Javan Teuhi, l’art de dire et de faire


Au retour de La Haye où il a participé au concours inter-universitaire de débat. Il a emporté le prix du meilleur orateur.
TAHITI, le 16 août 2023 - Il dit avoir grandi les mains dans la terre, à Moorea. Javan Teuhi, aujourd’hui, se construit en nourrissant ses intérêts de connaissances et d’expériences. Il a à cœur de comprendre et résoudre, d’en savoir toujours plus sur l’aménagement, l’agencement des territoires, le droit tout en perfectionnant son éloquence. Vainqueur du prix du meilleur orateur du concours inter-universitaire de débat de La Haye en 2023, il est en train d’ouvrir un centre de formation pour transmettre ses compétences en prise de parole.

“Savoir Y Faire”, tel est le nom du centre de formation que Javan Teuhi est en train de monter. “Il est acté. Il n’y a plus qu’à ‘designer’ les interventions.” Le premier produit concernera la prise de parole en public. Puis suivra une session sur les échanges professionnels. Ce centre doit entrer en activité dès octobre. En attendant, Javan Teuhi va animer une chaîne YouTube du même nom. Il y divulguera des conseils sur la voix, l’intonation, le rythme et le volume, sur la gestuelle à adopter… Il partagera son expérience et les secrets de son aisance à prendre la parole en public.

Prix du meilleur orateur

En 2023, Javan Teuhi, étudiant en géographie et aménagement du territoire à l’Université de la Polynésie française (UPF), s’est inscrit à la 4e édition du concours d’éloquence organisé par son établissement. Pour lui, c’était l’occasion de parler du pouvoir de la parole. Il a considéré l’événement comme une tribune. L’idée qu’il a voulu mettre en lumière est que “tout le monde possède ce pouvoir de la parole, peut galvaniser un public, convaincre des gens”. Le concours a eu lieu le 23 mars. “Je l’ai perdu avec panache”, rapporte, amusé, le candidat. Ce qui ne l’a pas empêché de poursuivre sur sa lancée.

À la résidence de l'ambassadeur de France à La Haye avec Vainui Cabello de l'équipe victorieuse du CIUDLH debouts.
Il savait avoir “une certaine aise à parler”, “une certaine plume” et “une certaine capacité de réflexion”. Mais qu’est-ce que tout cela valait ? Javan Teuhi a senti le besoin de s’évaluer en se confrontant à d’autres orateurs. “Je voulais me jauger sur les exercices de rhétorique et d’oralité.” Il s’est inscrit au concours inter-universitaire de débat de La Haye. Il a rejoint cette ville néerlandaise avec deux autres étudiants : Vainui Cabello et Adrien Tapii. Organisé par la fondation Corax, avec le soutien de l’Institut français au Pays-Bas et l’agence universitaire de la francophonie ce concours est en langue française sur des thèmes de droit, de sciences politiques, d’économie et de relations internationales. Il réunit des étudiants de différents pays. En 2023, 32 institutions y ont participé de France, Belgique, Haïti,
Algérie, Argentine... L’équipe polynésienne s’est imposée, Javan Teuhi a même remporté le prix du meilleur orateur de cette édition. “J’ai adoré les moments passés là-bas, les rencontres avec d’autres étudiants qui étaient dans la même dynamique que nous.” Il aimerait, avec son centre de formation, préparer la relève, les futurs candidats polynésiens.

À terme, Javan Teuhi envisage d’ouvrir le centre à d’autres domaines qu’il connaît et qu’il considère comme essentiels dans la société contemporaine. Il s’agit, notamment, de l’aménagement et du droit. “Il me semble que chacun devrait avoir des notions dans ces domaines, que ces matières devraient être enseignées à l’école. Je ne peux pas changer les programmes de l’éducation, alors j’apporte ma pierre à l’édifice d’une autre manière.

Au lycée agricole de Opunohu à Moorea Javan Teuhi a obtenu en 2009 un bac STAV. Ici avec Tuehiti Freeland, un camarade.
Besoins et aménagements

Javan Teuhi est né “dans les années 1990” à Tahiti, mais il a grandi à Moorea, l’île d’origine de sa mère. “J’ai même grandi dans un fa’a’apu, précise-t-il, les mains dans la terre.” Il se définit comme “géographe moorean”. Il est le cinquième d’une fratrie de sept. Depuis toujours, il aime comprendre, découvrir la manière dont les choses fonctionnent pour “pouvoir trouver des solutions à tous les problèmes”. Même si “la vie, ce n’est pas que des problèmes à résoudre”, plaisante-t-il. Il aime penser à l’aménagement du territoire, chez lui, mais également à plus grande échelle en Polynésie, “car la manière dont est agencée une ville a un impact sur la qualité de vie”. Il cite les embouteillages et leurs désagréments associés. Il ajoute : “L’accès au travail, aux loisirs, la possibilité de se retrouver, de partager sont liés à l’aménagement.”

Très jeune, Javan Teuhi a travaillé, à l’usine Rotui en exploitation agricole, dans un hôtel, à domicile pour du soutien scolaire. “Je me suis débrouillé.” Il a eu le temps, en se déplaçant et en observant son environnement, de réfléchir aux besoins des territoires et de leurs habitants, aux manques du fenua. Sans idée précise sur son avenir, il s’est inscrit au lycée agricole de Opunohu en sciences et technologies de l’agronomie et du vivant. Il a obtenu un bac STAV en 2009, puis un baccalauréat scientifique au lycée Paul Gauguin en 2011. “Je suis super à l’aise en math”, justifie celui qui a beaucoup apprécié ses années d’études. “J’ai appris plein de choses qui continuent à me servir aujourd’hui, des connaissances, mais également des manières de réfléchir.

Durant l'accompagnement de TereNi'a par Prism avec (gauche à droite) Tahara Buttard incubée Capucine Moyrand et Alan Touchard de la CCISM et Camille Fraysse stagiaire.
Ensuite ? “Je me suis cherché pendant plusieurs mois.” En 2015, il a fondé l’association Arainoa qui se donne pour mission de réfléchir à des solutions aux problèmes du quotidien. En 2016, il a entendu parler d’une formation continue en cartographie et système d’information géographique (SIG). “Je me suis dit que la technologie pouvait apporter des réponses aux besoins identifiés. Et puis, j’avais commencé à contacter les communes, le SPCPF pour leur parler d’idées, mais sans diplôme je n’étais pas crédible.” Il avait imaginé l’entreprise RepéRea dont l’activité était l’adressage des domiciles. C’est ainsi qu’il a repris ses études.

Après avoir obtenu un certificat universitaire, il a enchaîné avec une licence en géographie et aménagement. “Ce qui a confirmé que c’était bien cela qui m’intéressait ! Je trouve ça très épanouissant.” Il avance à son rythme à l’université pour pouvoir mener de front tous ses différents projets. Entre temps, pour ajouter des cordes à son arc, il a passé un BTS immobilier. “Je me suis rendu compte que le droit immobilier était vraiment important.” Il a suivi cette formation en alternance. Ce qui lui a permis de nourrir ses connaissances et son expérience. Il a été apprenti pendant deux ans chez un expert immobilier. “De là vient ma conviction que l’immobilier, tout comme le droit devraient être enseignés à l’école.”

En 2017, via Arainoa, Javan Teuhi a lancé TereNi’a, une plateforme de covoiturage, incubée par Prism. Elle a fonctionné “tant que nous communiquions”. Elle est aujourd’hui moins active “car j’y consacre moins de temps”. La plateforme mettait en relation à Tahiti, Tahaa, Raiatea, Bora Bora des propriétaires de véhicules (voiture, bateau) avec des personnes à la recherche d’un moyen de transport sur des trajets ponctuels ou permanents. Il a également été le président de l’association Brigade Verte (2018), le cofondateur (2022)de E Naki, l'association qui veut que “la circulation sur les routes de Tahiti soit plus fluide et plus safe”.

Javan Teuhi effectue des missions ponctuelles pour l’agence ‘Ōpua.
Il s’apprête à rentrer à l’université pour suivre sa troisième année de licence. Il travaille, en outre, sur ses formations à venir, va ouvrir une chaîne YouTube personnelle (JaVanJak) où il abordera “des sujets qui me plaisent”. Il effectue des missions ponctuelles pour l’agence d’aménagement ‘Ōpua. “Ce qui fait une vie bien remplie”, admet-il. Et ce n’est pas fini.

Apprendre, encore et toujours

Il envisage des études d’économie, vise un master en urbanisme puis un doctorat en géographie sociale. Il imagine un jour pouvoir profiter des échanges Erasmus pour aller en Irlande du Nord. “Ce qui me plaît, c’est la dimension insulaire de ce territoire, les paysages et leur approche de l’aménagement du littoral.” Il affirme que le nombre de diplômes ne compte pas. “Il faut toujours continuer à apprendre, à élargir ses connaissances. En tout cas, cela reste ma condition au bonheur.” Il rêve de changer les choses. “J’espère que, pour cela, je n’aurai pas à faire de la politique.

Rédigé par Delphine Barrais le Mercredi 16 Aout 2023 à 17:23 | Lu 1962 fois