PAPEETE, le 22 janvier 2016. L’affaire Jeanne Baret, alias Jean Baré, aurait pu défrayer la chronique à l’époque où elle se déroula. Embarquée déguisée en garçon pour servir le botaniste Philibert Commerson, en réalité son compagnon depuis deux ans, elle risquait gros à une époque où les femmes étaient interdites sur les bateaux du roi.
Par la volonté du chef de l’expédition, Louis-Antoine de Bougainville, une relative discrétion entoura ce qui aurait pu être un beau scandale. Discrétion qui ne signifie pas absence de sanction, puisque le célèbre botaniste ne revit jamais la France, aimablement débarqué à l’île Maurice, avec son bien singulier valet…
Jeanne Baret a vu le jour le 27 juillet 1740, au cœur de la Bourgogne, près de la ville d’Autun. De sa jeunesse dans sa bourgade, Comelle, on sait qu’elle vécut humblement à la ferme, où elle aidait son père qui décéda en 1762. Jeanne avait 22 ans et pas d’argent ; elle présentait bien, était douce et volontaire. Un docteur veuf de 35 ans en fit la gouvernante de son fils, Archambaud. Le docteur en question n’était pas encore célèbre ; il s’appelait Philibert Commerson et se piquait de botanique, sa passion. Entre les deux jeunes adultes, le courant passa ; Commercon initia Jeanne à la botanique ; elle se montra intéressée, passionnée même, et prépara d’ailleurs les herbiers de celui qui devint vite plus que son employeur…
Les femmes interdites à bord
Il faut croire que le couple était efficace, puisque Louis XVI entendit parler de ce botaniste de qualité et le nomma à sa cour. En 1764, les amants s’installent à Paris, Commerson étant pressenti pour participer à une grande expédition d’exploration de la mer australe au service de Monsieur de Bougainville, dont il sera le médecin et botaniste. A cette époque, on était sûr de partir, mais on rentrait rarement. Commerson rédigea son testament et y indiqua qu’il était chargé “des observations sur les trois règnes de la nature dans tous les pays où les officiers me conduiront ; ainsi Dieu me soit en aide…”.
Depuis le 15 avril 1689, un décret du roi interdisait les femmes à bord des navires de la marine royale. Tout le monde le savait, y compris Commerson. Un manquement et ce serait une cour martiale et des années de prison. Malgré cet interdit absolu, le botaniste amoureux ne voulut pas renoncer à sa belle ; il décida de la grimer en garçon et de l’embarquer comme son valet. “Jean Baré”, portant les bagages du docteur Commerson, monta donc à bord de “L’Etoile”, l’un des deux navires de Bougainville, le 1er février 1767 à Rochefort…
“Larges fesses, poitrine élevée”
A bord, tout commence mal. Commerson a le mal de mer, et il est malade deux semaines, alité. Jeanne et lui disposent d’une cabine minuscule, surchargée de boites, de cages, de bagages prévu pour accueillir les collections du botaniste. Le “valet” joue à l’homme, multiplie les efforts physiques, parle aussi mal que les autres marins et soigne son maître, mais malgré cette comédie, le doute s’installe très vite dans l’équipage.
Le chirurgien du bord, Vivès, jaloux du statut “royal” de Commerson, n’est ni sourd (aux rumeurs) ni aveugle : il note que les attentions prodiguées au botaniste ne portent pas la signature d’un garçon. Jean est en effet aux petits soins pour son amant. “Tout annonçait en lui une femme : une petite taille, courte et grosse, de larges fesses, une poitrine élevée, une petite tête ronde, un visage garni de rousseur, une voix tendre et claire, une adroite dextérité et délicatesse…faisaient le portait d’une fille assez laide et assez mal faite.”
Un eunuque !
Le commandant du navire est obligé, face à cette polémique, de séparer Baret de Commerson. Jeanne rejoint l’équipage dans le gaillard d‘avant. Evidemment, les matelots font tout ce qu’ils peuvent pour vérifier de quel sexe est leur compagnon ; aculé, Jean finit par avouer “qu’il n’est nullement du sexe féminin, mais si fait de celui dans lequel le Grand Seigneur choisit les gardiens de son sérail.” En plus clair, il affirme être un eunuque !
La traversée jusqu’à Montevideo dure trois mois sans autres faits majeurs, si ce n’est le passage de l’équateur. L’usage veut que l’on prête serment, devant le « bonhomme » fabriqué à cette occasion, de “ne jamais baiser la femme d’aucun marin ni matelot absent.” Jeanne Baret et Philibert Commerson se soumettent alors de bonne grâce à ce rituel.
Après l’escale de Montevideo, “l’Etoile” et “la Boudeuse” poursuivent leur route vers le sud, s’arrêtent aux Malouines (que Bougainville doit restituer aux Espagnols) puis font voile jusqu’à Rio de Janeiro. Le plein de vivres effectué, les deux bateaux mettent le cap sur la Patagonie, où Commerson peut enfin herboriser avec son domestique.
Les soupçons sur Jeanne se sont un peu calmés, comme en atteste ce passage du journal de Bougainville : “comment reconnaître une femme dans cet infatigable Baret, botaniste déjà fort exercé que nous avons vu suivre son maître dans toutes ses herborisations et porter même, dans ses marches pénibles, les provisions de bouche, les armes et les cahiers de plantes avec un courage et une force qui lui ont valu le surnom de bête de somme ? »
Reconnue à Tahiti
Le froid de la Patagonie préserve, semble-t-il, Jeanne de l’intérêt trop pressant des matelots. Tout le monde est emmitouflé, et malgré la promiscuité, la présence de “l’eunuque” est entrée dans les moeurs et habitudes de l’équipage.
“La Boudeuse” et “l’Etoile” arrivent à Tahiti le 3 avril 1768, mais là, les choses vont de gâter. Vite ; très vite même. Le 4 avril, un Tahitien monte à bord, des pirogues entourent par dizaines les navires français, les premiers contacts sont chaleureux. Ravi de découvrir ces paysages somptueux, Commerson piaffe d’impatience. Il est pressé d’aller herboriser. Le 7 avril, il descend à terre, mais à peine a-t-il posé les pieds sur la plage qu’il se voit entouré d’une foule d’indigènes surexcités : pas par lui, mais par son valet, en qui les Tahitiens, plus futés que les marins français, ont immédiatement reconnu une femme, la première femme européenne qu’ils voient. Une minute plus tard, dans la cohue du débarquement, un Tahitien s’empare de Jeanne Baret et décide de filer avec elle pour “explorer” sa trouvaille ; ce n’est que grâce à l’intervention d’un officier armé que le hardi Roméo des îles est arrêté et que Jeanne est libérée. Tétanisée, elle doit regagner le bord où elle restera cantonnée le reste de l’escale, Commerson devant donc poursuivre sa tache seul et pour le moins dépité.
A l’œil, à l’odeur –plus qu’au parfum, après des mois de traversée, les Tahitiens n’avaient donc eu besoin que de quelques secondes pour démystifier le faux valet, la première “vahine popa’a” à avoir mis le pied à Tahiti. Evidemment, ils durent être singulièrement déçu par la qualité de la “femme blanche”, qui ressemblait tant à un garçon et qui devait sentir aussi mauvais.
On imagine qu’à la vue de la pauvre fille, ils comprirent tout l’intérêt que les marins pouvaient porter aux vraies “vahine Tahiti”, minces (à l’époque !), belles, propres et parfumées…
Textes : Daniel Pardon
Par la volonté du chef de l’expédition, Louis-Antoine de Bougainville, une relative discrétion entoura ce qui aurait pu être un beau scandale. Discrétion qui ne signifie pas absence de sanction, puisque le célèbre botaniste ne revit jamais la France, aimablement débarqué à l’île Maurice, avec son bien singulier valet…
Jeanne Baret a vu le jour le 27 juillet 1740, au cœur de la Bourgogne, près de la ville d’Autun. De sa jeunesse dans sa bourgade, Comelle, on sait qu’elle vécut humblement à la ferme, où elle aidait son père qui décéda en 1762. Jeanne avait 22 ans et pas d’argent ; elle présentait bien, était douce et volontaire. Un docteur veuf de 35 ans en fit la gouvernante de son fils, Archambaud. Le docteur en question n’était pas encore célèbre ; il s’appelait Philibert Commerson et se piquait de botanique, sa passion. Entre les deux jeunes adultes, le courant passa ; Commercon initia Jeanne à la botanique ; elle se montra intéressée, passionnée même, et prépara d’ailleurs les herbiers de celui qui devint vite plus que son employeur…
Les femmes interdites à bord
Il faut croire que le couple était efficace, puisque Louis XVI entendit parler de ce botaniste de qualité et le nomma à sa cour. En 1764, les amants s’installent à Paris, Commerson étant pressenti pour participer à une grande expédition d’exploration de la mer australe au service de Monsieur de Bougainville, dont il sera le médecin et botaniste. A cette époque, on était sûr de partir, mais on rentrait rarement. Commerson rédigea son testament et y indiqua qu’il était chargé “des observations sur les trois règnes de la nature dans tous les pays où les officiers me conduiront ; ainsi Dieu me soit en aide…”.
Depuis le 15 avril 1689, un décret du roi interdisait les femmes à bord des navires de la marine royale. Tout le monde le savait, y compris Commerson. Un manquement et ce serait une cour martiale et des années de prison. Malgré cet interdit absolu, le botaniste amoureux ne voulut pas renoncer à sa belle ; il décida de la grimer en garçon et de l’embarquer comme son valet. “Jean Baré”, portant les bagages du docteur Commerson, monta donc à bord de “L’Etoile”, l’un des deux navires de Bougainville, le 1er février 1767 à Rochefort…
“Larges fesses, poitrine élevée”
A bord, tout commence mal. Commerson a le mal de mer, et il est malade deux semaines, alité. Jeanne et lui disposent d’une cabine minuscule, surchargée de boites, de cages, de bagages prévu pour accueillir les collections du botaniste. Le “valet” joue à l’homme, multiplie les efforts physiques, parle aussi mal que les autres marins et soigne son maître, mais malgré cette comédie, le doute s’installe très vite dans l’équipage.
Le chirurgien du bord, Vivès, jaloux du statut “royal” de Commerson, n’est ni sourd (aux rumeurs) ni aveugle : il note que les attentions prodiguées au botaniste ne portent pas la signature d’un garçon. Jean est en effet aux petits soins pour son amant. “Tout annonçait en lui une femme : une petite taille, courte et grosse, de larges fesses, une poitrine élevée, une petite tête ronde, un visage garni de rousseur, une voix tendre et claire, une adroite dextérité et délicatesse…faisaient le portait d’une fille assez laide et assez mal faite.”
Un eunuque !
Le commandant du navire est obligé, face à cette polémique, de séparer Baret de Commerson. Jeanne rejoint l’équipage dans le gaillard d‘avant. Evidemment, les matelots font tout ce qu’ils peuvent pour vérifier de quel sexe est leur compagnon ; aculé, Jean finit par avouer “qu’il n’est nullement du sexe féminin, mais si fait de celui dans lequel le Grand Seigneur choisit les gardiens de son sérail.” En plus clair, il affirme être un eunuque !
La traversée jusqu’à Montevideo dure trois mois sans autres faits majeurs, si ce n’est le passage de l’équateur. L’usage veut que l’on prête serment, devant le « bonhomme » fabriqué à cette occasion, de “ne jamais baiser la femme d’aucun marin ni matelot absent.” Jeanne Baret et Philibert Commerson se soumettent alors de bonne grâce à ce rituel.
Après l’escale de Montevideo, “l’Etoile” et “la Boudeuse” poursuivent leur route vers le sud, s’arrêtent aux Malouines (que Bougainville doit restituer aux Espagnols) puis font voile jusqu’à Rio de Janeiro. Le plein de vivres effectué, les deux bateaux mettent le cap sur la Patagonie, où Commerson peut enfin herboriser avec son domestique.
Les soupçons sur Jeanne se sont un peu calmés, comme en atteste ce passage du journal de Bougainville : “comment reconnaître une femme dans cet infatigable Baret, botaniste déjà fort exercé que nous avons vu suivre son maître dans toutes ses herborisations et porter même, dans ses marches pénibles, les provisions de bouche, les armes et les cahiers de plantes avec un courage et une force qui lui ont valu le surnom de bête de somme ? »
Reconnue à Tahiti
Le froid de la Patagonie préserve, semble-t-il, Jeanne de l’intérêt trop pressant des matelots. Tout le monde est emmitouflé, et malgré la promiscuité, la présence de “l’eunuque” est entrée dans les moeurs et habitudes de l’équipage.
“La Boudeuse” et “l’Etoile” arrivent à Tahiti le 3 avril 1768, mais là, les choses vont de gâter. Vite ; très vite même. Le 4 avril, un Tahitien monte à bord, des pirogues entourent par dizaines les navires français, les premiers contacts sont chaleureux. Ravi de découvrir ces paysages somptueux, Commerson piaffe d’impatience. Il est pressé d’aller herboriser. Le 7 avril, il descend à terre, mais à peine a-t-il posé les pieds sur la plage qu’il se voit entouré d’une foule d’indigènes surexcités : pas par lui, mais par son valet, en qui les Tahitiens, plus futés que les marins français, ont immédiatement reconnu une femme, la première femme européenne qu’ils voient. Une minute plus tard, dans la cohue du débarquement, un Tahitien s’empare de Jeanne Baret et décide de filer avec elle pour “explorer” sa trouvaille ; ce n’est que grâce à l’intervention d’un officier armé que le hardi Roméo des îles est arrêté et que Jeanne est libérée. Tétanisée, elle doit regagner le bord où elle restera cantonnée le reste de l’escale, Commerson devant donc poursuivre sa tache seul et pour le moins dépité.
A l’œil, à l’odeur –plus qu’au parfum, après des mois de traversée, les Tahitiens n’avaient donc eu besoin que de quelques secondes pour démystifier le faux valet, la première “vahine popa’a” à avoir mis le pied à Tahiti. Evidemment, ils durent être singulièrement déçu par la qualité de la “femme blanche”, qui ressemblait tant à un garçon et qui devait sentir aussi mauvais.
On imagine qu’à la vue de la pauvre fille, ils comprirent tout l’intérêt que les marins pouvaient porter aux vraies “vahine Tahiti”, minces (à l’époque !), belles, propres et parfumées…
Textes : Daniel Pardon
A Tahiti, les Polynésiens ne mirent que quelques instants pour découvrir que l’assistant de Commerson était une femme !
La Boudeuse et l’Etoile à l’ancre à Tahiti. Jeanne Baret restera consignée à bord durant toute l’escale.
Terrible sanction ou indulgence ?
Un mois après l’escale tahitienne, Bougainville relate, dans son journal de bord, les détails de ce qu’il sait de l’affaire Jeanne Baret, puisque la nature du sexe du valet de Commerson ne fait plus aucun doute à bord des deux navires. Dans son rapport, Bougainville se montre conciliant, et précise même qu’il “admire sa résolution”, celle de faire le premier tour du monde, excuse avancée par Jeanne pour justifier son embarquement. Elle avait précisé avoir dupé Commerson lui-même, ce qui, on le sait, est faux, puisque le couple était formé depuis deux années déjà.
Pour la plupart des historiens, Bougainville passa l’éponge et n’en tint pas rigueur ni à Jeanne ni à son maître, botaniste du roi.
En réalité, on ne peut qu’être très dubitatifs quant à cette mansuétude supposée, car Bougainville débarqua le couple, sitôt arrivé à l’île Maurice (alors île de France). Après la traversée du Pacifique et celle, en partie, de l’océan Indien, Commerson et Baret sont en effet envoyés à terre le 8 novembre 1768 à Port Louis, avec armes et bagages (en l’occurrence les collections et herbiers du botaniste).
Officiellement, Commerson aurait demandé à rester. Il est plus vraisemblable que pour éviter un procès aux deux tourtereaux à Paris, donc des ennuis administratifs pour lui, Bougainville a choisi de se défaire de ses encombrants passagers. Selon Bougainville, Commerson souhaitait “examiner l’histoire naturelle de ces îles et celle de Madagascar”.
Le roi de France attendait des découvertes, un herbier exceptionnel, et donc son botaniste. Que celui-ci ait débarqué à Maurice volontairement est, en vérité, assez peu probable.
Le 13 mars 1773, pratiquement ruiné, ayant été, en cinq années, de déception en déception, Commerson passe de vie à trépas. Il n’est âgé que de 46 ans et laisse Jeanne Baret, redevenue une vraie femme sur cette île, seule et sans ressource. Elle n’a que 32 ans, et elle comprend que pour elle, la vie va devenir très difficile.
Elle ouvrira une taverne, servant de billard aux marins en goguette, faute de mieux. Ce n’est pas la gloire, ni la richesse, mais du moins conserve-t-elle précieusement les caisses de celui qui fut le grand amour de sa vie, Philibert Commerson.
Un mois après l’escale tahitienne, Bougainville relate, dans son journal de bord, les détails de ce qu’il sait de l’affaire Jeanne Baret, puisque la nature du sexe du valet de Commerson ne fait plus aucun doute à bord des deux navires. Dans son rapport, Bougainville se montre conciliant, et précise même qu’il “admire sa résolution”, celle de faire le premier tour du monde, excuse avancée par Jeanne pour justifier son embarquement. Elle avait précisé avoir dupé Commerson lui-même, ce qui, on le sait, est faux, puisque le couple était formé depuis deux années déjà.
Pour la plupart des historiens, Bougainville passa l’éponge et n’en tint pas rigueur ni à Jeanne ni à son maître, botaniste du roi.
En réalité, on ne peut qu’être très dubitatifs quant à cette mansuétude supposée, car Bougainville débarqua le couple, sitôt arrivé à l’île Maurice (alors île de France). Après la traversée du Pacifique et celle, en partie, de l’océan Indien, Commerson et Baret sont en effet envoyés à terre le 8 novembre 1768 à Port Louis, avec armes et bagages (en l’occurrence les collections et herbiers du botaniste).
Officiellement, Commerson aurait demandé à rester. Il est plus vraisemblable que pour éviter un procès aux deux tourtereaux à Paris, donc des ennuis administratifs pour lui, Bougainville a choisi de se défaire de ses encombrants passagers. Selon Bougainville, Commerson souhaitait “examiner l’histoire naturelle de ces îles et celle de Madagascar”.
Le roi de France attendait des découvertes, un herbier exceptionnel, et donc son botaniste. Que celui-ci ait débarqué à Maurice volontairement est, en vérité, assez peu probable.
Le 13 mars 1773, pratiquement ruiné, ayant été, en cinq années, de déception en déception, Commerson passe de vie à trépas. Il n’est âgé que de 46 ans et laisse Jeanne Baret, redevenue une vraie femme sur cette île, seule et sans ressource. Elle n’a que 32 ans, et elle comprend que pour elle, la vie va devenir très difficile.
Elle ouvrira une taverne, servant de billard aux marins en goguette, faute de mieux. Ce n’est pas la gloire, ni la richesse, mais du moins conserve-t-elle précieusement les caisses de celui qui fut le grand amour de sa vie, Philibert Commerson.
Le tour du monde bouclé
Dans sa gargote de Port Louis, Jeanne rencontre un soldat de la marine, Jean Dubernat, avec lequel elle se marie le 17 mai 1774. Aime-t-elle ce Périgourdin inculte, si on le compare à Commerson ? On peut en douter. Mais en revanche, son statut de militaire fait qu’il peut être rapatrié avec son épouse. Jeanne est de retour à Paris en 1776, presque dix ans après avoir quitté la France. Elle ne revient pas les mains vides : avec elle, 30 caisses scellées, enfermant 5 000 espèces de plantes récoltées par Commerson, dont 3 000 sont nouvelles pour la science. Elle expédie le tout au Jardin du Roi, les pièces rejoignant, plus tard, le Muséum d’Histoire naturelle avec les notes de Commerson. Buffon, Jussieu, Lamarck étudieront cette récolte exceptionnelle.
Avant son départ, Commerson avait rédigé son testament ; Jeanne touche sa part d’héritage et, le 13 novembre 1785, le roi reconnaît ses mérites et lui accorde une pension de 200 livres. La Bourguignonne, en revenant en France, est la première femme à avoir bouclé un tour du monde complet. A 45 ans, elle connaît son heure de gloire et partage son temps entre le hameau natal de son mari, Saint-Aulaye sur Dordogne, et la Bourgogne, dont elle est originaire.
Retombée dans l’anonymat, elle mourra une vingtaine d’années plus tard aux Graves, à l’âge de 67 ans, le 5 août 1807 précisément. Fidèle à Commerson, elle léguera ses biens à Archambault, le fils de ce dernier ; elle repose aujourd’hui dans le petit cimetière proche de l’église de Saint-Aulaye.
Dans sa gargote de Port Louis, Jeanne rencontre un soldat de la marine, Jean Dubernat, avec lequel elle se marie le 17 mai 1774. Aime-t-elle ce Périgourdin inculte, si on le compare à Commerson ? On peut en douter. Mais en revanche, son statut de militaire fait qu’il peut être rapatrié avec son épouse. Jeanne est de retour à Paris en 1776, presque dix ans après avoir quitté la France. Elle ne revient pas les mains vides : avec elle, 30 caisses scellées, enfermant 5 000 espèces de plantes récoltées par Commerson, dont 3 000 sont nouvelles pour la science. Elle expédie le tout au Jardin du Roi, les pièces rejoignant, plus tard, le Muséum d’Histoire naturelle avec les notes de Commerson. Buffon, Jussieu, Lamarck étudieront cette récolte exceptionnelle.
Avant son départ, Commerson avait rédigé son testament ; Jeanne touche sa part d’héritage et, le 13 novembre 1785, le roi reconnaît ses mérites et lui accorde une pension de 200 livres. La Bourguignonne, en revenant en France, est la première femme à avoir bouclé un tour du monde complet. A 45 ans, elle connaît son heure de gloire et partage son temps entre le hameau natal de son mari, Saint-Aulaye sur Dordogne, et la Bourgogne, dont elle est originaire.
Retombée dans l’anonymat, elle mourra une vingtaine d’années plus tard aux Graves, à l’âge de 67 ans, le 5 août 1807 précisément. Fidèle à Commerson, elle léguera ses biens à Archambault, le fils de ce dernier ; elle repose aujourd’hui dans le petit cimetière proche de l’église de Saint-Aulaye.
Commerson dédia l’une des plus belles fleurs tropicales à Bougainville, en baptisant “ Buginvillaea” sa découverte lors de l’escale à Rio de Janeiro. Pour se faire pardonner ?
Une fleur pour se faire pardonner ?
Lorsque l’expédition de Bougainville fit escale à Rio de Janeiro, Commerson herborisa et découvrit une plante magnifique, aux inflorescences spectaculaires, qu’il baptisa aussitôt “Buginvillaea”, devenue par la suite Bougainvillea (famille des Nyctaginaceae).
Le bougainvillier (ou la bougainvillée), aurait été ainsi nommé pour quelque peu adoucir l’humeur de Bougainville. En effet, au moment de cette escale, les doutes plus que sérieux de l’équipage sur le sexe de Jeanne Baret, alias Jean Baré, ne faisaient plus guère de doute et Commerson tenait, par-dessus tout, à ne pas se mettre à dos le patron de ce tour du monde. Lui rendre ainsi hommage n’était peut-être pas un geste aussi désintéressé qu’il n’y parait. De fait, Bougainville garda Commerson et Baret à bord jusqu’à l’île Maurice où il les débarqua, leur évitant ainsi un procès et une disgrâce en France.
Lorsque l’expédition de Bougainville fit escale à Rio de Janeiro, Commerson herborisa et découvrit une plante magnifique, aux inflorescences spectaculaires, qu’il baptisa aussitôt “Buginvillaea”, devenue par la suite Bougainvillea (famille des Nyctaginaceae).
Le bougainvillier (ou la bougainvillée), aurait été ainsi nommé pour quelque peu adoucir l’humeur de Bougainville. En effet, au moment de cette escale, les doutes plus que sérieux de l’équipage sur le sexe de Jeanne Baret, alias Jean Baré, ne faisaient plus guère de doute et Commerson tenait, par-dessus tout, à ne pas se mettre à dos le patron de ce tour du monde. Lui rendre ainsi hommage n’était peut-être pas un geste aussi désintéressé qu’il n’y parait. De fait, Bougainville garda Commerson et Baret à bord jusqu’à l’île Maurice où il les débarqua, leur évitant ainsi un procès et une disgrâce en France.
A lire
- “La Clandestine du voyage de Bougainville”, de Michèle Kahn, sorti en mars 2014 (Editions Le Passage).
- “Le travesti de l’Étoile - Jeanne Baret, première femme à avoir fait le tour du monde”, roman d’Hubert Verneret paru en juin 2011 (Éditions de L’Armançon).
- “Voyage autour du monde par la frégate la Boudeuse et la flûte l’Etoile”, de Louis-Antoine de Bougainville (Editions La Découverte).
- “The Secret of Jeanne Baret” par Helen Strahinich (Kindle Edition)
- “La Clandestine du voyage de Bougainville”, de Michèle Kahn, sorti en mars 2014 (Editions Le Passage).
- “Le travesti de l’Étoile - Jeanne Baret, première femme à avoir fait le tour du monde”, roman d’Hubert Verneret paru en juin 2011 (Éditions de L’Armançon).
- “Voyage autour du monde par la frégate la Boudeuse et la flûte l’Etoile”, de Louis-Antoine de Bougainville (Editions La Découverte).
- “The Secret of Jeanne Baret” par Helen Strahinich (Kindle Edition)