Karine Roué, artiste topographe de l’intime


TAHITI, le 3 novembre 2020 - Photographe, Karine Roué a réalisé différentes séries d’images remarquables. Elle expose actuellement à la galerie Winkler. L’occasion de découvrir son travail qu’elle réalise à Raiatea où elle vit depuis bientôt 20 ans.

Elle participe actuellement à l’exposition Off de "Mona Lisa TAPA tout dit" à la galerie Winkler. Karine Roué, photographe d’art, y dit sa beauté. Celle qu’elle puise dans l’apparente rudesse du monde.

Son travail répond à une impérieuse nécessité de fouiller, d'éprouver, de questionner le monde, d’interroger l'humain. C’est le désir profond et irrépressible d'une femme, topographe de l’intime.

En 1980, elle arrive pour la première fois en Polynésie française où elle restera deux ans. Elle y apprendra à lire, à écrire et elle gardera la nostalgie des Polynésiens, de leurs îles, ces espaces en remaniements perpétuels, baignés dans une lumière si particulière.

"À un moment, j'ai mesuré la différence de pesanteur de l'air et cela m'a construite. Je suis fascinée par les extrémités sensibles du jour, les latitudes fondamentales, les états physiques de l'eau, l'âme, sa flagrance, ses viscères, son bitume et son jus."

Pendant cinq ans, elle suit des cours du soir de dessin d'art, de sculpture et de peinture aux Beaux-arts et s’adonne au théâtre contemporain. En parallèle et pour financer ses études, elle est soignante dans une clinique psychiatrique.

Ayant obtenu sa maîtrise de lettres modernes, elle abandonne la préparation de l’agrégation de lettres pour les traversées hauturières et la vie des marins dans les Caraïbes.

En juillet 2002, vingt ans après avoir quitté la Polynésie, elle revient par la mer. "À 72 heures de mer des Marquises, j’ai été prise dans un grain, j’ai alors retrouvé les odeurs organiques, presque femelles, mêlées d'humus et de fleurs." Des odeurs de l'enfance. Elle part ensuite s’installer à Raiatea où elle vit toujours.

"Je voulais faire silence"

"En arrivant, j’ai tout arrêté, le dessin, la peinture, l’écriture." Elle s’est retirée du monde pour se retrouver. "Je voulais faire silence, retrouver ma voix, prendre le temps nécessaire pour penser ma propre relation au monde, à l’art, aux autres."

Elle a voulu forger son éthique en suivant le fil de son désir. Sa démarche est celle d'une alchimiste, elle s'inspire de l’épitaphe d’André Breton qui lui ouvre le champ des possibles : "Je cherche l’or du temps."

La photographie est un médium dont elle s'est saisie depuis une dizaine d'années, un médium qui, comme la batée et le marteau de l’orpailleur, lui permet de trouver l'or des choses et du temps. En 2010, elle part au Brésil et prend des images.

À Rio, elle se rend au vernissage de l’exposition de Nan Goldin où elle rencontre Laurence Guenoun, photographe et éditrice. "Je ne la connaissais pas, je lui ai demandé de pouvoir la photographier." Cette simple demande lance Karine Roué.

Elle a, depuis, exposé à Arles en France, à Tbilissi en Géorgie, en Polynésie, mais également à la galerie Aperture à New York. Elle a réalisé différentes séries d’images remarquables.

Elle puise l'or du temps dans ce qu'elle rencontre. Karine Roué n’a nul besoin de parcourir le monde pour le trouver. Elle puise dans le quotidien dont elle retient la beauté, "comme pour toucher à l'amour".


Pratique

Karine Roué participe à l’exposition OFF de "Mona Lisa TAPA tout dit" à la galerie Winkler.



Contact :

Site internet de la photographe.

Rédigé par Delphine Barrais le Mardi 3 Novembre 2020 à 08:32 | Lu 1928 fois