TAHITI, le 22 septembre 2021 - Le secrétariat du Programme régional pour l’environnement dans le Pacifique vient de révéler le nom des lauréats des prix du leadership pour l’environnement des îles du Pacifique. Jean Kape a été récompensé pour l’ensemble de ses travaux consacrés aux initiatives environnementales d’excellence pour le Pacifique en général et la Polynésie française en particulier. Retour sur un parcours passionné… et passionnant.
"On ne voit pas trop la Polynésie française sur l’échiquier du grand océan", constate Jean Kape. Aussi, le prix qu’il vient de recevoir est une "fierté" et un "honneur". Pour la deuxième année, le secrétariat du Programme régional pour l’environnement dans le Pacifique (Sprep) a récompensé différentes personnalités de la zone pour leurs actions en faveur de l’environnement. Jean Kape, avec Tusanilefaia’ao Losefatu Reti aux Samoa et Dick Watling aux Fidji, ont reçu un prix pour l’ensemble de leurs travaux, projets, investissements.
Fasan Chong, dit Jean Kape est, pour résumer, une figure emblématique de la culture et de la conservation de la biodiversité en Polynésie française. Il est engagé bénévolement dans la préservation de la culture et de la nature depuis 1976 auprès de nombreuses associations culturelles et environnementales. En 2012, il a été décoré du titre de Chevalier de la Légion d’honneur, la plus haute décoration honorifique française.
En tant que bénévole, il préside les associations Tamariki-Te-Puka-Maruia et Te Reo o te Tuamotu et est directeur de l’Académie Pa’umotu, une institution culturelle créée en 2008. Il est également membre actif d’une douzaine d’associations culturelles et environnementales. Il est par ailleurs membre actif de la Société d’Ornithologie de Polynésie (SOP Manu), dont il a été vice-président pendant cinq ans et est coordinateur pour la région Pacifique du Comité français de l’UICN. Mais derrière ce portrait laconique, repris par le Sprep, se cachent des anecdotes et rencontres notables.
De Napuka à Tahiti
Jean Kape est né à Napuka, aux Tuamotu. Il s’est installé à Tahiti en 1963 sans vraiment l’avoir cherché. Avant lui étaient nés deux frères, après lui, une sœur. En 1960, le cadet de la famille, devenu papa, a gagné l’île capitale pour chercher du travail et un toit pour son enfant et sa femme. Il souhaitait offrir à sa fille une scolarité digne de ce nom. "Il faut dire que le premier instituteur est arrivé à Napuka en 1956, j’avais alors 10 ans", raconte Jean Kape.
En 1963, le cadet qui était parti avec son autre frère, est revenu à Napuka chercher femme et enfant. "Ce qui fait que je me retrouvais à être le seul garçon avec ma sœur et ma mère. Il a été décidé qu’elles aussi iraient à Tahiti. Il était question que moi je reste aux Tuamotu pour m’occuper de nos terres. Ce qui me convenait parfaitement ! J’étais heureux là-bas."
Jean Kape, qui avait vécu quelques semaines à Tahiti au début des années 1960, n’avait pas l’intention de quitter son île. Il devait seulement accompagner ses frères, sa sœur et sa mère vers leur nouvelle demeure avant de rentrer à Napuka. L’instituteur de l’île était du voyage lui aussi, car cela coïncidait avec la période des vacances scolaires. "J’ai passé du temps chez lui car on était ami. J’en ai profité pour visiter Tahiti que je ne connaissais pas finalement. Car même si j’y avais vécu quelques temps sur l’île auparavant, j’étais occupé à travailler tout le temps."
Court passage dans l'éducation
Lorsque l’instituteur est rentré à Napuka une fois les vacances terminées, Jean Kape a eu envie non pas de rentrer chez lui, mais d’aller à l’école. "Cela n’a pas été facile de me faire accepter dans un établissement scolaire, car je n’avais suivi que trois années de cours alors que j’avais déjà 17 ans ! On me disait que je faisais tout à l’envers car, à mon âge, les jeunes avaient plutôt envie de quitter leur scolarité." Il a atteint son objectif, trouvant finalement des adolescents de son âge ou presque qui avaient doublé ou triplé leur année. "La différence n’était pas si grande !" Il a obtenu son certificat d’étude primaire élémentaire.
"Mon désir de rentrer était toujours là", se rappelle Jean Kape. Il a décidé de postuler pour enseigner, espérant ainsi rentrer avec un métier. "Beaucoup n’avaient que le certificat d’études à l’époque et il y a avait grand besoin d’instituteurs dans les îles." Il a fait une formation accélérée, puis s’est retrouvé muté à… Taenga. Une île isolée, "un peu en dehors des routes maritimes".
Pour être sûr de pouvoir rentrer chez lui à l’issue de sa mission, il a sauté dans le premier bateau même si l’année n’était pas encore terminée. "Je suis directement allé m’en expliquer à l’inspecteur une fois arrivé à Tahiti. J’ai tenu à indiquer pourquoi j’étais parti quelques jours avant la fin." Jean Kape a, au passage, saisi l’occasion de cette rencontre pour postuler chez lui, à Napuka. Mais rien ne s’est passé comme il l’espérait. "En fait, notre entretien ne s’est pas bien passé du tout, j’ai démissionné sur le champ."
Une vie bien remplie
Peu après, en septembre 1965, il a été embauché au Commissariat à l’énergie atomique alors en plein recrutement. "Pendant un an, je me suis retrouvé magasinier pour les besoins des essais." Il a régulièrement effectué des séjours à Moruroa avant d’enchaîner avec son service militaire en septembre 1966.
Ensuite, et pour cinq ans, il a travaillé à l’hôtel Tahara’a comme magasinier d’abord puis très vite comme adjoint au chef du service puis comme chef. "Je me suis retrouvé à la tête de l’équipe qui contrôlait les coûts." En 1972, il signait pour entrer dans la police où il est resté jusqu’en 2000. Cette année-là, sa vie professionnelle s’est arrêtée. Il a pu se concentrer entièrement à sa vie associative qu’il menait en parallèle de sa vie professionnelle depuis 1976 !
"Il s’est passé beaucoup de choses dans ma vie", affirme-t-il. "Beaucoup de gens se sont tournés vers moi pour me demander conseil." À chaque fois, ou presque, Jean Kape a répondu aux demandes avec toute la bonne volonté qui le caractérise, s’engageant toujours plus.
Déclic
Un jour en 1976, Yosihiko H. Sinoto s’est présenté à Jean Kape. "Les autorisation de recherches pour les îles étaient délivrées dans mon bureau. Sinoto voulait aller à Reao pour étudier les marae. Il disait qu’il y en avait 69 sur ce petit atoll et cela l’intriguait." Archéologue, Yosihiko H. Sinoto travaillait pour le Bishop Museum à Hawaii avec Kenneth Emory, figure emblématique de l’établissement. "Sinoto m’a demandé d’où je venais. En entendant Napuka, il a fait de gros yeux ! Il m’a dit, connais-tu Kenneth Emery ? Il arrive dans quelques jours et veut aller à Napuka ! "
C’est ainsi que Jean Kape s’est intéressé aux travaux archéologiques, mais aussi à l’histoire, la culture, le patrimoine. Jean Kape a longtemps joué les intermédiaires entre les chercheurs et ses compatriotes. Il a assuré les traductions quand c’était nécessaire, il a répondu aux demandes des archéologues en quête d’anciens, d’histoires, de témoignages, mais aussi de musicologues, sociologues… Il a vite dépassé son manque d’assurance initial. "Dès les premières demandes, j’ai dit à Kenneth que je n’avais pas de diplôme, que je ne pouvais pas l’aider. Il m’a répondu : 'Moi, j’ai besoin de diplômes pour parler de toi. Toi, tu n’en as pas besoin pour parler de toi !'"
Jean Kape, tout au long de sa vie, a tissé des liens, établi des réseaux, engrangé des connaissances. Il a pris conscience de toute la richesse de son île, puis de toute celle de la Polynésie française et ensuite du Pacifique et de ses multiples territoires. Il tient à préserver toute cette richesse.
"On ne voit pas trop la Polynésie française sur l’échiquier du grand océan", constate Jean Kape. Aussi, le prix qu’il vient de recevoir est une "fierté" et un "honneur". Pour la deuxième année, le secrétariat du Programme régional pour l’environnement dans le Pacifique (Sprep) a récompensé différentes personnalités de la zone pour leurs actions en faveur de l’environnement. Jean Kape, avec Tusanilefaia’ao Losefatu Reti aux Samoa et Dick Watling aux Fidji, ont reçu un prix pour l’ensemble de leurs travaux, projets, investissements.
Fasan Chong, dit Jean Kape est, pour résumer, une figure emblématique de la culture et de la conservation de la biodiversité en Polynésie française. Il est engagé bénévolement dans la préservation de la culture et de la nature depuis 1976 auprès de nombreuses associations culturelles et environnementales. En 2012, il a été décoré du titre de Chevalier de la Légion d’honneur, la plus haute décoration honorifique française.
En tant que bénévole, il préside les associations Tamariki-Te-Puka-Maruia et Te Reo o te Tuamotu et est directeur de l’Académie Pa’umotu, une institution culturelle créée en 2008. Il est également membre actif d’une douzaine d’associations culturelles et environnementales. Il est par ailleurs membre actif de la Société d’Ornithologie de Polynésie (SOP Manu), dont il a été vice-président pendant cinq ans et est coordinateur pour la région Pacifique du Comité français de l’UICN. Mais derrière ce portrait laconique, repris par le Sprep, se cachent des anecdotes et rencontres notables.
De Napuka à Tahiti
Jean Kape est né à Napuka, aux Tuamotu. Il s’est installé à Tahiti en 1963 sans vraiment l’avoir cherché. Avant lui étaient nés deux frères, après lui, une sœur. En 1960, le cadet de la famille, devenu papa, a gagné l’île capitale pour chercher du travail et un toit pour son enfant et sa femme. Il souhaitait offrir à sa fille une scolarité digne de ce nom. "Il faut dire que le premier instituteur est arrivé à Napuka en 1956, j’avais alors 10 ans", raconte Jean Kape.
En 1963, le cadet qui était parti avec son autre frère, est revenu à Napuka chercher femme et enfant. "Ce qui fait que je me retrouvais à être le seul garçon avec ma sœur et ma mère. Il a été décidé qu’elles aussi iraient à Tahiti. Il était question que moi je reste aux Tuamotu pour m’occuper de nos terres. Ce qui me convenait parfaitement ! J’étais heureux là-bas."
Jean Kape, qui avait vécu quelques semaines à Tahiti au début des années 1960, n’avait pas l’intention de quitter son île. Il devait seulement accompagner ses frères, sa sœur et sa mère vers leur nouvelle demeure avant de rentrer à Napuka. L’instituteur de l’île était du voyage lui aussi, car cela coïncidait avec la période des vacances scolaires. "J’ai passé du temps chez lui car on était ami. J’en ai profité pour visiter Tahiti que je ne connaissais pas finalement. Car même si j’y avais vécu quelques temps sur l’île auparavant, j’étais occupé à travailler tout le temps."
Court passage dans l'éducation
Lorsque l’instituteur est rentré à Napuka une fois les vacances terminées, Jean Kape a eu envie non pas de rentrer chez lui, mais d’aller à l’école. "Cela n’a pas été facile de me faire accepter dans un établissement scolaire, car je n’avais suivi que trois années de cours alors que j’avais déjà 17 ans ! On me disait que je faisais tout à l’envers car, à mon âge, les jeunes avaient plutôt envie de quitter leur scolarité." Il a atteint son objectif, trouvant finalement des adolescents de son âge ou presque qui avaient doublé ou triplé leur année. "La différence n’était pas si grande !" Il a obtenu son certificat d’étude primaire élémentaire.
"Mon désir de rentrer était toujours là", se rappelle Jean Kape. Il a décidé de postuler pour enseigner, espérant ainsi rentrer avec un métier. "Beaucoup n’avaient que le certificat d’études à l’époque et il y a avait grand besoin d’instituteurs dans les îles." Il a fait une formation accélérée, puis s’est retrouvé muté à… Taenga. Une île isolée, "un peu en dehors des routes maritimes".
Pour être sûr de pouvoir rentrer chez lui à l’issue de sa mission, il a sauté dans le premier bateau même si l’année n’était pas encore terminée. "Je suis directement allé m’en expliquer à l’inspecteur une fois arrivé à Tahiti. J’ai tenu à indiquer pourquoi j’étais parti quelques jours avant la fin." Jean Kape a, au passage, saisi l’occasion de cette rencontre pour postuler chez lui, à Napuka. Mais rien ne s’est passé comme il l’espérait. "En fait, notre entretien ne s’est pas bien passé du tout, j’ai démissionné sur le champ."
Une vie bien remplie
Peu après, en septembre 1965, il a été embauché au Commissariat à l’énergie atomique alors en plein recrutement. "Pendant un an, je me suis retrouvé magasinier pour les besoins des essais." Il a régulièrement effectué des séjours à Moruroa avant d’enchaîner avec son service militaire en septembre 1966.
Ensuite, et pour cinq ans, il a travaillé à l’hôtel Tahara’a comme magasinier d’abord puis très vite comme adjoint au chef du service puis comme chef. "Je me suis retrouvé à la tête de l’équipe qui contrôlait les coûts." En 1972, il signait pour entrer dans la police où il est resté jusqu’en 2000. Cette année-là, sa vie professionnelle s’est arrêtée. Il a pu se concentrer entièrement à sa vie associative qu’il menait en parallèle de sa vie professionnelle depuis 1976 !
"Il s’est passé beaucoup de choses dans ma vie", affirme-t-il. "Beaucoup de gens se sont tournés vers moi pour me demander conseil." À chaque fois, ou presque, Jean Kape a répondu aux demandes avec toute la bonne volonté qui le caractérise, s’engageant toujours plus.
Déclic
Un jour en 1976, Yosihiko H. Sinoto s’est présenté à Jean Kape. "Les autorisation de recherches pour les îles étaient délivrées dans mon bureau. Sinoto voulait aller à Reao pour étudier les marae. Il disait qu’il y en avait 69 sur ce petit atoll et cela l’intriguait." Archéologue, Yosihiko H. Sinoto travaillait pour le Bishop Museum à Hawaii avec Kenneth Emory, figure emblématique de l’établissement. "Sinoto m’a demandé d’où je venais. En entendant Napuka, il a fait de gros yeux ! Il m’a dit, connais-tu Kenneth Emery ? Il arrive dans quelques jours et veut aller à Napuka ! "
C’est ainsi que Jean Kape s’est intéressé aux travaux archéologiques, mais aussi à l’histoire, la culture, le patrimoine. Jean Kape a longtemps joué les intermédiaires entre les chercheurs et ses compatriotes. Il a assuré les traductions quand c’était nécessaire, il a répondu aux demandes des archéologues en quête d’anciens, d’histoires, de témoignages, mais aussi de musicologues, sociologues… Il a vite dépassé son manque d’assurance initial. "Dès les premières demandes, j’ai dit à Kenneth que je n’avais pas de diplôme, que je ne pouvais pas l’aider. Il m’a répondu : 'Moi, j’ai besoin de diplômes pour parler de toi. Toi, tu n’en as pas besoin pour parler de toi !'"
Jean Kape, tout au long de sa vie, a tissé des liens, établi des réseaux, engrangé des connaissances. Il a pris conscience de toute la richesse de son île, puis de toute celle de la Polynésie française et ensuite du Pacifique et de ses multiples territoires. Il tient à préserver toute cette richesse.