Kayentis ou comment l'innovation peine à se vendre en France


GIF-SUR-YVETTE (France / Essonne), 31 oct 2012 (AFP) - Malgré l'atout d'être leader mondial sans réelle concurrence, malgré les louables dispositifs d'aide, Kayentis, spécialiste du stylo numérisant l'écriture manuscrite sur papier, se heurte à la frilosité des grands clients potentiels français.

"Pourquoi m'a-t-il fallu sept ans pour prouver que nous avions raison, en remportant une première commande importante ?", demande Philippe Berna, président fondateur de la société. "Si j'avais été aux Etats-Unis, il ne m'aurait fallu que trois ans".

"La crainte de faire un mauvais choix, le peu d'appétence à l'innovation font que c'est extrêmement compliqué en France, beaucoup plus qu'en Suisse, aux Etats-Unis ou en Asie". "Vous n'avez jamais un rendez-vous avant trois mois" dans une grande entreprise et il peut se passer 18 mois jusqu'à la commande, affirme-t-il. Aux Etats-Unis ou en Asie, "les gens vous rencontrent très vite".

Cela représente un frein pour les PME innovantes, selon lui.

C'est maintenant que Kayentis, créée en 2003, peut se dire qu'elle a enfin terminé sa phase d'innovation et entame celle de la croissance. Son chiffre d'affaires doit atteindre pour 2012 six millions d'euros, le double de celui de l'an dernier et elle va réaliser son premier bénéfice net.

Elle emploie une quarantaine de personnes et est connue en France pour avoir déployé 10.000 stylos numériques dans les bureaux de vote des primaires du Parti socialiste, en octobre 2011, sa première grande commande.

Ses stylos, équipés d'une caméra qui leur permet de se repérer sur un papier ordinaire sur lequel on imprime une trame de petits points, ont été utilisés dans 70 pays sur les cinq continents. Ils sont particulièrement présents dans la santé: essais cliniques, hospitalisation à domicile.

L'utilisateur, un médecin face à son patient, un commercial face à son client ou encore un technicien de maintenance devant un hélicoptère, remplit son formulaire à l'encre de façon naturelle.

Mais le gros stylo va mémoriser tout l'historique de ce travail: l'ordre dans lequel les informations ont été introduites et à quel moment. Tout ajout malveillant après coup fera l'objet d'une alerte. Les données manuscrites sont transférées en temps réel vers un portail web via une connexion USB ou bluetooth. Toute la séquence peut être rejouée à l'écran: l'écriture défile, la page se remplit à la vitesse et dans l'ordre où le document avait été complété initialement. La plateforme gère un grand nombre d'utilisateurs simultanément.

HP décide de se retirer

"Nous n'avons pas de concurrence aujourd'hui au niveau mondial sur ces particularités", déclare Philippe Berna, président fondateur de la société.

Il a commencé à contribuer en 2000 au développement de cette technologie par l'américain HP qui en est à l'origine avec le suédois Anoto. Mais HP décide de se retirer de ce marché et Kayentis hérite en 2005 de la technologie qu'elle continue de développer.

La France a des atouts dont "le formidable outil qu'est le crédit d'impôt recherche", les pôles de compétitivité, "d'excellentes écoles, d'excellents ingénieurs" et des dispositifs en faveur des entreprises innovantes, se félicite M. Berna.

Mais "j'ai mis un temps fou à accéder à une première commande d'un grand compte qui donne le crédit nécessaire pour accéder à une seconde commande importante", déplore-t-il.

De plus, "la commande publique ne joue pas assez ce rôle", en France, de première référence, contrairement à ce qu'on observe dans nombre de pays qui disposent de lois réservant certains marchés publics aux petites et moyennes entreprises, dit M. Berna, qui est aussi président du Comité Richelieu, une association de PME innovantes.

"Si je n'avais patienté que trois ans, en quatre ans je devenais utile à mon pays: plus besoin de financeurs, de crédit d'impôt recherche et j'investissais, je recrutais, je payais des impôts", regrette-t-il.

Rédigé par AFP le Mercredi 31 Octobre 2012 à 06:08 | Lu 719 fois