Le fabuleux spectacle "Te Aroha Mamaia" est à découvrir les samedis 11, 18, 25 juillet et 1er août sur le marae Arahurahu, à Paea.
PAPEETE, le 8 juillet 2015 - Fervent défenseur de la langue et de la culture polynésiennes, John Mairai a souhaité apporter son éclairage suite à notre article sur les Mamaia, publié le 30 juin dernier. Il tient à préciser que les Mamaia n'étaient pas "les gardiens du culte polythéiste et des arts traditionnels" ; il s'agissait en réalité d'un "mouvement syncrétique".
Tous les soirs, depuis sept ans, John Mairai raconte des histoires polynésiennes, transmises notamment par la tradition orale, des scientifiques ou des historiens, dans son émission "Faati'a mai", diffusée sur TNTV. Si nous acceptons de le faire réagir aujourd'hui dans nos colonnes, c'est parce qu'il ne cherche pas à remettre en cause la démarche artistique de l’écrivain Patrick Amaru, auteur du texte "Te Aroha Mamaia", ni celle du groupe Toakura, qui, explique-t-il, produisent sur le marae Arahurahu "une fiction à partir du thème des Mamaia". Pour lui, il est cependant important de replacer les faits dans leur contexte suite à la publication de notre article en date du 30 juin : "L'ordre n'a pas été imposé aux Mamaia par les missionnaires, mais bien par les chefs polynésiens eux-mêmes". Cependant, s'il ne veut pas qu'on parle de pression, il reconnaît que les chefs pouvaient avoir un certain intérêt à aller dans le sens des missionnaires. C'est ainsi qu'un code de lois, le Code de 1819, vit le jour, connu aussi sous le nom de Code Pomare. Cette législation régissait la vie des Polynésiens.
John Mairai remarque : "Quand Pomare II a compris que le monde allait changer et pensait que ses propres dieux l'avaient abandonné, il a demandé aux missionnaires de l'aider à constituer un code de lois. C'était un visionnaire, car il savait que cela lui donnerait la possibilité d'unifier son royaume. Les missionnaires souhaitaient une monarchie constitutionnelle comme en Angleterre plus démocratique, mais Pomare a refusé ; il voulait garder la main mise sur son royaume. La plupart des chefs ont adopté ensuite le Code de 1819 et ont accepté les nouvelles règles. Il était alors interdit de travailler le dimanche ou bien de se tatouer, par exemple. C'était quasiment une théocratie avec les missionnaires qui étaient des législateurs aidant les chefs à constituer leur façon de gouverner. La peine de mort a été instituée en cas de meurtre, d'infanticide (les ariioi) ou de rébellion contre le roi." John Mairai ne veut pas faire l'apologie des missionnaires. L'idée qu'il veut faire passer est que les règles pouvaient être certes dures, mais ce n'est pas le propos ici et ce n'est pas à nous d'en juger, plutôt aux théologiens. Il souhaite uniquement rétablir le fait que ce sont les chefs qui ont proposé les lois d'encadrement et que le peuple devait alors les respecter.
UNE SOCIETE EN MUTATION
Et de poursuivre : "Comme dans toute société mutante, il y a eu des réactions contre l'ordre établi par les chefs polynésiens ; certains étaient nostalgiques des temps anciens, d'autres étaient convertis du bout des lèvres, beaucoup regrettaient la liberté d'avant. Mais c'étaient des chrétiens pour la plupart. A partir de 1815, quand Pomare remporte la bataille de Fei-Pi l'opposant, lui en tant que représentant du nouvel ordre social et culturel, à un arii païen, massivement on va mettre sa victoire sur le compte du Dieu Jéhovah qui a gagné sur Oro, Taaroa et autres dieux polynésiens. Par la suite, il n'y a pas eu de mouvement de rébellion au sens propre du terme."
John Mairai affirme encore : "Les premiers à réagir ont été les Tutae ‘auri, qui vont essayer de ne pas se faire trop remarquer, car ils savent qu'ils vont être punis. Ils vont simplement vivre en retrait de ce nouveau système, et ils vont donc s'éloigner de l'ordre en s'exilant dans les vallées pour être tranquilles. C'est ainsi qu'en 1826, il existait quelques poches de résistance, mais cela n'avait aucune incidence particulière. Le naturaliste britannique Samuel Stuchbury (cf. Danielson Memorial, vol.1 p.488) l'a bien décrit. Il y a peut-être une certaine confusion entre les Mamaia, mouvement religieux syncrétique qui démarre en 1826 pour s’éteindre dans un bain de sang en 1833, et celui plus discret des Tutae-auri, qui est signalé par les missionnaires dès la conversion de Tahiti au lendemain de la guerre de Fei Pi en 1815 et qui sans doute disparu dans les affres du mouvement mamaia."
Tous les soirs, depuis sept ans, John Mairai raconte des histoires polynésiennes, transmises notamment par la tradition orale, des scientifiques ou des historiens, dans son émission "Faati'a mai", diffusée sur TNTV. Si nous acceptons de le faire réagir aujourd'hui dans nos colonnes, c'est parce qu'il ne cherche pas à remettre en cause la démarche artistique de l’écrivain Patrick Amaru, auteur du texte "Te Aroha Mamaia", ni celle du groupe Toakura, qui, explique-t-il, produisent sur le marae Arahurahu "une fiction à partir du thème des Mamaia". Pour lui, il est cependant important de replacer les faits dans leur contexte suite à la publication de notre article en date du 30 juin : "L'ordre n'a pas été imposé aux Mamaia par les missionnaires, mais bien par les chefs polynésiens eux-mêmes". Cependant, s'il ne veut pas qu'on parle de pression, il reconnaît que les chefs pouvaient avoir un certain intérêt à aller dans le sens des missionnaires. C'est ainsi qu'un code de lois, le Code de 1819, vit le jour, connu aussi sous le nom de Code Pomare. Cette législation régissait la vie des Polynésiens.
John Mairai remarque : "Quand Pomare II a compris que le monde allait changer et pensait que ses propres dieux l'avaient abandonné, il a demandé aux missionnaires de l'aider à constituer un code de lois. C'était un visionnaire, car il savait que cela lui donnerait la possibilité d'unifier son royaume. Les missionnaires souhaitaient une monarchie constitutionnelle comme en Angleterre plus démocratique, mais Pomare a refusé ; il voulait garder la main mise sur son royaume. La plupart des chefs ont adopté ensuite le Code de 1819 et ont accepté les nouvelles règles. Il était alors interdit de travailler le dimanche ou bien de se tatouer, par exemple. C'était quasiment une théocratie avec les missionnaires qui étaient des législateurs aidant les chefs à constituer leur façon de gouverner. La peine de mort a été instituée en cas de meurtre, d'infanticide (les ariioi) ou de rébellion contre le roi." John Mairai ne veut pas faire l'apologie des missionnaires. L'idée qu'il veut faire passer est que les règles pouvaient être certes dures, mais ce n'est pas le propos ici et ce n'est pas à nous d'en juger, plutôt aux théologiens. Il souhaite uniquement rétablir le fait que ce sont les chefs qui ont proposé les lois d'encadrement et que le peuple devait alors les respecter.
UNE SOCIETE EN MUTATION
Et de poursuivre : "Comme dans toute société mutante, il y a eu des réactions contre l'ordre établi par les chefs polynésiens ; certains étaient nostalgiques des temps anciens, d'autres étaient convertis du bout des lèvres, beaucoup regrettaient la liberté d'avant. Mais c'étaient des chrétiens pour la plupart. A partir de 1815, quand Pomare remporte la bataille de Fei-Pi l'opposant, lui en tant que représentant du nouvel ordre social et culturel, à un arii païen, massivement on va mettre sa victoire sur le compte du Dieu Jéhovah qui a gagné sur Oro, Taaroa et autres dieux polynésiens. Par la suite, il n'y a pas eu de mouvement de rébellion au sens propre du terme."
John Mairai affirme encore : "Les premiers à réagir ont été les Tutae ‘auri, qui vont essayer de ne pas se faire trop remarquer, car ils savent qu'ils vont être punis. Ils vont simplement vivre en retrait de ce nouveau système, et ils vont donc s'éloigner de l'ordre en s'exilant dans les vallées pour être tranquilles. C'est ainsi qu'en 1826, il existait quelques poches de résistance, mais cela n'avait aucune incidence particulière. Le naturaliste britannique Samuel Stuchbury (cf. Danielson Memorial, vol.1 p.488) l'a bien décrit. Il y a peut-être une certaine confusion entre les Mamaia, mouvement religieux syncrétique qui démarre en 1826 pour s’éteindre dans un bain de sang en 1833, et celui plus discret des Tutae-auri, qui est signalé par les missionnaires dès la conversion de Tahiti au lendemain de la guerre de Fei Pi en 1815 et qui sans doute disparu dans les affres du mouvement mamaia."
Cette illustration d'un "Mamaia" est parue dans Bulletin de la Société d'études océaniennes. Les "prophètes" étaient souvent habillés d'un paréo noir et d'une chemise blanche.
UNE THEOLOGIE BASEE SUR LE NON-PECHE
Selon "L'histoire de la Mamaia ou hérésie visionnaire de Tahiti (1826-1841)" écrite en 1960 par Niel Gunson, maître de conférence d'Histoire à l'Université de Queensalnd (cf. Bulletin de la Société d'études océaniennes n°143-144), "les Mamaia étaient avant tout de véritables convertis au christianisme". Pour John Mairai, "il n'y a pas eu de retour en arrière. Les Mamaia n’étaient pas polythéistes dans le sens usuel du terme, à savoir des païens adeptes de nombreux dieux. C’était plus un mouvement syncrétique où Jéhovah, Jésus, Marie et les autres saints côtoyaient certaines déités tahitiennes. Deux diacres protestants tahitiens en sont à l'origine : Teao et Hue. Le succès des Mamaia a été rapide et a touché l’ensemble de l’archipel de la Société en deux ou trois ans. Même la Reine Pomare IV, qui n'avait que 14 ans en 1827, était une adepte plutôt des Mamaia que des Tutae-‘auri, et c'est sous la menace de sa destitution par les chefs tahitiens que la Souveraine de Tahiti a cessé de soutenir le mouvement quelques années plus tard. Le mouvement mamaia n'aura duré officiellement que six ans."
Ce que l'on sait encore moins, c'est que "L’essentiel de la théologie mamaia est basée sur la notion de non-péché, ce qui signifie que la transgression n’existe plus. Concrètement on peut commettre, sans devoir être jugé par Dieu, certains actes perçus auparavant comme "sacrilèges", comme la polygamie, l’adultère, les scènes d’amour qui suivent les ‘upa’upa (ancêtre des ‘’bringues’’ polynésiennes), etc. En fait, selon John Mairai, ce que souhaitaient ceux qui se faisaient appeler "perofeta" ("prophètes"), c'était "pouvoir jouir librement, d'où le rejet des missionnaires. Cela n'a rien à voir avec le fait de résister pour garder la tradition… Plus largement, le mouvement mamaia va même s’opposer à certains aspects du mode de vie prôné par la civilisation occidentale."
Et de conclure : "Quand Patrick Amaru déclare qu’il y a un Mamaia en chacun de nous, cela se rapporte d’abord à notre faculté d’adaptation de la pensée occidentale à la tradition de nos ancêtres… Ou vice-versa".
Selon "L'histoire de la Mamaia ou hérésie visionnaire de Tahiti (1826-1841)" écrite en 1960 par Niel Gunson, maître de conférence d'Histoire à l'Université de Queensalnd (cf. Bulletin de la Société d'études océaniennes n°143-144), "les Mamaia étaient avant tout de véritables convertis au christianisme". Pour John Mairai, "il n'y a pas eu de retour en arrière. Les Mamaia n’étaient pas polythéistes dans le sens usuel du terme, à savoir des païens adeptes de nombreux dieux. C’était plus un mouvement syncrétique où Jéhovah, Jésus, Marie et les autres saints côtoyaient certaines déités tahitiennes. Deux diacres protestants tahitiens en sont à l'origine : Teao et Hue. Le succès des Mamaia a été rapide et a touché l’ensemble de l’archipel de la Société en deux ou trois ans. Même la Reine Pomare IV, qui n'avait que 14 ans en 1827, était une adepte plutôt des Mamaia que des Tutae-‘auri, et c'est sous la menace de sa destitution par les chefs tahitiens que la Souveraine de Tahiti a cessé de soutenir le mouvement quelques années plus tard. Le mouvement mamaia n'aura duré officiellement que six ans."
Ce que l'on sait encore moins, c'est que "L’essentiel de la théologie mamaia est basée sur la notion de non-péché, ce qui signifie que la transgression n’existe plus. Concrètement on peut commettre, sans devoir être jugé par Dieu, certains actes perçus auparavant comme "sacrilèges", comme la polygamie, l’adultère, les scènes d’amour qui suivent les ‘upa’upa (ancêtre des ‘’bringues’’ polynésiennes), etc. En fait, selon John Mairai, ce que souhaitaient ceux qui se faisaient appeler "perofeta" ("prophètes"), c'était "pouvoir jouir librement, d'où le rejet des missionnaires. Cela n'a rien à voir avec le fait de résister pour garder la tradition… Plus largement, le mouvement mamaia va même s’opposer à certains aspects du mode de vie prôné par la civilisation occidentale."
Et de conclure : "Quand Patrick Amaru déclare qu’il y a un Mamaia en chacun de nous, cela se rapporte d’abord à notre faculté d’adaptation de la pensée occidentale à la tradition de nos ancêtres… Ou vice-versa".