New York, Etats-Unis | AFP | lundi 23/12/2018 - Tout a commencé en 2016 avec une statue de bronze commémorant cette journée tragique de novembre 1963, où une pieuvre géante coula un ferry dans la baie de New York, entraînant la mort de près de 400 personnes.
Une pieuvre géante? Joe Reginella, le sculpteur de la statue, sourit: vous avez bien lu.
L'année suivante est apparue, à Battery Park, à la pointe de Manhattan, une oeuvre en hommage aux victimes des éléphants du cirque P.T. Barnum qui, pris de panique en traversant le Brooklyn Bridge un jour d'octobre 1929, piétinèrent des financiers de Wall Street.
Difficile à croire? Cet automne, les promeneurs ont découvert, au même endroit, un monument rendant hommage à six marins mystérieusement disparus en 1977, attaqués par des extraterrestres.
Trois mémoriaux pour trois tragédies fictives, sorties de l'imagination de Joseph Reginella, sculpteur et farceur new-yorkais, passé maître dans l'art de créer des canulars en bronze, commémorant de faux évènements et de fausses victimes.
Car le hobby de cet homme barbu de 47 ans, qui gagne sa vie surtout en concevant des décors pour la publicité et la télévision, ne se résume pas à façonner des statues dans le sous-sol de sa maison du quartier de Staten Island.
Le canular qu'il a lancé en 2016 autour de l'accident du ferry "a eu tellement de succès" qu'il imagine depuis, chaque année, un nouvel évènement sur le même "modèle", a-t-il expliqué à l'AFP.
Un modèle à l'humour sophistiqué. Il commence par choisir la date de ces tragédies imaginaires: le ferry aurait coulé le 22 novembre 1963, jour de l'assassinat de Kennedy; les éléphants du cirque Barnum seraient devenus fous le 29 octobre 1929, jour du "krach" de Wall Street; et les marins auraient disparu le 13 juillet 1977, jour où New York connut une immense panne d'électricité. Des évènements tellement énormes qu'ils auraient occulté les tragédies inventées par Reginella.
Chaque statue porte une plaque commémorative lui conférant un parfum d'authenticité: celle des éléphants souligne que l'évènement fut "l'une des plus horribles tragédies impliquant des mammifères terrestres de l'histoire de notre pays".
Et à l'heure où tout se vérifie sur Google, Reginella pousse la blague jusqu'à mettre en ligne une série de documents multimédia, allant de faux articles de presse à des brochures déposées en libre-service dans des sites touristiques et qui vont jusqu'à proposer une croisière sur le lieu de disparition des six marins ou la visite d'un musée fictif consacré à la tragédie du ferry...
Le curieux qui tape "Octopus" (pieuvre) et "Staten Island Ferry" sur YouTube tombe même sur un mini-documentaire soigné, "The Staten Island Ferry Disaster", avec images d'archives et interviews de "témoins" de la catastrophe, réalisé par son amie Melanie Juliano.
Chaque évènement a son site internet, reprenant les détails du "drame", et proposant des souvenirs en ligne, avec de (véritables) T-shirts à 25 dollars et des reproductions du mémorial à 100 dollars.
Plusieurs milliers de fans, partageant son humour, sont déjà passés à la caisse depuis 2016, permettant au sculpteur de financer ses canulars, qu'il met six à neuf mois à concevoir, avec l'aide de quelques amis et de sa femme.
C'est seulement quand tout est prêt qu'il part exposer à la pointe de Manhattan - le weekend ou à ses heures perdues - ses oeuvres: elles pèsent habituellement aux environs de 130 kilos, mais sont conçues pour être facilement démontées et transportées.
Avec une telle sophistication, le sculpteur pourrait passer pour un pionnier de la désinformation et des "fake news", qui ont pris une ampleur inédite avec l'avènement des réseaux sociaux.
Il s'en défend absolument et rejette l'expression de "fake news", "étroitement liée à Donald Trump", selon lui. "Ce sont deux choses très différentes", dit-il. "Moi c'est pour s'amuser, ce n'est pas méchant".
Malgré une notoriété grandissante, il reste modeste et se voit comme un amateur de canulars inoffensifs, un "camelot de foire", selon ses propres termes, qui aime racoler les promeneurs. Des promeneurs - joggeurs, touristes, policiers new-yorkais - qui rient volontiers de ses inventions et s'attroupent autour de ses oeuvres pour faire des +selfies+.
Certes, malgré l'énormité de ses blagues en bronze, il y a des gens qui croient à la réalité des évènements représentés. Mais cela dure rarement plus d'un instant, et, quand les gens tombent complètement dans le panneau, Reginella est le premier à le déplorer.
"Il y a des gens qui regardent et qui disent juste: +Et dire que je n'en savais rien!+ Quand j'entends ça, je me dis: +Vous voulez rire?+", dit-il.
"Je ne dirais pas que ça me fâche, mais c'est décevant".
Car pour lui, le but est aussi de montrer "qu'il ne faut pas prendre les choses pour argent comptant: il faut faire un travail de vérification".
Quel sera son prochain canular?
Reginella ne veut rien dire, évoquant aussi bien la possibilité de "faire une pause" en 2019 que celle de réaliser "quelque chose de plus fou".
"C'est comme un magicien qui refuse de révéler ses secrets", dit-il en riant.
Une pieuvre géante? Joe Reginella, le sculpteur de la statue, sourit: vous avez bien lu.
L'année suivante est apparue, à Battery Park, à la pointe de Manhattan, une oeuvre en hommage aux victimes des éléphants du cirque P.T. Barnum qui, pris de panique en traversant le Brooklyn Bridge un jour d'octobre 1929, piétinèrent des financiers de Wall Street.
Difficile à croire? Cet automne, les promeneurs ont découvert, au même endroit, un monument rendant hommage à six marins mystérieusement disparus en 1977, attaqués par des extraterrestres.
Trois mémoriaux pour trois tragédies fictives, sorties de l'imagination de Joseph Reginella, sculpteur et farceur new-yorkais, passé maître dans l'art de créer des canulars en bronze, commémorant de faux évènements et de fausses victimes.
Car le hobby de cet homme barbu de 47 ans, qui gagne sa vie surtout en concevant des décors pour la publicité et la télévision, ne se résume pas à façonner des statues dans le sous-sol de sa maison du quartier de Staten Island.
Le canular qu'il a lancé en 2016 autour de l'accident du ferry "a eu tellement de succès" qu'il imagine depuis, chaque année, un nouvel évènement sur le même "modèle", a-t-il expliqué à l'AFP.
- Crédibilité -
Un modèle à l'humour sophistiqué. Il commence par choisir la date de ces tragédies imaginaires: le ferry aurait coulé le 22 novembre 1963, jour de l'assassinat de Kennedy; les éléphants du cirque Barnum seraient devenus fous le 29 octobre 1929, jour du "krach" de Wall Street; et les marins auraient disparu le 13 juillet 1977, jour où New York connut une immense panne d'électricité. Des évènements tellement énormes qu'ils auraient occulté les tragédies inventées par Reginella.
Chaque statue porte une plaque commémorative lui conférant un parfum d'authenticité: celle des éléphants souligne que l'évènement fut "l'une des plus horribles tragédies impliquant des mammifères terrestres de l'histoire de notre pays".
Et à l'heure où tout se vérifie sur Google, Reginella pousse la blague jusqu'à mettre en ligne une série de documents multimédia, allant de faux articles de presse à des brochures déposées en libre-service dans des sites touristiques et qui vont jusqu'à proposer une croisière sur le lieu de disparition des six marins ou la visite d'un musée fictif consacré à la tragédie du ferry...
Le curieux qui tape "Octopus" (pieuvre) et "Staten Island Ferry" sur YouTube tombe même sur un mini-documentaire soigné, "The Staten Island Ferry Disaster", avec images d'archives et interviews de "témoins" de la catastrophe, réalisé par son amie Melanie Juliano.
Chaque évènement a son site internet, reprenant les détails du "drame", et proposant des souvenirs en ligne, avec de (véritables) T-shirts à 25 dollars et des reproductions du mémorial à 100 dollars.
Plusieurs milliers de fans, partageant son humour, sont déjà passés à la caisse depuis 2016, permettant au sculpteur de financer ses canulars, qu'il met six à neuf mois à concevoir, avec l'aide de quelques amis et de sa femme.
C'est seulement quand tout est prêt qu'il part exposer à la pointe de Manhattan - le weekend ou à ses heures perdues - ses oeuvres: elles pèsent habituellement aux environs de 130 kilos, mais sont conçues pour être facilement démontées et transportées.
- "Fake news" -
Avec une telle sophistication, le sculpteur pourrait passer pour un pionnier de la désinformation et des "fake news", qui ont pris une ampleur inédite avec l'avènement des réseaux sociaux.
Il s'en défend absolument et rejette l'expression de "fake news", "étroitement liée à Donald Trump", selon lui. "Ce sont deux choses très différentes", dit-il. "Moi c'est pour s'amuser, ce n'est pas méchant".
Malgré une notoriété grandissante, il reste modeste et se voit comme un amateur de canulars inoffensifs, un "camelot de foire", selon ses propres termes, qui aime racoler les promeneurs. Des promeneurs - joggeurs, touristes, policiers new-yorkais - qui rient volontiers de ses inventions et s'attroupent autour de ses oeuvres pour faire des +selfies+.
Certes, malgré l'énormité de ses blagues en bronze, il y a des gens qui croient à la réalité des évènements représentés. Mais cela dure rarement plus d'un instant, et, quand les gens tombent complètement dans le panneau, Reginella est le premier à le déplorer.
"Il y a des gens qui regardent et qui disent juste: +Et dire que je n'en savais rien!+ Quand j'entends ça, je me dis: +Vous voulez rire?+", dit-il.
"Je ne dirais pas que ça me fâche, mais c'est décevant".
Car pour lui, le but est aussi de montrer "qu'il ne faut pas prendre les choses pour argent comptant: il faut faire un travail de vérification".
Quel sera son prochain canular?
Reginella ne veut rien dire, évoquant aussi bien la possibilité de "faire une pause" en 2019 que celle de réaliser "quelque chose de plus fou".
"C'est comme un magicien qui refuse de révéler ses secrets", dit-il en riant.