"Joker" en tête des nominations aux Bafta, jugés trop blancs


Londres, Royaume-Uni | AFP | dimanche 02/02/2020 - A une semaine des Oscars américains où il paraît aussi en position de force, l'inquiétant "Joker" part favori de la cérémonie dimanche soir des Bafta, les récompenses britanniques du cinéma critiquées pour leur sélection très blanche et peu féminine.

Joaquin Phoenix, star du film de Todd Phillips, est arrivé en smoking et lunettes de soleil sur le tapis rouge du Royal Albert Hall, suivi de Hugh Grant, Al Pacino, Scarlett Johansson ou encore le prince William, président d'honneur de l'institution. Préoccupation environnementale oblige, tous avaient été priés de recycler des tenues déjà portées.
"Joker" affiche onze nominations --autant que pour les Oscars le 9 février--, et figure notamment dans trois des quatre catégories reines distinguées par la British Academy of Film and Television Arts (Bafta).
Il raconte la transformation du comique raté Arthur Fleck en personnage maléfique qui deviendra l'ennemi juré de Batman.
Avec dix nominations chacun suivent "The Irishman", thriller politico-mafieux de Martin Scorsese, produit par Netflix, et "Once Upon a Time... in Hollywood", dernier film de Quentin Tarantino, une ode au Hollywood des années 1960. 
Pour le meilleur film et le meilleur réalisateur, ils entrent en concurrence avec le drame historique "1917" de Sam Mendes et "Parasite" de Bon Joon-ho, Palme d'or au festival de Cannes en 2019 à mi-chemin entre le drame social et la comédie noire.
Joaquin Phoenix, récompensé début janvier aux Golden Globes américains pour sa performance dans "Joker", brigue le Bafta du meilleur acteur face à Leonardo DiCaprio ("Once Upon a Time... in Hollywood"), Adam Driver ("Marriage Story"), Taron Egerton ("Rocketman) et Jonathan Pryce ("Les deux Papes").
Côté actrices sont en lice Renée Zellweger, déjà sacrée aux Golden Globes pour son rôle de Judy Garland dans le biopic "Judy", Scarlett Johansson ("Marriage Story"), Saoirse Ronan ("Les filles du docteur March"), Charlize Theron ("Scandale") et Jessie Buckley ("Wild Rose"). - "Invisibilité choquante" -  
Les Baftas ont montré leur souci de la crise climatique en renonçant aux sacs de petits cadeaux peu respectueux de l'environnement et en dépliant un tapis rouge en matériaux recyclés. La cérémonie essaye de se rapprocher de la "neutralité carbone" et a même demandé aux invités d'opter pour des tenues déjà portées ou, à défaut, pour des vêtements de créateurs éco-responsables. 
Mais cette sélection, réalisée pour la plupart des catégories par les quelque 6.500 membres des Bafta, notamment des professionnels de l'industrie cinématographique, a été vivement critiquée pour son manque de diversité. 
Peu avant la cérémonie, la présidente des Bafta Pippa Harris a elle-même déploré l'absence de nominations de femmes dans la catégorie meilleur réalisateur, alors qu'elles  "représentent le futur de l'industrie", jugeant par ailleurs "exaspérant" et "décevant" qu'aucun acteur noir n'ait été nommé au sein des principales catégories. 
Elle a promis un "examen de grande envergure", qui se "penchera sur tout ce qui concerne le processus d'attribution des prix", jugeant toutefois qu'il s'agissait d'un "problème à l'échelle de toute l'industrie" du cinéma, dont les récompenses ne sont que le dernier échelon. 
Les critiques avaient commencé à fleurir début janvier sur les réseaux sociaux, en partie sous le hashtag #BaftaSoWhite ("Bafta tellement blancs"). Elles ont ensuite trouvé un porte-parole d'importance en la personne du réalisateur Steve McQueen. "Les talents noirs sont beaucoup trop négligés", a tempêté le réalisateur oscarisé de "12 years a slave" dans le Guardian.
La branche britannique de la fondation Time's up, mouvement né dans le sillage du mouvement #MeToo, a "rappelé les performances de Lupita Nyong'o, Jennifer Lopez, Cynthia Erivo, Jodie Turner-Smith et Marianne Jean-Baptiste", dénonçant une "invisibilité d'autant plus choquante compte tenu du choix" et de la "puissance" des films avec des acteurs noirs ou asiatiques cette année.
Le Bafta du meilleur film en langue étrangère pourrait revenir à "L'Adieu", chronique familiale sur le choc des cultures de la réalisatrice sino-américaine Lulu Wang, ou au film sud-coréen "Parasite".

le Lundi 3 Février 2020 à 05:14 | Lu 260 fois