demoiselles (Chromis xanthura, Plectroglyphidodon dickii, Chromis margaritifer, Dascyllus aruanus, Pomacentrus pavo et Chrysiptera glauca). Mais nous ciblons également le bénitiersTridacna maxima et des espèces de coraux du genre Pocillopora pour lesquels nous avons également des échantillons historiques.”
Concrètement, comment procédez-vous ?
“Pour les poissons, étant donné qu'ils sont de petites tailles et abondants, nous les prélevons à l'aide de petites fléchettes avec des élastiques, comme des petits harpons sous l'eau, ou des petits fusils de chasse pour les poissons papillons qui sont plus gros. Malheureusement, nous devons les sacrifier, mais nous n'en prenons que 20 par île. Pour les bénitiers, 20 individus de plus de 12 cm sont prélevés dans le lagon de chaque île pour étudier la présence de microplastiques, un projet porté par nos collègues de l'Université de la Polynésie française. Ces mêmes bénitiers sont également utilisés pour étudier la connectivité entre îles et également étudier les mécanismes génétiques déterminant la couleur des bénitiers, un projet porté par nos collègues de l'Ifremer de Vaiaro. Ces bénitiers servent donc pour trois projets différents, permettant de mutualiser les échantillons et de minimiser notre impact. Pour les coraux, des petits fragments de colonies sont prélevés pour la génétique, de même que pour les éponges pour les analyses morphologiques et génétiques, à des fins taxinomiques.”
Où sont faits les prélèvements et où seront envoyés les échantillons ?
“Nous avons encore une incertitude en fonction de la météo et des autorisations de prélèvements des bénitiers, mais les îles prévues sont Tubuai, Raivavae, Marutea sud, Reao, Fangatau, Takapoto, Rangiroa, Tetiaroa et Moorea. Les échantillons seront envoyés dans différents laboratoires : en Polynésie française (UPF, Ifremer, Criobe), à l’université de La Réunion, à Marseille et Villefranche-sur-Mer et l’université Kaust en Arabie saoudite.”
Comment, en comparant les données de 1999 et 2024, allez-vous pouvoir dire si oui ou non le changement climatique joue un rôle sur la connectivité ? Est-ce possible d'évaluer cet impact ?
“Nous espérons voir des modifications de patrons de connectivité entre 1999 (dates où nous avions déjà prélevé toutes ces espèces dans les mêmes sites sur lesquels nous revenons aujourd’hui) et 2023. Nous allons réanalyser tous les échantillons (1999 et 2023) de toutes les espèces en même temps et comparer les espèces et les périodes. Étant donné que ce sont des espèces qui ne sont pas exploitées, si nous observons les mêmes modifications de patrons de connectivité pour toutes les espèces, nous pourrons raisonnablement estimer que ces modifications ont une cause commune, et si ce n'est pas une modification de pressions de pêche, c'est forcèment lié à une modification de pression environnementale.”
La connectivité passe pour être le principal moteur du renouvellement et de la persistance des populations et des espèces, est-ce grâce au brassage génétique ?
“La connectivité des populations est définie comme l'échange d'individus entre sous-populations. C’est un processus crucial qui a des conséquences majeures sur la croissance et la taille des populations, l’étendue géographique des espèces car elle permet la colonisation de nouveaux habitats, la structure des peuplements, les structures génétiques des populations car, en effet, elle assure le brassage génétique, mais aussi sur les phénomènes de vicariance (en absence de flux génique) et la résilience des populations (elle permet la recolonisation d'habitat après dégradation/disparition des espèces). Pour la plupart des espèces marines, la connectivité entre populations (donc entre patchs d'habitats) est principalement (et exclusivement pour les espèces sessiles) maintenue par les larves dispersives. Cette dispersion larvaire dépend à la fois de l'advection et de la diffusion par les courants océaniques, des processus biotiques, tels que la quantité de larves produites, leur alimentation et leur survie, leur vitesse de nage et leurs capacités sensorielles, et de la disponibilité et la qualité de l’habitat où les larves s’installent ; le climat influence tous ces processus et induit un potentiel d’évolution de la connectivité et donc de la dynamique des populations marines.”
Quelles sont les espèces concernées ?
“Neuf espèces de poissons sont particulièrement étudiées dans le cadre de ce projet, trois espèces de poissons papillons (Chaetodon quadrimaculatus, Forcipiger flavissimus et Chaetodon citrinellus), et sixespèces de poissons demoiselles (Chromis xanthura, Plectroglyphidodon dickii, Chromis margaritifer, Dascyllus aruanus, Pomacentrus pavo et Chrysiptera glauca). Mais nous ciblons également le bénitiersTridacna maxima et des espèces de coraux du genre Pocillopora pour lesquels nous avons également des échantillons historiques.”
Concrètement, comment procédez-vous ?
“Pour les poissons, étant donné qu'ils sont de petites tailles et abondants, nous les prélevons à l'aide de petites fléchettes avec des élastiques, comme des petits harpons sous l'eau, ou des petits fusils de chasse pour les poissons papillons qui sont plus gros. Malheureusement, nous devons les sacrifier, mais nous n'en prenons que 20 par île. Pour les bénitiers, 20 individus de plus de 12 cm sont prélevés dans le lagon de chaque île pour étudier la présence de microplastiques, un projet porté par nos collègues de l'Université de la Polynésie française. Ces mêmes bénitiers sont également utilisés pour étudier la connectivité entre îles et également étudier les mécanismes génétiques déterminant la couleur des bénitiers, un projet porté par nos collègues de l'Ifremer de Vaiaro. Ces bénitiers servent donc pour trois projets différents, permettant de mutualiser les échantillons et de minimiser notre impact. Pour les coraux, des petits fragments de colonies sont prélevés pour la génétique, de même que pour les éponges pour les analyses morphologiques et génétiques, à des fins taxinomiques.”
Où sont faits les prélèvements et où seront envoyés les échantillons ?
“Nous avons encore une incertitude en fonction de la météo et des autorisations de prélèvements des bénitiers, mais les îles prévues sont Tubuai, Raivavae, Marutea sud, Reao, Fangatau, Takapoto, Rangiroa, Tetiaroa et Moorea. Les échantillons seront envoyés dans différents laboratoires : en Polynésie française (UPF, Ifremer, Criobe), à l’université de La Réunion, à Marseille et Villefranche-sur-Mer et l’université Kaust en Arabie saoudite.”
Comment, en comparant les données de 1999 et 2024, allez-vous pouvoir dire si oui ou non le changement climatique joue un rôle sur la connectivité ? Est-ce possible d'évaluer cet impact ?
“Nous espérons voir des modifications de patrons de connectivité entre 1999 (dates où nous avions déjà prélevé toutes ces espèces dans les mêmes sites sur lesquels nous revenons aujourd’hui) et 2023. Nous allons réanalyser tous les échantillons (1999 et 2023) de toutes les espèces en même temps et comparer les espèces et les périodes. Étant donné que ce sont des espèces qui ne sont pas exploitées, si nous observons les mêmes modifications de patrons de connectivité pour toutes les espèces, nous pourrons raisonnablement estimer que ces modifications ont une cause commune, et si ce n'est pas une modification de pressions de pêche, c'est forcèment lié à une modification de pression environnementale.”
Huit scientifiques embarqués
À bord de l’Antea, ils sont huit scientifiques, quatre chercheurs/enseignants chercheurs, un post-doctorant, une doctorante et deux assistants ingénieurs plongeurs. À Hao, un des deux assistants ingénieurs plongeurs sera remplacé par un chercheur du Criobe. Les scientifiques sont des généticiens des populations ou spécialistes en taxonomie des éponges. Il y a également 13 membres d’équipage. La campagne scientifique Iconic est financée par l'IRD, la flotte océanographique française et le LabEx Corail. Elle implique plusieurs partenaires. Le navire a quitté Raivavae pour rejoindre Marutea Sud dimanche 27 août.
L’objectif d’Iconic
Face aux risques croissants du changement global induit par les activités humaines sur la biodiversité et les ressources marines, connaître l’efficacité à long terme des stratégies de gestion actuelles est un défi majeur.Le projet Iconic vise à estimer, à partir de données génomiques obtenues dans un cadre analytique commun, les variations de connectivité selon différentes échelles spatiales et temporelles pour neuf espèces de poissons récifaux à durée de vie larvaire et habitat variables, à partir d’un échantillonnage unique des mêmes espèces, réalisé dans les mêmes sites d’études en Polynésie française et répété dans le temps (1999 et 2023).
Définie comme l'échange d'individus entre sous-populations, principal moteur du renouvellement et de la persistance des populations et des espèces, la connectivité des populations marines repose principalement (et exclusivement pour les espèces fixées et/ou inféodées au substrat) sur la dispersion de larves pélagiques. Elle dépend donc de l’interaction complexe entre la circulation océanique et les traits de vie des espèces, deux facteurs fortement influencés par la variabilité climatique.
Définie comme l'échange d'individus entre sous-populations, principal moteur du renouvellement et de la persistance des populations et des espèces, la connectivité des populations marines repose principalement (et exclusivement pour les espèces fixées et/ou inféodées au substrat) sur la dispersion de larves pélagiques. Elle dépend donc de l’interaction complexe entre la circulation océanique et les traits de vie des espèces, deux facteurs fortement influencés par la variabilité climatique.