TAHITI, le 18 mars 2016. L’eau, source de vie, a depuis toujours été vénérée au fenua et tout particulièrement dans les atolls où elle est un bien précieux. Pour la journée internationale de l’Eau, Tahiti Heritage vous conte quelques histoires d’eaux de nos îles.
A fa'atura, a here, a pāruru ia Vaima. Respectez, aimez, protégez Vaima
Vaima (VAI : eau, MA : pure, claire) est située dans la commune de Mataiea à quelques mètres de la route de ceinture. C’est une rivière millénaire, qui a voyagé sous terre, du mythique lac Vaihiria jusqu’au petit bassin si fréquenté par des Polynésiens de tout âge : La rivière Vaima fait partie de la vie des habitants de Mataiea mais aussi de celles des nombreuses personnes se déplaçant d’autres communes ou de randonneurs venus s’y rafraîchir après une longue marche.
Aux temps anciens, imaginez cette rivière, sans le petit pont que nous avons aujourd’hui : Elle est alors bordée d’une végétation dense et le bassin formé de pierres existe déjà. Certains habitants de Mataiea sont là depuis des générations et s’il est difficile de connaître les secrets de la rivière Vaima, nous récoltons parfois des bribes de son histoire. Elle est contenue dans une légende mythique qui a été chantée maintes fois lors des Heiva ou Tiurai, relatant l’histoire de ce coco que l’on lançait dans un puits du côté du lac Vaihiria et qui ressortait décortiqué du bassin de Vaima. Cette légende me fut racontée par une femme qui semblait y croire : « Avec mon papa, quand j’étais petite nous allions à cet endroit, je me souviens que nous jetions le coco dans ce trou pour nous amuser… autrefois le coco ressortait vraiment dans le bassin de Vaima ! Mais aujourd’hui avec la pollution ou le temps, ça doit être bouché » Ainsi a-t-elle trouvé une explication logique au fait que le coco ne pouvait plus ressortir décortiqué dans le bassin. Cette légende ancestrale a la sagesse de nous apprendre d’où vient la source Vaima et elle révèle son parcours sous-terrain jusqu’au bassin.
Il est dit que dans les temps anciens, le bassin de Vaima servait à purifier les corps des morts. On apportait le corps du défunt et on le lavait dans ce bassin à l’eau glacée. On déposait ensuite le corps sur une plateforme pour le sécher avant l’embaumement et toute la tradition funéraire qui s’en suivait.
Il y a une vingtaine d’années des personnes travaillant pour le service de la Culture ont récolté de nombreux témoignages en tahitien, transmis par des personnes âgées, mais ces témoignages n’ont jamais été diffusés, ils restent encore difficilement accessibles. Cependant, il a été compris que le point d’eau situé à cet endroit de Mataiea contenait deux bassins : le premier bassin plus en amont, où nous voyons souvent des enfants en bas âge avec leurs mères, ou des gens assis en son cœur, parce que c’est un tout petit bassin peu profond, se nomme « Vaituana » : il s’agirait de l’eau qui guérit les esprits, tout ce qui est lié aux troubles psychologiques, aux dépressions. Le plus grand bassin, dénommé « Vaima » est connu pour apporter des guérisons aux corps et souvent, les femmes qui venaient d’accoucher, y allaient pour soigner leurs parties intimes. L’eau de Vaima est tellement pure, même aujourd’hui, que certaines entreprises l’ont convoitée et ont fait des tests en laboratoire sur son taux d’acidité et ses possibles vertus. Heureusement pour Vaima et pour notre pays, cette eau plus-que millénaire demeure intouchable, tant elle est portée de mystères et d’histoire.
En effet, pas si loin de nous, il y a le témoignage de Ella qui a 96 ans. Alors qu’elle s’est installée à Mataiea pour suivre son époux, dans les années 50 la rivière Vaima défie la chronique. Ella témoigne : « Il est arrivé, je l’ai vu de mes yeux, que le matin, le tahua de Mataiea, aille de servitude en servitude, à pieds. Il allait chercher les enfants, les personnes âgées et les malades. Il leur avait dit de lire la veille des passages bien précis de la bible, selon ce qu’ils avaient comme maladie ou souffrance. Il ne faisait pas encore tout à fait jour, mais on voyait les gens marcher derrière lui sur le bord de la route, jusqu’au bassin de Vaima. Le tahua, tout le monde le craignait, il n’était pas un charlatan ! C’était un vrai tahua ! Il allait dans le bassin de Vaima et on voyait tous les gens les uns derrière les autres, attendant leur tour de passage. Personne ne devait aider les vieux, ils devaient venir tout seul dans le bassin. Ensuite la personne rejoignait le tahua et là il faisait des incantations, il appelait des dieux et en même temps il disait des paroles d’évangile, il mélangeait les dieux tahitiens et le Seigneur, il faisait appel aux deux ! J’ai vu de mes yeux, un homme qui avait peine à marcher entrer dans le bassin, le tahua l’a plongé tout en faisant ses prières, l’homme est ressorti, sans boiter. C’était maléfique. Jamais je ne les ai rejoins. »
Il existe plusieurs témoignages qui viennent corroborer ce que m’a raconté Ella qui, par contre, ne se souvient plus du nom du Tahua, nom qui a sombré dans l’oubli, puisque après avoir vu 5 ou 6 personnes, ce nom demeure énigmatique. Il y avait deux Tahua à l’époque, dont l’un a encore sa famille à Mataiea, mais il ne s’agit pas de celui auquel Ella fait référence.
L’eau de Vaima est pure, purifiante, elle éclate de joie, parfois en sanglots sous la pluie ; de son plus gros rocher, des enfants sautent, s’amusent et rient. On dit que les pierres qui bordent son bassin ont l’allure de chiens de garde au repos. Elle abrite en son sein quelques anguilles. Dans les années 60 il y avait un barrage, elle était plus haute. Le barrage a été retiré et les murets apparaissent sur son côté. Quelques imprudents ont mis une fois une petite tortue de rivière, carnassier nuisible à cet écosystème, d’autres y ont mis des poissons « rouges » pour la colorer, alors qu’il y avait des nato, un peu plus rares désormais. On y trouve quelques rares chevrettes, ou petits crabes de rivière. La plus vieille anguille de Vaima a été baptisée Maspo par les adeptes de cette rivière : Très épaisse, elle doit faire environs 1M65 et elle n’a qu’un seul œil, des enfants lui ont crevé un œil lorsqu’elle était plus jeune. Maspo était encore en vie l’année dernière en 2015. Il y a encore à Vaima, malgré les panneaux indicateurs, des gens qui utilisent toute sorte de savons pour se laver. Nous trouvons régulièrement des déchets (savates, barquettes, bouteilles de bières, etc.) : ayez l’esprit civique, n’hésitez pas à les ramasser et à les mettre dans les sacs poubelles accrochés par Christian, l’homme à la roulotte.
L’eau de Vaima doit être respectée, aimée et protégée. Elle le mérite de par son histoire et aussi par la joie qu’elle nous apporte depuis plusieurs générations.
Ariirau Richard-Vivi
A fa'atura, a here, a pāruru ia Vaima. Respectez, aimez, protégez Vaima
Vaima (VAI : eau, MA : pure, claire) est située dans la commune de Mataiea à quelques mètres de la route de ceinture. C’est une rivière millénaire, qui a voyagé sous terre, du mythique lac Vaihiria jusqu’au petit bassin si fréquenté par des Polynésiens de tout âge : La rivière Vaima fait partie de la vie des habitants de Mataiea mais aussi de celles des nombreuses personnes se déplaçant d’autres communes ou de randonneurs venus s’y rafraîchir après une longue marche.
Aux temps anciens, imaginez cette rivière, sans le petit pont que nous avons aujourd’hui : Elle est alors bordée d’une végétation dense et le bassin formé de pierres existe déjà. Certains habitants de Mataiea sont là depuis des générations et s’il est difficile de connaître les secrets de la rivière Vaima, nous récoltons parfois des bribes de son histoire. Elle est contenue dans une légende mythique qui a été chantée maintes fois lors des Heiva ou Tiurai, relatant l’histoire de ce coco que l’on lançait dans un puits du côté du lac Vaihiria et qui ressortait décortiqué du bassin de Vaima. Cette légende me fut racontée par une femme qui semblait y croire : « Avec mon papa, quand j’étais petite nous allions à cet endroit, je me souviens que nous jetions le coco dans ce trou pour nous amuser… autrefois le coco ressortait vraiment dans le bassin de Vaima ! Mais aujourd’hui avec la pollution ou le temps, ça doit être bouché » Ainsi a-t-elle trouvé une explication logique au fait que le coco ne pouvait plus ressortir décortiqué dans le bassin. Cette légende ancestrale a la sagesse de nous apprendre d’où vient la source Vaima et elle révèle son parcours sous-terrain jusqu’au bassin.
Il est dit que dans les temps anciens, le bassin de Vaima servait à purifier les corps des morts. On apportait le corps du défunt et on le lavait dans ce bassin à l’eau glacée. On déposait ensuite le corps sur une plateforme pour le sécher avant l’embaumement et toute la tradition funéraire qui s’en suivait.
Il y a une vingtaine d’années des personnes travaillant pour le service de la Culture ont récolté de nombreux témoignages en tahitien, transmis par des personnes âgées, mais ces témoignages n’ont jamais été diffusés, ils restent encore difficilement accessibles. Cependant, il a été compris que le point d’eau situé à cet endroit de Mataiea contenait deux bassins : le premier bassin plus en amont, où nous voyons souvent des enfants en bas âge avec leurs mères, ou des gens assis en son cœur, parce que c’est un tout petit bassin peu profond, se nomme « Vaituana » : il s’agirait de l’eau qui guérit les esprits, tout ce qui est lié aux troubles psychologiques, aux dépressions. Le plus grand bassin, dénommé « Vaima » est connu pour apporter des guérisons aux corps et souvent, les femmes qui venaient d’accoucher, y allaient pour soigner leurs parties intimes. L’eau de Vaima est tellement pure, même aujourd’hui, que certaines entreprises l’ont convoitée et ont fait des tests en laboratoire sur son taux d’acidité et ses possibles vertus. Heureusement pour Vaima et pour notre pays, cette eau plus-que millénaire demeure intouchable, tant elle est portée de mystères et d’histoire.
En effet, pas si loin de nous, il y a le témoignage de Ella qui a 96 ans. Alors qu’elle s’est installée à Mataiea pour suivre son époux, dans les années 50 la rivière Vaima défie la chronique. Ella témoigne : « Il est arrivé, je l’ai vu de mes yeux, que le matin, le tahua de Mataiea, aille de servitude en servitude, à pieds. Il allait chercher les enfants, les personnes âgées et les malades. Il leur avait dit de lire la veille des passages bien précis de la bible, selon ce qu’ils avaient comme maladie ou souffrance. Il ne faisait pas encore tout à fait jour, mais on voyait les gens marcher derrière lui sur le bord de la route, jusqu’au bassin de Vaima. Le tahua, tout le monde le craignait, il n’était pas un charlatan ! C’était un vrai tahua ! Il allait dans le bassin de Vaima et on voyait tous les gens les uns derrière les autres, attendant leur tour de passage. Personne ne devait aider les vieux, ils devaient venir tout seul dans le bassin. Ensuite la personne rejoignait le tahua et là il faisait des incantations, il appelait des dieux et en même temps il disait des paroles d’évangile, il mélangeait les dieux tahitiens et le Seigneur, il faisait appel aux deux ! J’ai vu de mes yeux, un homme qui avait peine à marcher entrer dans le bassin, le tahua l’a plongé tout en faisant ses prières, l’homme est ressorti, sans boiter. C’était maléfique. Jamais je ne les ai rejoins. »
Il existe plusieurs témoignages qui viennent corroborer ce que m’a raconté Ella qui, par contre, ne se souvient plus du nom du Tahua, nom qui a sombré dans l’oubli, puisque après avoir vu 5 ou 6 personnes, ce nom demeure énigmatique. Il y avait deux Tahua à l’époque, dont l’un a encore sa famille à Mataiea, mais il ne s’agit pas de celui auquel Ella fait référence.
L’eau de Vaima est pure, purifiante, elle éclate de joie, parfois en sanglots sous la pluie ; de son plus gros rocher, des enfants sautent, s’amusent et rient. On dit que les pierres qui bordent son bassin ont l’allure de chiens de garde au repos. Elle abrite en son sein quelques anguilles. Dans les années 60 il y avait un barrage, elle était plus haute. Le barrage a été retiré et les murets apparaissent sur son côté. Quelques imprudents ont mis une fois une petite tortue de rivière, carnassier nuisible à cet écosystème, d’autres y ont mis des poissons « rouges » pour la colorer, alors qu’il y avait des nato, un peu plus rares désormais. On y trouve quelques rares chevrettes, ou petits crabes de rivière. La plus vieille anguille de Vaima a été baptisée Maspo par les adeptes de cette rivière : Très épaisse, elle doit faire environs 1M65 et elle n’a qu’un seul œil, des enfants lui ont crevé un œil lorsqu’elle était plus jeune. Maspo était encore en vie l’année dernière en 2015. Il y a encore à Vaima, malgré les panneaux indicateurs, des gens qui utilisent toute sorte de savons pour se laver. Nous trouvons régulièrement des déchets (savates, barquettes, bouteilles de bières, etc.) : ayez l’esprit civique, n’hésitez pas à les ramasser et à les mettre dans les sacs poubelles accrochés par Christian, l’homme à la roulotte.
L’eau de Vaima doit être respectée, aimée et protégée. Elle le mérite de par son histoire et aussi par la joie qu’elle nous apporte depuis plusieurs générations.
Ariirau Richard-Vivi
Un lieu pour se rafraîchir, après une longue marche
Vaipuna, la pierre-source du plateau des orangers
Non loin du refuge des cueilleurs d’oranges existe une pierre plate d’environ 1 m de hauteur. Cette pierre appelée Purau’ papa ou Vaipuna (l’eau de Puna), est percée d’une cuvette de d’environ 20 cm de profondeur. Cette cavité était continuellement remplie d’eau, et même si on la retirait, le trou se remplissait à nouveau d’une eau très claire. C’était la pierre sacrée du héros légendaire Puna, le symbole de son mana (pouvoir) qui est citée dans la légende de Puna.
Lorsque Puna a été fait prisonnier, le héros lui proposa un marché pour ne pas combattre inutilement : “Si tu bois l’eau du creux de cette pierre, je te donne mes biens, mais si tu ne réussis pas, je te tuerais”. Malheureusement pour Puna, la source était intarissable et on lui coupa le cou.
Depuis longtemps les porteurs d’oranges qui connaissaient cette pierre venaient se désaltérer dans cette source miraculeuse. Mais malheureusement, une femme peu respectueuse est venue prendre un bain de siège dans cette eau pure, qui depuis s’est tarie. La source, pas la femme !
Non loin du refuge des cueilleurs d’oranges existe une pierre plate d’environ 1 m de hauteur. Cette pierre appelée Purau’ papa ou Vaipuna (l’eau de Puna), est percée d’une cuvette de d’environ 20 cm de profondeur. Cette cavité était continuellement remplie d’eau, et même si on la retirait, le trou se remplissait à nouveau d’une eau très claire. C’était la pierre sacrée du héros légendaire Puna, le symbole de son mana (pouvoir) qui est citée dans la légende de Puna.
Lorsque Puna a été fait prisonnier, le héros lui proposa un marché pour ne pas combattre inutilement : “Si tu bois l’eau du creux de cette pierre, je te donne mes biens, mais si tu ne réussis pas, je te tuerais”. Malheureusement pour Puna, la source était intarissable et on lui coupa le cou.
Depuis longtemps les porteurs d’oranges qui connaissaient cette pierre venaient se désaltérer dans cette source miraculeuse. Mais malheureusement, une femme peu respectueuse est venue prendre un bain de siège dans cette eau pure, qui depuis s’est tarie. La source, pas la femme !
Vaipuna, la pierre-source du plateau des orangers à Punaauia
Vaihi’ohio, le miroir de la reine à Niau
Vaihi’ohio, le miroir de la reine, est une pierre avec deux petites vasques naturelles, située au milieu de rochers non loin de l’ancien village de Tapuna sur l’atoll de Niau.
La reine Tekurataukia, appelé Teura, une femme d’une grande beauté à la chevelure rougeoyante venait se mirer dans les reflets de l’eau de ce bassin. On raconte que le pigeon vert U’upa (O’o) devrait la couleur du haut de son plumage aux cheveux qu’il aurait volé à Teura. Le pigeon vert a effectivement sur la tête une petite houppette de plumes de couleur rouge-mauve sur sa tête, qui contraste fortement avec le vert de son plumage.
La légende dit que la cuvette est toujours pleine d’eau. Pour le vérifier, des habitants ont à plusieurs reprises tenté l’expérience. Ils ont vidé la cuvette et épongé jusqu’à la dernière goutte, puis sont allés à la pêche. Au retour quelques heures plus tard, ils ont constaté que celle ci était de nouveau pleine. On n’a jamais pu expliquer l’origine de ce phénomène car il n’y a aucune voie d’eau. Sans doute est-ce dû à des infiltrations de la roche.
Vaihi’ohio, le miroir de la reine, est une pierre avec deux petites vasques naturelles, située au milieu de rochers non loin de l’ancien village de Tapuna sur l’atoll de Niau.
La reine Tekurataukia, appelé Teura, une femme d’une grande beauté à la chevelure rougeoyante venait se mirer dans les reflets de l’eau de ce bassin. On raconte que le pigeon vert U’upa (O’o) devrait la couleur du haut de son plumage aux cheveux qu’il aurait volé à Teura. Le pigeon vert a effectivement sur la tête une petite houppette de plumes de couleur rouge-mauve sur sa tête, qui contraste fortement avec le vert de son plumage.
La légende dit que la cuvette est toujours pleine d’eau. Pour le vérifier, des habitants ont à plusieurs reprises tenté l’expérience. Ils ont vidé la cuvette et épongé jusqu’à la dernière goutte, puis sont allés à la pêche. Au retour quelques heures plus tard, ils ont constaté que celle ci était de nouveau pleine. On n’a jamais pu expliquer l’origine de ce phénomène car il n’y a aucune voie d’eau. Sans doute est-ce dû à des infiltrations de la roche.
Vaihi’ohio, le miroir de la reine à Niau. Photo Miri Tatarata