L’APF ne voit pas la vie en rose


Tahiti, le 30 octobre 2020 - Parés de rose en cette fin du mois d’octobre, les représentants à l’assemblée ont tenté de débattre sur les orientations budgétaires 2021 dans un contexte des plus incertains. Face aux nombreuses incertitudes d’une situation économique et sanitaire délicate, Edouard Fritch a appelé à "garder les pieds sur terre, sans excès ni de pessimisme, ni d’optimisme".
 
Figure imposée par la loi organique, le débat d’orientation budgétaire (DOB) est, bon an mal an, un exercice où le gouvernement tente, dans un numéro d’équilibriste de faire correspondre ses prévisions budgétaires avec les actions et projets qu’il souhaite réaliser l’année suivante. 2020 étant un mal an, l’exercice frôle le funambulisme dans la pénombre par temps de grand vent. En cause, ce "fichu virus" selon Edouard Fritch qui va conduire le gouvernement à agir en 2021 dans une situation "particulièrement complexe à stabiliser car il repose sur des hypothèses d’activité incertaines".
 
Fritch veut garder les pieds sur terre et assume
 
Un lot d’incertitudes sur l’emploi et l’activité et de prévisions contrariées, notamment fiscales, qui incite l’exécutif à la prudence et au réalisme dans la préparation du prochain budget 2021 du Pays. "Les mois à venir nous apporteront leurs lots de défis à relever" avec des fortes tensions sur la trésorerie, l’équilibre des comptes sociaux ou encore sur la chute de l’activité qui va s’aggraver avec un possible reconfinement. Ce flou dans le présent et dans l’avenir a également anesthésié une opposition sans plus de certitudes sur le futur. "Aujourd’hui, plus que jamais, nous devons donc garder les pieds sur terre, sans excès ni de pessimisme, ni d’optimisme" résumera Fritch. Cet appel au réalisme va nécessiter des ajustements budgétaires en cours d’année pour s’adapter aux circonstances forcément changeantes. L’appel s’est également accompagné d’une mise au point sur les choix opérés depuis juillet par l’exécutif qui assume pleinement ses responsabilités. "A la fin mai, notre Pays était bien Covid-Prepared. (…) Le gouvernement aurait fait preuve d’irresponsabilité, à l’époque, en refusant de rouvrir les frontières, et en laissant mourir sur pieds de nombreuses entreprises polynésiennes (…)". Des morts économiques donc évitées.
 
L’union plus vraiment sacrée
 
Ce DOB périlleux aurait dû être un baptême du feu pour le nouveau ministre des finances. Il n’a pas été réellement mis sur le grill et se contentera d’une intervention discrète. Teura Iriti prônera en effet l’unité et la fraternité au sein de l’Assemblée, un discours rassembleur qui sera repris avec intérêt par les membres du gouvernement dans leur intervention. Un appel au rassemblement moins unanimement avec le groupe A Here ia Porinetia de Nicole Sanquer et qui conduira, malgré un appel de Nuihau Laurey au respect des positions minoritaires, à un échange houleux entre le Président et la Député. L’union sacrée à l’APF lors du vote du premier collectif budgétaire de l’année a volé en éclat. Fritch invitera notamment le groupe nouvellement créé à "faire preuve d’humilité mais aussi et surtout de solidarité envers le gouvernement alors que la période est grave" au lieu de "critiquer inutilement le gouvernement pour masquer les échecs cuisants" subis lors des élections communales et sénatoriales. Si l’humilité n’était assurément pas au rendez-vous, les accusations le furent. "De toutes les façons frontière ouverte ou frontière fermée, vous auriez fait de la démagogie et formulé des critiques".
 
Nouvel emprunt mais pas de nouvel impôt
 
Dans cet environnement incertain, la seule certitude budgétaire à venir est celle du recours à un second emprunt auprès de l’Etat. Comme annoncé, cette deuxième demande est dans les tuyaux et a déjà fait l’objet de discussions avec Paris. L’augmentation de la dette du Pays ne s’accompagnera pas pourtant d’une hausse de la pression fiscale pour les Polynésiens selon le président. "Je n’envisage pas de faire subir de nouveaux impôts aux contribuables polynésiens, je ne veux pas donner d’une main ce que je vais récupérer immédiatement de l’autre" indiquera le président. Une garantie qu’il faudra probablement renouveler dans les semaines à venir, notamment dans le budget 2021 et les suivants. En mai dernier, le chef de l’exécutif n’était en effet pas favorable au recours à un emprunt avant de se raviser. Sans nouvel impôt, le président ajoutera sans plus de précision que le remboursement de cet emprunt se fera "par notre travail et par la reprise de la croissance que nous appelons tous de nos vœux". Les vœux de Fritch, habituel adepte des références aux évangiles, ne sont pas pour autant des vœux pieux. 
 

Des réformes des dispositifs d’aides dans les tuyaux

La ministre du Tourisme et du Travail, Nicole Bouteau, a profité de quelques questions posées par les élus pour évoquer quelques mesures qui vont être présentées dans le prochain budget 2021 du Pays. Ainsi, le dispositif ICRA - Insertion par la Création ou la Reprise d'Activité – géré par le SEFI "devrait monter en puissance". En discussion avec les partenaires sociaux, la réforme des mesures d’aides à l’emploi devrait conduire à un élargissement des bénéficiaires et une augmentation de ces aides. Dans une intervention discrète, Antonio Perez indiquera qu’"à titre d’exemple, au lieu de 100 000 Fcfp servis, le DIESE pourrait passer à deux SMIG et demi". En attendant, ces aides sont d’ores et déjà pérennisées. Le DIESE et le DESETI qui devaient prendre fin au mois de novembre sont ainsi reconduits au moins jusqu’à la fin du premier trimestre 2021. "On verra en fonction de l’évolution de la situation la nécessité de prolonger ou pas ces dispositifs". Autre annonce, la mise en place d’un dispositif spécifique d’accompagnement à l’emploi pour les bacheliers. Si les titulaires d’un bac+2 avaient accès aux contrats CAE et CVD, ce n’est pas le cas de ceux, nombreux, qui arrêtent leurs études après l’obtention du bac. Un vide ou plutôt "un trou dans la raquette" à combler pour la ministre. Un dispositif de soutien au CDD, à la demande du patronat, "pour un public jeune" est également à l’étude.

​Les JO à Teahupoo pas encore certains

Interrogé sur le financement des travaux nécessaires à l’accueil de l’épreuve de surf dans le cadre des jeux olympiques 2024, le nouveau ministre en charge des Sports, Heremoana Maamaatuaiahutapu, a précisé qu’ils seront pris en charge non pas par le Pays mais par le comité organisateur des JO de Paris (COJO). Un comité qui est en pleine réflexion sur des réductions budgétaires importantes à réaliser à hauteur de 400 millions d’euros (près de 4,8 milliards de Fcfp). Avec des premières annonces fin septembre de suppression et de regroupement de sites d’épreuves, le COJO a ainsi réussi à économiser 150 millions d’euros mais doit encore se serrer le ceinture. Le rapport d’orientation budgétaire est assez discret sur le sujet, n’évoquant que la réalisation d’études sur l’aménagement d’un domaine. A l’APF, le ministre a évoqué le remplacement de la passerelle métallique mais ce chantier est "indépendant des Jeux". Le ton employé incitait à la prudence. "Les discussions avancent, on attend la décision définitive du comité olympique pour savoir si l’épreuve de surf sera retenue pour ces Jeux. Mais l’équipe continue à travailler". Cette décision définitive doit être rendue en décembre prochain par la commission exécutive du CIO et devait s’appuyer sur l’expérience du surf aux JO de Tokyo qui n’ont pas eu lieu. Un an après l’annonce du choix de Teahupoo, Tahiti retient donc son souffle.

Rédigé par Sébastien Petit le Vendredi 30 Octobre 2020 à 01:17 | Lu 3176 fois