Le 17 juillet 1929 durant son exil, Ký Dông "l'enfant merveilleux", figure de la révolte indochinoise contre l'oppression coloniale française, s'est éteint à l'âge de 54 ans, à l'hôpital Vaiami de Papeete. Il est aujourd'hui enterré au cimetière de l'Uranie. Au Vietnam, c'est un héros national.
PAPEETE, 5 juin 2018 - La délégation du gouvernement vietnamien repartira bredouille après son bref séjour en Polynésie française, mardi. Au cœur de cette visite : trouver un terrain d’entente avec la famille Van Cam pour organiser le rapatriement au pays du héros de la révolution Ký Dông, enterré à l'Uranie.
"On laissera ce dossier en suspens, tant que la famille ne sera pas tout à fait d’accord", explique le consul honoraire du Vietnam à Nouméa. Jean-Pierre Dinh est spécialement à Tahiti pour quelques jours, afin de recevoir une délégation officielle du gouvernement vietnamien venue au fenua pour une affaire de la plus haute importance. Au cimetière de l’Uranie, à Papeete, gît un individu qui, s’il n’est que fort peu connu en Polynésie française, fait figure de héros national au Vietnam. Il est l’un des précurseurs de la révolte contre le colonialisme français, au 19e siècle. On lui prêtait même le pouvoir de guérir les malades. Nguyen Van Cam est l’ancêtre de tous les Van Cam de Polynésie où il est mort en 1929, durant son exil politique.
Plusieurs tentatives de rapatriement officiel de ses restes au Vietnam se sont systématiquement trouvées confrontées à l’opposition ferme de l’un de ses petits-fils, Victor. "C’est malheureux", déplore Jean-Pierre Dinh : "il aurait tous les honneurs qu’il mérite au Vietnam. Des rues et des écoles portent son nom. Sa mémoire est célébrée dans des lieux de culte. Il a des monuments érigés en son honneur". A Tahiti, la dépouille de ce père du nationalisme vietnamien gît incognito à l’Uranie, dans le caveau familial des Van Cam.
"On laissera ce dossier en suspens, tant que la famille ne sera pas tout à fait d’accord", explique le consul honoraire du Vietnam à Nouméa. Jean-Pierre Dinh est spécialement à Tahiti pour quelques jours, afin de recevoir une délégation officielle du gouvernement vietnamien venue au fenua pour une affaire de la plus haute importance. Au cimetière de l’Uranie, à Papeete, gît un individu qui, s’il n’est que fort peu connu en Polynésie française, fait figure de héros national au Vietnam. Il est l’un des précurseurs de la révolte contre le colonialisme français, au 19e siècle. On lui prêtait même le pouvoir de guérir les malades. Nguyen Van Cam est l’ancêtre de tous les Van Cam de Polynésie où il est mort en 1929, durant son exil politique.
Plusieurs tentatives de rapatriement officiel de ses restes au Vietnam se sont systématiquement trouvées confrontées à l’opposition ferme de l’un de ses petits-fils, Victor. "C’est malheureux", déplore Jean-Pierre Dinh : "il aurait tous les honneurs qu’il mérite au Vietnam. Des rues et des écoles portent son nom. Sa mémoire est célébrée dans des lieux de culte. Il a des monuments érigés en son honneur". A Tahiti, la dépouille de ce père du nationalisme vietnamien gît incognito à l’Uranie, dans le caveau familial des Van Cam.
"L"enfant merveilleux"
Nguyen Van Cam, dit Ký Dông.
Né vers 1875 dans le village de Ngoc Dinh, dans la province de Thai-Binh, Nguyen Van Cam attira très tôt l'attention des mandarins de sa province natale par son intelligence et son savoir précoces. Adolescent il devint l’inspirateur d’une insurrection au Tonkin à la fin du 19 siècle. Vénéré par les paysans pour son intelligence et son savoir, celui que l’on surnomma Ký Dông, "l’enfant merveilleux", lève une révolte contre la citadelle de Nam Dinh en 1887, dans le Nord de l’Indochine coloniale. Il est d’abord exilé à Alger, de 1887 à 1896 par le pouvoir colonial. Il y obtient son baccalauréat ès sciences. De retour au pays, il refuse le mandarinat qui lui est offert et préfère se rapprocher des terres du nationaliste Đé Thám, où il lève une armée de paysans qui voit en lui le génie messianique qui mettra fin à la colonisation.
Le gouverneur général de l'Indochine juge finalement qu'il n'est pas prudent de garder Ký Dông sur le sol vietnamien. Le héros n’a que 23 ans lorsque le 24 janvier 1898, sa déportation vers la Guyane française est décidée. Le révolutionnaire fut finalement exilé à Tahiti par ordre du ministre des Colonies. Il est installé aux îles Marquises, à Hiva Oa. Durant son séjour il fréquente et se lie d’amitié avec le peintre Paul Gauguin. Il épouse Punu Ura Teriitaumihau avec qui il aura deux enfants, dont une fille décédée dans son adolescence, et un fils, Pierre Napoléon Van Cam. C’est par ce dernier et ses onze enfants, que la famille Van Cam fait souche en Polynésie.
Le 17 juillet 1929, un an après sa femme, l'enfant merveilleux s'éteint à l'âge de cinquante-quatre ans, à l'hôpital Vaiami de Papeete. Il est enterré au cimetière de l’Uranie, dans ce qui est aujourd’hui le caveau familial des Van Cam.
Le gouverneur général de l'Indochine juge finalement qu'il n'est pas prudent de garder Ký Dông sur le sol vietnamien. Le héros n’a que 23 ans lorsque le 24 janvier 1898, sa déportation vers la Guyane française est décidée. Le révolutionnaire fut finalement exilé à Tahiti par ordre du ministre des Colonies. Il est installé aux îles Marquises, à Hiva Oa. Durant son séjour il fréquente et se lie d’amitié avec le peintre Paul Gauguin. Il épouse Punu Ura Teriitaumihau avec qui il aura deux enfants, dont une fille décédée dans son adolescence, et un fils, Pierre Napoléon Van Cam. C’est par ce dernier et ses onze enfants, que la famille Van Cam fait souche en Polynésie.
Le 17 juillet 1929, un an après sa femme, l'enfant merveilleux s'éteint à l'âge de cinquante-quatre ans, à l'hôpital Vaiami de Papeete. Il est enterré au cimetière de l’Uranie, dans ce qui est aujourd’hui le caveau familial des Van Cam.
Bisbille chez les Van Cam
"C’est un peu le Pouvana’a a Oopa des Vietnamiens", compare Richard Tuheiava. En 2011, alors sénateur de la Polynésie française, c’est lui qui, à la demande de l’un des petits-enfants de Ký Dông, Charles "Supa" Van Cam, initie le dossier du rapatriement au Vietnam des restes du héros national. Il rencontre l’ambassadeur du Vietnam à Paris, entre en relation avec le ministère des affaires étrangères, conseille à la famille Van Cam de se constituer en association, à Tahiti. "J’avais tout fait pour que ça fonctionne. J’étais même prêt à participer au financement d’un déplacement de l'association familiale des Van Cam au Vietnam, avec les fonds de ma réserve parlementaire".
Mais le dossier échoue une première fois, face à l’opposition de Victor Van Cam. C’est encore lui, aujourd’hui qui pose son veto à un retour au pays du héros révolutionnaire vietnamien. Il nous explique être "tenu par un serment" : "Il avait fait promettre à ma mère qu’il serait enterré près de sa fille, morte de la grippe espagnole dans les années 20. Ma grand-mère a été inhumée à son côté. Ma mère m’a fait promettre d'être enterrée à leurs côtés. J'ai donné ma parole. Je ne peux pas accepter qu’ils soient séparés aujourd’hui". Et puis Victor Van Cam souhaite aussi avoir des assurances sur le sort réservé à la dépouille de son aïeul, une fois de retour au Vietnam. Pour Supa Van Cam, son frère, ces arguments tiennent de "l’enfantillage". "C’est une fierté pour nous d’avoir un tel ancêtre. Là-bas, c’est un peuple qui l’attend. Une fête nationale sera organisée pour son retour. C’est un tapis rouge qui l’attend là-bas".
Avec l’accord de la famille, le gouvernement vietnamien se dit prêt à financer l’intégralité des frais liés au retour au pays de son héros national. Le mausolée construit pour accueillir ses restes "sera un lieu de pèlerinage", assure Vu Hong Nam, vice-ministre des affaires étrangères.
Mais le dossier échoue une première fois, face à l’opposition de Victor Van Cam. C’est encore lui, aujourd’hui qui pose son veto à un retour au pays du héros révolutionnaire vietnamien. Il nous explique être "tenu par un serment" : "Il avait fait promettre à ma mère qu’il serait enterré près de sa fille, morte de la grippe espagnole dans les années 20. Ma grand-mère a été inhumée à son côté. Ma mère m’a fait promettre d'être enterrée à leurs côtés. J'ai donné ma parole. Je ne peux pas accepter qu’ils soient séparés aujourd’hui". Et puis Victor Van Cam souhaite aussi avoir des assurances sur le sort réservé à la dépouille de son aïeul, une fois de retour au Vietnam. Pour Supa Van Cam, son frère, ces arguments tiennent de "l’enfantillage". "C’est une fierté pour nous d’avoir un tel ancêtre. Là-bas, c’est un peuple qui l’attend. Une fête nationale sera organisée pour son retour. C’est un tapis rouge qui l’attend là-bas".
Avec l’accord de la famille, le gouvernement vietnamien se dit prêt à financer l’intégralité des frais liés au retour au pays de son héros national. Le mausolée construit pour accueillir ses restes "sera un lieu de pèlerinage", assure Vu Hong Nam, vice-ministre des affaires étrangères.
"Le souhait du Vietnam est de construire un mausolée pour les restes de Ký Dông. Ce sera un lieu de pèlerinage."
Vu Hong Nam, le vice-ministre vietnamien des affaires étrangères, mardi à Tahiti.
Vu Hong Nam, le vice-ministre vietnamien des affaires étrangères, ne sera resté qu’une trentaine d’heures à Tahiti, dans le cadre d’une brève mission diplomatique. Il a été reçu par le haut-commissaire de la République, René Bidal, puis par le président Edouard Fritch, mardi matin. Une visite tournée vers les représentants de la diaspora vietnamienne de Polynésie française, avec une attention toute particulière pour le dossier Nguyen Van Cam. Mais toujours pas de solution pour un rapatriement de ce héros national vietnamien.
Quelle mémoire reste-t-il de Nguyen Van Cam, aujourd’hui au Vietnam ?
Il fut un leader révolutionnaire très charismatique au temps où notre pays était une colonie française. Ký Dông a été exilé à Tahiti pendant une longue période. Il est mort ici. Et ses restes demeurent ici. Mais vous savez, son nom est très fameux au Vietnam : des rues, même à Hanoï, Hô-Chi-Min-Ville (Saigon, NDLR), portent le nom de M. Van Cam. Il a même des temples en son honneur dans la province de Bac Giang (Nord-Est du pays, NDLR) et dans la province de Thai Binh (delta du Fleuve Rouge, au Nord du Vietnam, NDLR)… C’est une personnalité très célèbre en réalité : les vietnamiens sont très fiers de lui.
Le retour des restes funéraires de Ký Dông, est-ce une cause nationale pour vous ?
En réalité nous ne pouvons pas intervenir à ce niveau. Cela dépend de la famille. Vous savez, à l’instar de Ký Dông, le roi Ham-Nghi est mort en Algérie durant son exil, au siècle dernier. Il y a quelques années, nous avons aidé sa famille à rapatrier ses restes au Vietnam.
Nous rencontrons aujourd’hui les représentants de la famille Van Cam. Si c’est leur souhait, le gouvernement du Vietnam les aidera pour en faire de même avec Ký Dông.
Quel accueil réserveriez-vous à ses restes, en cas d’accord avec la famille Van Cam ?
Des monuments sont déjà érigés à la mémoire de Ký Dông à Hanoï et dans deux des provinces du pays, à son lieu de naissance et là où il s’est révélé comme leader de l’indépendance vietnamienne. Si on trouve un accord avec la famille nous bâtirons un monument en son honneur dans l’une de ces provinces. Pour l’instant, nous ne pouvons prendre aucune décision ; mais vous devez savoir que ce héros est une fierté pour nous. Le souhait du Vietnam est de construire un mausolée pour les restes de Ký Dông. Ce sera un lieu de pèlerinage.
Quelle mémoire reste-t-il de Nguyen Van Cam, aujourd’hui au Vietnam ?
Il fut un leader révolutionnaire très charismatique au temps où notre pays était une colonie française. Ký Dông a été exilé à Tahiti pendant une longue période. Il est mort ici. Et ses restes demeurent ici. Mais vous savez, son nom est très fameux au Vietnam : des rues, même à Hanoï, Hô-Chi-Min-Ville (Saigon, NDLR), portent le nom de M. Van Cam. Il a même des temples en son honneur dans la province de Bac Giang (Nord-Est du pays, NDLR) et dans la province de Thai Binh (delta du Fleuve Rouge, au Nord du Vietnam, NDLR)… C’est une personnalité très célèbre en réalité : les vietnamiens sont très fiers de lui.
Le retour des restes funéraires de Ký Dông, est-ce une cause nationale pour vous ?
En réalité nous ne pouvons pas intervenir à ce niveau. Cela dépend de la famille. Vous savez, à l’instar de Ký Dông, le roi Ham-Nghi est mort en Algérie durant son exil, au siècle dernier. Il y a quelques années, nous avons aidé sa famille à rapatrier ses restes au Vietnam.
Nous rencontrons aujourd’hui les représentants de la famille Van Cam. Si c’est leur souhait, le gouvernement du Vietnam les aidera pour en faire de même avec Ký Dông.
Quel accueil réserveriez-vous à ses restes, en cas d’accord avec la famille Van Cam ?
Des monuments sont déjà érigés à la mémoire de Ký Dông à Hanoï et dans deux des provinces du pays, à son lieu de naissance et là où il s’est révélé comme leader de l’indépendance vietnamienne. Si on trouve un accord avec la famille nous bâtirons un monument en son honneur dans l’une de ces provinces. Pour l’instant, nous ne pouvons prendre aucune décision ; mais vous devez savoir que ce héros est une fierté pour nous. Le souhait du Vietnam est de construire un mausolée pour les restes de Ký Dông. Ce sera un lieu de pèlerinage.