Papeete, le 17 février 2022 - Exploiter et valoriser les coquilles d'huîtres perlières inutilisées, c'est le projet de la société Kotuku Fakarava qui est parvenue à les transformer en produit servant à désacidifier les sols agricoles. Le projet s'inscrit dans un regain d'intérêt pour une exploitation plus large, plus locale et plus durable de la nacre issue de la perliculture.
Des milliers de tonnes de coquilles d'huîtres sont produites chaque année par la culture perlière. Les nacres les plus belles et les plus grosses sont exportées, le plus souvent vers la Chine, pour servir l'artisanat d'art, au détriment des graveurs et artisans polynésiens qui ont alors le plus grand mal à se fournir en matière première de qualité. Mais surtout, les deux-tiers de ces coquilles deviennent des déchets, a priori sans valeur marchande. La société Kotuku Fakarava, représentée par Mia Williams et Hugues Cochard, a mis au point un processus permettant de recycler ces déchets et de les revaloriser. Ce projet a été présenté, ce jeudi matin, dans les locaux de la chambre de l'agriculture et de la pêche lagonaire (CAPL). La société et ses partenaires publics ont ainsi pu détailler le traitement des coquilles et leur utilisation.
La coquille est d'abord finement broyée, puis tamisée. On obtient alors une poudre fine, hautement riche en calcium, qui pourrait être très utile pour l'agriculture locale. En effet, selon la CAPL, les sols fertiles tahitiens sont souvent trop acides, ce qui réduit leur rendement et pousse les agriculteurs, soit à utiliser plus d'engrais, ce qui en retour risque d'augmenter l'acidité des sols, soit à utiliser des produits contenant du calcium pour “amender” les sols, c'est-à-dire en faire baisser l'acidité. Or, à l'heure actuelle, les produits utilisés par les agriculteurs polynésiens sont tous importés. Certains de ces produits sont d'ailleurs issus du traitement de coquilles d'huîtres… de la baie d'Oléron. Ce que cherche donc à proposer la société Kotuku Fakarava, c'est de permettre aux agriculteurs du fenua d'amender leurs sols grâce à un produit local, en circuit court, “pas plus cher que l'importation” assurent les porteurs du projet.
Une filière locale à développer
Cinq sites d'agriculture et d'élevage, dont le lycée agricole de Moorea, expérimentent en ce moment l'efficacité de l'amendement calcique par les rebus de coquilles d'huîtres perlières et la CAPL vante des résultats partiels très encourageants, “au moins aussi bon si ce n'est meilleur” que les produits importés actuellement. Les parties moins fines, celles qui n'ont pas passé le tamisage, pourraient aussi servir d'apport en calcium pour l'élevage des volailles ou, c'est en cours d'étude, à l'élaboration d'un béton d'un genre inédit. Cedrik Lo, de la direction des ressources marines, précise qu'il s'agit aujourd'hui du premier parmi huit autres projets autour de l'exploitation de la nacre. Le gisement de ressource est tellement important dans les atolls que l'entreprise et ses partenaires publics sont convaincus de son potentiel de développement local et c'est d'ailleurs à Fakarava que la société a décidé d'implanter son futur site de production. Cedrik Lo rappelle qu'au 19e siècle, la nacre des Tuamotu a été la première source historique d'exportation de la Polynésie; deux siècles plus tard, il se pourrait que les richesses que la pinctada margaritifera ait à offrir se situent aussi autour de la perle.
Antoine Launey
Des milliers de tonnes de coquilles d'huîtres sont produites chaque année par la culture perlière. Les nacres les plus belles et les plus grosses sont exportées, le plus souvent vers la Chine, pour servir l'artisanat d'art, au détriment des graveurs et artisans polynésiens qui ont alors le plus grand mal à se fournir en matière première de qualité. Mais surtout, les deux-tiers de ces coquilles deviennent des déchets, a priori sans valeur marchande. La société Kotuku Fakarava, représentée par Mia Williams et Hugues Cochard, a mis au point un processus permettant de recycler ces déchets et de les revaloriser. Ce projet a été présenté, ce jeudi matin, dans les locaux de la chambre de l'agriculture et de la pêche lagonaire (CAPL). La société et ses partenaires publics ont ainsi pu détailler le traitement des coquilles et leur utilisation.
La coquille est d'abord finement broyée, puis tamisée. On obtient alors une poudre fine, hautement riche en calcium, qui pourrait être très utile pour l'agriculture locale. En effet, selon la CAPL, les sols fertiles tahitiens sont souvent trop acides, ce qui réduit leur rendement et pousse les agriculteurs, soit à utiliser plus d'engrais, ce qui en retour risque d'augmenter l'acidité des sols, soit à utiliser des produits contenant du calcium pour “amender” les sols, c'est-à-dire en faire baisser l'acidité. Or, à l'heure actuelle, les produits utilisés par les agriculteurs polynésiens sont tous importés. Certains de ces produits sont d'ailleurs issus du traitement de coquilles d'huîtres… de la baie d'Oléron. Ce que cherche donc à proposer la société Kotuku Fakarava, c'est de permettre aux agriculteurs du fenua d'amender leurs sols grâce à un produit local, en circuit court, “pas plus cher que l'importation” assurent les porteurs du projet.
Une filière locale à développer
Cinq sites d'agriculture et d'élevage, dont le lycée agricole de Moorea, expérimentent en ce moment l'efficacité de l'amendement calcique par les rebus de coquilles d'huîtres perlières et la CAPL vante des résultats partiels très encourageants, “au moins aussi bon si ce n'est meilleur” que les produits importés actuellement. Les parties moins fines, celles qui n'ont pas passé le tamisage, pourraient aussi servir d'apport en calcium pour l'élevage des volailles ou, c'est en cours d'étude, à l'élaboration d'un béton d'un genre inédit. Cedrik Lo, de la direction des ressources marines, précise qu'il s'agit aujourd'hui du premier parmi huit autres projets autour de l'exploitation de la nacre. Le gisement de ressource est tellement important dans les atolls que l'entreprise et ses partenaires publics sont convaincus de son potentiel de développement local et c'est d'ailleurs à Fakarava que la société a décidé d'implanter son futur site de production. Cedrik Lo rappelle qu'au 19e siècle, la nacre des Tuamotu a été la première source historique d'exportation de la Polynésie; deux siècles plus tard, il se pourrait que les richesses que la pinctada margaritifera ait à offrir se situent aussi autour de la perle.
Antoine Launey
Mia Williams et Hugues Cochard, Kotuku Fakarava
Hugues Cochard, porteur du projet Kotuku Fakarava : “Notre projet est prêt, cohérent”
Qu’est-ce qui vous a amené, Mia Williams et vous, sur ce projet ?
“Mia est perlicultrice, naturellement, elle a de la production. Moi, je me suis intéressé au problème de la valorisation de ces déchets, parce qu’en fait il y a tout un tas de stocks disponibles. On a commencé par trier des nacres par taille, on a fait un site internet pour valoriser le produit de la partie noble de ces nacres […] Mais, une fois qu'on en a fait le tri pour avoir le produit "noble", il reste les deux-tiers des coquilles en déchet. On a regardé comment on pouvait valoriser ces déchets et on s'est rendu compte qu'il y avait des produits d'amendement importés de moins bonne qualité que les produits qu'on pourrait faire avec la nacre. C'est une vraie valeur ajoutée intéressante. On a commencé à faire un prototypage, pour faire l'étude des machines. Aujourd'hui notre projet est prêt, cohérent.”
Quel est l'intérêt d'avoir une source de calcium en production locale ?
“En termes de logique économique, on peut faire travailler des gens au niveau local. Et plutôt que d'importer des produits, d'un point de vue écologique, on a un impact environnemental plus bas ; il y a moins de transport. Il y a moins de frais de logistique aussi. C'est un peu aberrant de ne pas utiliser un produit local alors qu'on peut le faire.”
Quelle est l'importance du calcium pour l'agriculture ?
“Aujourd'hui, les sols de Tahiti ont un ph autour de 5. Or, en-dessous de 5.5 on a une valorisation des sols qui est très faible et qui entraîne beaucoup de pertes en production. Il faut faire monter cette valeur à 6 ou 6.5, sinon on est obligé de rajouter encore plus de produits, d'engrais complémentaires pour compenser cette acidité des sols. En amendant les sols avec du calcium, on peut ainsi faire évoluer la production de 20 à 30 % supplémentaires tout en consommant moins d'engrais. C'est un double effet positif.”
“Mia est perlicultrice, naturellement, elle a de la production. Moi, je me suis intéressé au problème de la valorisation de ces déchets, parce qu’en fait il y a tout un tas de stocks disponibles. On a commencé par trier des nacres par taille, on a fait un site internet pour valoriser le produit de la partie noble de ces nacres […] Mais, une fois qu'on en a fait le tri pour avoir le produit "noble", il reste les deux-tiers des coquilles en déchet. On a regardé comment on pouvait valoriser ces déchets et on s'est rendu compte qu'il y avait des produits d'amendement importés de moins bonne qualité que les produits qu'on pourrait faire avec la nacre. C'est une vraie valeur ajoutée intéressante. On a commencé à faire un prototypage, pour faire l'étude des machines. Aujourd'hui notre projet est prêt, cohérent.”
Quel est l'intérêt d'avoir une source de calcium en production locale ?
“En termes de logique économique, on peut faire travailler des gens au niveau local. Et plutôt que d'importer des produits, d'un point de vue écologique, on a un impact environnemental plus bas ; il y a moins de transport. Il y a moins de frais de logistique aussi. C'est un peu aberrant de ne pas utiliser un produit local alors qu'on peut le faire.”
Quelle est l'importance du calcium pour l'agriculture ?
“Aujourd'hui, les sols de Tahiti ont un ph autour de 5. Or, en-dessous de 5.5 on a une valorisation des sols qui est très faible et qui entraîne beaucoup de pertes en production. Il faut faire monter cette valeur à 6 ou 6.5, sinon on est obligé de rajouter encore plus de produits, d'engrais complémentaires pour compenser cette acidité des sols. En amendant les sols avec du calcium, on peut ainsi faire évoluer la production de 20 à 30 % supplémentaires tout en consommant moins d'engrais. C'est un double effet positif.”
Cedrik Lo, responsable de projet perliculture, direction des ressources marines : “Faire un produit 100% local”
A l'heure actuelle que devient la production de nacre polynésienne ?
“La plus grosse partie de la production est exportée. En général, les perliculteurs ne s'en soucient pas. Des chinois viennent acheter l'ensemble de leurs stocks et l'ensemble est exporté. Du coup, les artisans locaux ont beaucoup de mal à trouver de la nacre local de qualité suffisante. Au lieu de les faire traiter et valoriser à l'étranger, notamment en Chine, pourquoi ne pas le faire ici ? Nous cherchons à permettre aux talentueux graveurs polynésiens de faire un produit 100% local. Nos plus belles nacres devraient rester ici. Depuis deux ou trois ans, on a voulu relancer cette filière de la nacre car elle a beaucoup d'utilisations possibles. Ce que fait Kotuku Fakarava, c'est aussi donner de la valeur à des choses qui sont jetées, c'est de le l'économie circulaire, ça permet de développer une auto-suffisance. On a fait une étude qui a abouti à huit projets pilotes, il y en d'autres qui vont venir. Ça va du béton aux formations bijouterie d'arts et à la semi-ouvraison, etc.”
“La plus grosse partie de la production est exportée. En général, les perliculteurs ne s'en soucient pas. Des chinois viennent acheter l'ensemble de leurs stocks et l'ensemble est exporté. Du coup, les artisans locaux ont beaucoup de mal à trouver de la nacre local de qualité suffisante. Au lieu de les faire traiter et valoriser à l'étranger, notamment en Chine, pourquoi ne pas le faire ici ? Nous cherchons à permettre aux talentueux graveurs polynésiens de faire un produit 100% local. Nos plus belles nacres devraient rester ici. Depuis deux ou trois ans, on a voulu relancer cette filière de la nacre car elle a beaucoup d'utilisations possibles. Ce que fait Kotuku Fakarava, c'est aussi donner de la valeur à des choses qui sont jetées, c'est de le l'économie circulaire, ça permet de développer une auto-suffisance. On a fait une étude qui a abouti à huit projets pilotes, il y en d'autres qui vont venir. Ça va du béton aux formations bijouterie d'arts et à la semi-ouvraison, etc.”