Jeux Olympiques : la fibre optique autour du Pari


Atterrage d'un câble sous-marin. Le câble est maintenu à la surface à l'aide de bouées dans un premier temps. Lorsqu'il sera branché à la station d'atterrage, les bouées seront retirées pour laisser le câble reposer sur le fond marin. Crédit: Onati
Tahiti, le 23 mai 2022 – Onati va installer le plus long câble sub-lagonaire jamais déployé en Polynésie pour relier en fibre optique Teahupoo à Tautira en contournant la Presqu'île. Pour la filiale d'OPT, il ne s'agit pas tant de désenclavement numérique que de sécuriser le flux de données sur le futur site olympique.
 
La commission de contrôle budgétaire et financier du 20 mai 2022 a approuvé l’attribution d’une subvention d’investissement en faveur de Onati pour la réalisation d'une étude préliminaire en vue du déploiement d’un câble optique "sub-lagonaire" entre Teahupoo et Tautira. Ce déploiement fait partie des aménagements prévus à la Presqu'île en vue des épreuves de surf des Jeux Olympiques de 2024 qui auront comme théâtre la fameuse "mâchoire" de Hava'e.
 
Cette étude d'impact du projet a été rendue publique en avril dernier. Le dossier mettait alors en avant l'occasion de "déployer un réseau de télécommunications dans la partie la plus isolée de l’île de Tahiti ». Thomas Lefebvre-Segard, directeur général d'Onati, confie cependant que "sans les JO, on n'aurait pas fait ce déploiement tout de suite". Il ne s'agit donc pas tout à fait de plâtrer une quelconque fracture numérique, mais avant tout d'ancrer Teahupoo dans les standards qu'implique son statut de site olympique.
 
Sécuriser la connexion
 
À l'heure actuelle, les câbles de fibres optiques, un peu comme les routes, relient Taravao à Tautira d'un côté, et à Teahupoo de l'autre. Ce qui ne signifie pas que tous les usagers de Taiarapu ont déjà accès à la fibre optique chez eux, explique Véronique Ampournales, conseillère technique chez Onati, en dévidant la métaphore routière : "l'autoroute existe, mais toutes les sorties ne sont pas encore ouvertes". Pour les JO en tout cas, une autoroute d'information à haute vitesse est requise par le Comité, avec une sortie en bonne et due forme au village olympique.
 
Journalistes, organisateurs, sportifs, tous auront besoin d'un flux de données rapide et surtout constant. Avec la desserte actuelle, un problème sur le tronçon de la côte ouest de la presqu'île pendant les épreuves olympiques priverait le monde des images de la passe de Hava'e. L'objectif premier de ce raccordement qui contourne le Fenua aihere est donc de "boucler la boucle" du réseau pour sécuriser la connexion et s'assurer qu'un tel incident n'impactera pas l'organisation ni le déroulement de l'évènement. Au lieu d'être enterrée, la fibre optique sera immergée, posée sur le fond du lagon ou de l'océan.
 
Une opération bien rodée
 
Les segments qui composent le câble, d'une longueur pouvant varier entre une centaine de mètres et une dizaine de kilomètres, seront précablés à terre. Ils seront reliés entre eux au moyen de boites de raccordement, pour former deux tronçons qui seront ensuite embarqués sur deux barges. L'une partira de Tautira, l'autre partira de Teahupo'o. "Le reste de l'opération, c'est essentiellement du déroulage de la pelote", décrit prosaïquement Véronique Ampournales, le câble s'immergeant sous son poids propre et celui des boites de raccordement. Le point exact de jonction entre les deux tronçons n'est pas encore déterminé.

Cette pose du câble ne comporte pas de défi technique inhabituel, selon la conseillère d'Onati. "Il existe en Polynésie des câbles subaquatiques depuis plus de 20 ans, surtout en cuivreMais, pour la fibre la technique n'est pas fondamentalement différente." Il existe déjà des câbles sub-lagonaires entre Tahaa et Raiatea, ou pour alimenter en fibre les hôtels de Bora-Bora. "On a aussi l'habitude de poser des câbles sous l'océan sur une distance bien plus grande", ajoute Véronique Ampournales. Le moment le plus délicat reste finalement l'atterrage, où le câble est sorti de la mer pour être connecté à terre. Cinq points d'atterrages sont prévus, deux à Teahupoo et trois à Tautira. Deux centres d'atterrages seront construits aux deux extrémités de la boucle. Le tracé envisagé demandera une longueur totale de câble de 37 km environ, ce qui en fera la plus longue connexion sub-lagonnaire en Polynésie. Il reposera entre 40 et 45m de profondeur, au plus profond du lagon quand c'est possible ou légèrement au large quand le lagon s'interrompt.
 
Un câble sous-marin est composé de plusieurs couches, la fibre optique elle-même n'en occupant qu'une partie infime. Il y a d'abord une gaine protectrice, une succession d'armatures en métal, une gaine isolante et enfin les paires de fibre optique en elles-mêmes qui véhiculent les données sous forme lumineuse. Le câble qui sera posé au large du Pari devrait comporter 72 paires de fibres. Aucune gaine posée il y a 20 ans ne montre de signe d'altération, assure Véronique Ampournales pour qui les gaines modernes sont plus solides encore et ne se dégraderont pas dans l'océan.
 
 

Thomas Lefebvre-Segard, directeur général d'Onati, avec une bouée d'atterrage.
"Étudié pour avoir un impact minimal"
 
Car Onati insiste, le câble ne sera pas un problème environnemental, dans cette zone où les ressources marines naturelles sont protégées par un rāhui. "Le tracé est étudié pour avoir un impact minimal sur les fonds marins", affirme Thomas Lefebvre-Segard. Les études des fonds et des courants sont réalisées pour s'assurer que le câble ne bougera plus une fois posé. "L'impact sera minimal à la pose et nul à l'utilisation" assure la conseillère technique. Les études déjà réalisées ont été rendues publiques dans les deux mairies concernées et n'ont effectivement pas rencontré d'hostilité majeure quant à ses effets sur l'environnement lagunaire et corallien. Cependant, des voix se sont élevées lorsque, dans son projet originel, l'opérateur proposait de profiter de ce déploiement pour équiper le Fenua aihere d'antennes 4G. Ces objections ont provoqué un rétropédalage de la compagnie de communication. "Certaines associations ont protesté, on a renoncé à cette idée pour l'instant", explique son directeur. "C'est dommage, ça aurait pu sécuriser cette partie de l'île, pour les pompiers, les randonneurs, les pêcheurs…"
 
La date précise des opérations de posage, qui devraient durer une quinzaine de jours, n'est pas encore connue. La filiale de l'OPT vise cependant une période entre décembre et mars 2023, où la houle de sud-ouest sera théoriquement moins forte et ne devrait pas rendre inconfortable le travail de pose. Quoi qu'il en soit, l'objectif est une mise en service à la fin du premier semestre 2023. Le Comité olympique souhaite que les tests de robustesse et de débit soient réalisés au moins un an avant le début de l'événement. Rien ne doit être laissé au hasard dans la mise à jour olympique de Teahupoo.

Rédigé par Antoine Launey le Lundi 23 Mai 2022 à 18:43 | Lu 2433 fois