Kahu, fille des baleines : l’élue d’un peuple nouveau


PAPEETE, le 20 septembre 2016 - Ce récit pour enfants, adapté d’un roman de l’auteur maori Witi Ihimaera, transposé en film, narre le conflit entre tradition et héritage, qui révèle le destin de la jeune Kahu face à l’avenir de son clan. Alors que les atae -le fameux "arbre aux baleines"- sont toujours en fleur, cet album est une belle introduction au mythe relatif à ce mammifère, sacré dans tout le triangle polynésien.

Alors que le pouvoir de chef se transmet de père en fils depuis des générations, la naissance inattendue d’une fille (la fougueuse et intrépide Kahu) fait vaciller l’équilibre de toute une communauté maorie. Rejetée par son grand-père Koro Apirana, chef respecté de leur village Whangara, elle développe une capacité insoupçonnée à communiquer avec les baleines, renouant avec la légende fondatrice de son peuple.

La tradition face au changement et à la modernité


Dans cette société traditionnelle, depuis la nuit des temps, les premiers nés sont des hommes. Avec la venue au monde de Kahu, la lignée de succession se brise, irrémédiablement. Selon son grand-père, sans force physique et spirituelle, sans capacité à commander, une fille n’est pas apte à guider son peuple. Se pliant à la coutume et au sacré, Kahu endosse dès son plus jeune âge le rôle de bouc-émissaire. A force de courage et de persévérance, elle déjouera sans le savoir son propre destin et amènera son grand-père à reconnaître son erreur de jugement.

Un portrait poignant d’une communauté maorie traditionnelle aux prises avec son identité face aux bouleversements contemporains. Dans un monde où il ne fait encore parfois pas bon naître fille, le message de l’auteur redore le blason féminin en lui conférant un rôle tout à fait prépondérant : les filles sont aussi valeureuses que les garçons, elles ont toutes leur place dans la société.

Le contraste entre le ton onirique et mythologique du récit et le réalisme saisissant des illustrations en fait un conte traditionnel transposé à l’époque moderne, dans lequel un public jeune peut s’identifier : Kahu a l’apparence et les préoccupations de tout autre enfant de son âge. Tendre et profondément émouvant, à l'écoute de la nature et de la culture locale, ce conte intemporel baigne dans une atmosphère délicatement magique et mystique.

The whale rider, une odyssée aux multiples résonances

Cette aventure littéraire à rebondissements naît de la publication d’un roman pour adulte, The Whale Rider, (Heinemann, 2005) qui conquiert un large public et est traduit dans de nombreuses langues. En 2003, Niki Caro en adapte une très belle version cinématographique tout public : "Paï : l’élue d’un peuple nouveau", Prix du Public dans plusieurs Festivals internationaux de renom. D’où la pertinence d’une ultime déclinaison de cette œuvre incontournable, sous forme d’album jeunesse. Cette nouvelle étape dans l’histoire de l’œuvre offre des clés de compréhension différentes et complémentaires, qui finissent par enrichir d’autant plus le propos : le message devient ainsi universel et intergénérationnel.

Witi Ihimaera : chantre de la littérature post-coloniale maorie

Witi Ihimaera fait figure de pionnier dans la littérature autochtone maorie. Ses premières œuvres furent Pounamu Pounamu (Pearson Education New Zealand Limited, 1972 – réédition Raupo, 2008) et Tangi (Heinemann, 1973), respectivement premier recueil de nouvelles et premier roman écrits par un Maori. Depuis, cet auteur prolifique a vu un nombre considérable de ses titres traduits en français par la maison d’édition Au vent des îles, tout particulièrement Bublibasha, roi des gitans (2009) et La femme de Parihaka (2014). Ecrivain prolifique, il se distingue également par une brillante carrière diplomatique. Il est aujourd’hui professeur d’anglais et d’écriture à l’Université d’Auckland. Considéré comme un auteur majeur de la littérature post-coloniale, il a reçu en 2005 la médaille de l'Ordre du mérite en littérature de Nouvelle-Zélande.




Rédigé par Au Vent des îles le Mardi 20 Septembre 2016 à 10:41 | Lu 3535 fois