Ka’oha Nui : Un carnet de voyage époustouflant sur les Marquises


PAPEETE, le 2 décembre 2016 - Au terme d’un périple d’un mois et demi réalisé en 2007, le globe-trotteur (sac à dos et kit graphique minimaliste en main) Sébastien Lebègue nous fait découvrir les Marquises sous un angle artistique, humain et sportif inédit ! Une aventure intense entre terre et mer, baies et vallées, plages de sable noir ou rocailleuses et sommets montagnards verdoyants, qu’il traverse à pied, en bateau et à cheval. Un aperçu authentique du quotidien des ‘Enata ou ‘Enana, la vie marquisienne.

Ka’oha Nui, c’est avant tout le Bonjour ! marquisien, certainement le mot clé qui aura ouvert nombre de portes à notre aventurier en territoire mystérieux, au cœur de sa pérégrination artistique. Cet ouvrage, loin d’être une fiction mais bien un récit de voyage, révèle page après page le circuit insolite de l’habille illustrateur Sébastien Lebègue, au cœur des six îles principales de l’archipel des Marquises : Nuku Hiva, Hiva Oa, Fatu Hiva, Tahuata, Ua Huka et enfin Ua Pou. Sur chacune des îles, il alternera les hôtes et les moyens de transport, se fiant aux conseils dispensés consciencieusement par les anciens : il suivra les chemins côtiers, les sentiers de traverse entre les vallées, sillonnant les îles sous toutes leurs facettes (terrestre, maritime, aérienne…), jusqu’à se perdre dans la brousse luxuriante…

Un voyage à couper le souffle

Le voyage — qui est déjà impressionnant — est d’autant plus sublimé par les peintures, esquisses, croquis, photographies, cartes et plans qui enrichissent la découverte de cet archipel sauvage. Les doubles pages se déplient pour dévoiler des représentations panoramiques à couper le souffle : des baies, des vallées inaccessibles, des crêtes franchies à dos de cheval, une cartographie détaillée d’un marae traditionnel (lieu de culte et cérémonie)... Entre scènes de vie, portraits, paysages, pans de la vie culturelle et festive, artéfacts, motifs traditionnels, outils et instruments de musique... Rien n’échappe aux pinceaux habiles et rapides de l’artiste, qui peint, annote et cartographie sans relâche les moindre instants de son épopée marquisienne.

"Dimanche après-midi, je remonte sur la crête où j’étais hier. Je décide de poursuivre ma progression jusqu’au sommet. Je suis seul. Dans l’ascension, très abrupte par moments, je fais fuir malgré moi quelques chèvres sauvages. J’arrive en haut à 14h. Face à moi, j’ai un panorama qui s’ouvre quasiment à 360 degrés. Par-delà un vallon, je vois encore la baie de Taiohae, mais je lui tourne le dos. De gauche à droite, la côte sud de Nuku Hiva se morcelle sur l’océan. Au loin, les pics de Ua Pou apparaissent à peine dans le ciel dégagé de nuages aujourd’hui. " Nuku Hiva - 14 octobre 2007

Un carnet porteur de mémoire

Chaque rencontre est dûment relatée, croquée ou peinte sur le pouce, les noms et prénoms rapportés avec soin. Les enfants sur la plage, curieux et attentifs aux coups de crayons n’en perdent pas une miette. Les adultes, plus sur la réserve, se prêtent rapidement au jeu et dévoilent secrets et traditions. Les anciens, discrets mais plein de malice, partagent volontiers leurs connaissances, légendes et savoir-faire. Des gravures de motifs traditionnels marquisiens encadrent certaines pages, d’autres se perdent selon l’envie au milieu d’une peinture ou d’une scène de vie.

"Nous sommes dans l’atelier de Damas Taupotini. Il est sculpteur sur bois, os, nacre ou dent. Il ne fait que passer aujourd’hui, mais il prend toutefois le temps de me montrer quelques pièces qu’il a réalisées et sculpte une herminette le temps de ce dessin." Nuku Hiva - Mardi 16 octobre

Un artiste hors pair

De jour comme de nuit, Sébastien Lebègue envoute de par le réalisme de ses peintures et croquis, par sa facilité à passer d’une technique à une autre sur une même feuille. Puis à y incorporer des «souvenirs volés», un cliché ou un collage symbolique. Tout comme la vie aux Marquises, on ressent le contraste entre la technique et l’émotion de l’artiste, contraste empirique entre modernité et tradition. Mais en ressort surtout l’harmonie qui perdure entre les marquisiens et le cadre naturel préservé qui les entoure. Au détour d’un marae en pleine nature, on plonge dans la découverte des artéfacts ancestraux, des tiki et sculptures qui jalonnent le découpage des pierres pour bâtir un lieu sacré du culte traditionnel marquisien. Rien n’est laissé au dépourvu, tout est passé en revue et dessiné par l’artiste, y compris la faune et la flore. Prévoyant, il inclue également un lexique des mots et expressions en marquisien, dictés sur le vif, mais repris en fin d’ouvrage. De même, les amateurs de dessin seront ravis de découvrir les techniques diverses employées par l’artiste, le détail de son matériel de voyage et de ses compositions qui ont permis à cet ouvrage de voir le jour.

"Je me souviens qu’il y a quelques jours, lorsque j’étais en montagne, je voyais cette ligne bien ciselée entre l’eau et la terre. Aujourd’hui, j’en dessine les contours à chaque pas que je fais. La route est longue, elle serpente pour suivre le relief." Hiva Oa - Dimanche 28 octobre


Rédigé par Au Vent des îles le Vendredi 2 Décembre 2016 à 09:02 | Lu 2903 fois