Jour de pluie, jour de colère


Tahiti, le 12 février 2024 - Rien ne laissait présager de ce que ce lundi 12 février réservait aux îles de la Société. Les bulletins météo n’étaient pas alarmistes et ne relayaient que deux informations principales durant le week-end. Le suivi de la dépression tropicale TD09F qui finissait sa course aux Tuamotu, et une alerte orange forte pluies.
 
 
Contrairement aux annonces de la semaine passée où, heure par heure, les autorités se relayaient pour mettre en garde contre l’arrivée de la dépression tropicale Nat, qui n’a heureusement eu que peu d’incidence, la météo très dégradée de ce week-end n’a pas été accompagnée de vigilance particulière, autre que la demande de circuler à moins de 30 km/h sur les routes à cause des nids de poules. Des vigilances orange, le Fenua en a déjà connu plus d’une et chacun prenait ce lundi matin comme un autre en maugréant sur le linge qui ne sèche pas.

Mais ce lundi matin, les pluies ont surpris tout le monde. À 7 heures, alors que beaucoup de parents conduisaient leurs enfants dans leurs écoles, collèges ou lycées, les choses se sont sérieusement gâtées.

À Mahina, la Tuauru débordait, emportant troncs d’arbres, voitures, et défonçant plusieurs maisons. À Arue, l’axe principal se transformait en rivière, la faute aux débordements conjugués de plusieurs cours d’eau, de la Pipine à la vallée de Tefaaroa, en passant par la Pōfaifaatara. Des éboulements ont été constatés et plusieurs sites étaient inondés.

Plus loin, à Pirae, plusieurs sites ont été touchés. La rivière Nahoata s’est transformée en torrent. Canalisée par son nouveau lit en béton, elle a arraché certaines portions pour s’inviter dans les maisons entourant le pont à la descente de l’hippodrome. Les pieds dans la boue, essayant de mettre leurs affaires à l’abri, la colère des habitants gronde plus encore que le tumulte de l’eau. “On a passé toute la semaine dernière à attendre une dépression qui n’a rien fait. Et là, il tombe des cordes tout le week-end. Rien, pas une alerte, pas une mise en garde. Pas une fermeture d’école”, s’emporte Poe qui constate les dégâts chez elle. “J’étais en train de faire des pancakes. On pouvait sentir la pression de l’eau à proximité, et puis ça a cédé.”

De l’autre côté de la rive, son voisin n’a pas eu plus de chance. “Regardez ma maison. C’est n’importe quoi”, explique-t-il en évacuant l’eau et la boue comme il peut. Non loin de là, l’école Tuterai Tane avait fermé ses portes.

Toujours à Pirae, la vallée de Hamuta a connu un réveil, là aussi, très difficile. Transformée en torrent, la route a charrié sur son passage des tonnes de branchages. Plus haut dans la vallée, une importante canalisation d’eau devait céder sous leur poids. Même le maire, Édouard Fritch a été surpris par la soudaineté des événements alors que les PC de crise communaux avaient tous fermé après la levée de l’alerte concernant Nat.

À Papeete, c’est la Papeava, comme d’habitude, qui décidait d’inonder Fare Ute. Sur la côte ouest en revanche, des événements isolés, mais de moindre intensité ont été relevés.

Aux îles du Vent, le temps reste perturbé et orageux. Des averses de très forte intensité ont touché les côtes nord et ouest lundi matin, occasionnant d'importants cumuls. À Mahina, il est tombé 76,3mm (litres d'eau par m2) en 3 heures, dont 40,8mm rien qu'en une heure. Ces dernières 24 heures, on a enregistré 117,7 mm sur Mahina et 141,1 mm sur les hauteurs de Fautaua. Il est aussi tombé 204,8 mm en 24 heures sur Raiatea, dont 56,6 mm en une heure lundi matin. De même, il est tombé 151 mm en 24 heures à Opoa et 108 mm en 24 heures à Huahine. Des épisodes pluvieux sont encore attendus cette nuit et mardi, alternant avec des périodes d'accalmie. D'importants cumuls sont encore possibles localement. Ils viennent s'ajouter à des sols déjà saturés en eau, accentuant le risque d'inondations et de débordements des rivières.

À chaque arrêt, la colère des habitants, mais aussi des élus, contre l’incivilité, tout d’abord, de ceux qui tronçonnent leurs arbres et ne les évacuent pas.

Contre les autorités ensuite, accusées d’avoir levé les mesures de vigilances trop tôt et de ne pas avoir demandé la fermeture des établissements scolaires dès le dimanche au regard des précipitations déjà tombées pendant le week-end.

Lundi soir, la plus grande prudence restait de mise. Les écoles et garderies fermées, il était demandé à la population de limiter au stricte nécessaire la circulation.

Désorganisation maximale
 
Côté communication, lundi, c’était un véritable sac de nœuds. Le matin, à 10 heures, le Pays prenait la décision de fermer les établissements du second degrés dès midi. Collèges et lycées fermaient donc. Certains témoignages de parents sur les réseaux sociaux faisaient état d’enfants mis dehors de leurs établissements sans se soucier qu’ils soient récupérés par leurs parents. Le premier degré (maternelle, primaires et CJA), de compétence des communes, restait quant à lui ouvert. 

Dans la foulée, la Direction générale des enseignements et de l’éducation (DGEE) s’emmêlait les pinceaux et annonçait sur Facebook vers 11h30 la fermeture de tous les établissements scolaires à midi. Des mails auraient même été envoyés aux chefs d'établissements. Panique chez les parents alors que les mairies et le gouvernement n’avaient pas pris d’arrêté de fermeture. Beaucoup sont venus chercher leurs enfants et la recherche de désengorgement de la circulation à midi tombait subitement… à l’eau.

Une heure plus tard, cette publication était effacée, puis modifiée en précisant que cette fermeture ne concernait que le second degré. Oui, mais c’était alors sans compter sur l’amour du président Brotherson pour les réseaux sociaux qui à son tour prenait la parole depuis son bureau pour annoncer la fermeture des établissements du premier degrés ce mardi.

À l’affût d’informations importantes pour leurs progénitures, les parents ne savaient plus sur quel pied danser lundi.

Rédigé par Bertrand PREVOST le Lundi 12 Février 2024 à 17:59 | Lu 7174 fois