TAHITI, le 16 juin 2021 - Pendant le mois de mai, Jason Man a composé ses repas à partir de produits exclusivement locaux. C’est une initiative de plus pour celui qui cherche par tous les moyens à réveiller les consciences sur les problématiques environnementales. Pour lui, il faut agir. Et vite.
Il s’est lancé un nouveau défi : manger exclusivement local pendant un mois. Local, et végétal ! Car Jason Man est végan depuis cinq ans. Il ne consomme rien d’origine animale. "Et cela a été compliqué", reconnaît-il. "Je n’avais pas imaginé à quel point cela le serait !" Selon lui, manger seulement local reste possible à long terme, à condition d’intégrer les œufs et le poisson.
Pour composer ses repas, il n’avait ni sel, ni poivre, ni ail, ni oignons, ni farine, ni huile... Il a trouvé quelques alternatives comme l’eau de mer pour remplacer le sel ou le ciboulail pour remplacer l’ail, mais il lui a fallu faire preuve de beaucoup d’imagination et s’accorder plusieurs heures de recherche pour varier les plaisirs.
"7 000 Fcfp sur la semaine"
Jason Man a partagé son expérience en ligne, sur les réseaux sociaux. Les commentaires ont été nourris. Nombreux ont été ceux qui se sont interrogés sur le coût de cette initiative. Jason Man est heureux d’avoir aujourd’hui une réponse. "J’ai estimé à 7 000 Fcfp le prix de mes repas locaux sur la semaine", dit-il. Il tient à préciser au passage que cela vaut pour une personne, mais une personne qui mange beaucoup. "J’ai un métabolisme très rapide et fais beaucoup de sport". Souvent il ne se prépare pas trois, mais quatre repas par jour. Pour répondre à la question, "cela prend-il du temps ?", Jason Man assure qu’il a démarré à presque deux heures par jour de préparation, mais qu’il était plutôt autour d’une heure en fin d’expérience, une fois les habitudes instaurées.
Suite à cette initiative, Jason Man pointe du doigt le faible développement de certaines filières sur le territoire, l’absence ou la faiblesse des transformations locales de produits. Il constate, déçu, que même le mā’a Tahiti n’est pas 100% local. "J’ai mangé dans des snacks et roulottes et n’ai jamais rien trouvé de 100% local, y compris le mā’a Tahiti." Il s’est aperçu également du manque de connaissance, "tant de gens n’ont pas conscience de tout ce que l’on peut manger autour de nous !"
À l’issue de l’expérience, il a consulté son médecin et effectué une prise de sang. Aucune carence n’a été signalée. Il a également observé d’autres indicateurs de santé, à savoir la perte de poids. "J'ai perdu moins de un kilo." Il a aussi été attentif à ses performances physiques : "Je continue à faire des randonnées de plus d’une journée sans souci, alors ça va". Mais il l’admet "qu'un mois, c’est trop juste pour tirer des conclusions, ce n’est pas significatif".
Militant écologiste
D’ordinaire Jason Man consomme entre 50 et 60% de produits locaux pour se restaurer : feuilles, haricots, tubercules… Il ne va plus dans les grandes surfaces. Il va au marché tous les dimanches matins, à l’Épicerie de Tahiti pour les lentilles, pois chiches… Il a un fa’a’apu, procède à différents échanges au sein de son cercle familial et amical. Il a mené cette expérience de manger 100 % local dans un souci de cohérence. "Je suis militant écologiste, j’appelle à plus de sobriété, à réduire notre impact sur la planète et je veux faire ce que je dis." Il voudrait, avec un peu de préparation, mettre en culture de nouveaux légumes, graines et autres végétaux, renouveler l’expérience sur plus longtemps. Il imagine regrouper les recettes, réaliser un livre de recettes locales et végétales. De nouveaux projets pour celui qui mène une lutte quotidienne.
Jason Man a obtenu son baccalauréat à Tahiti en 2015. Il a embrayé avec une première année de physique-chimie à l’Université de la Polynésie française. "Mon grand kiff à l’époque. J’étais et je reste passionné d’astronomie." Il voulait donc devenir astrophysicien. Il est parti en métropole, en Alsace, pour atteindre son objectif. Devenu étudiant loin de sa famille, il a dû se mettre à gérer son budget. Ce qui a soulevé une réflexion sur les achats qu’il s’autorisait. "En plus, ma copine est devenue végétarienne." Ce qui a accéléré son questionnement sur son rapport au monde et à la planète. Il a éliminé les produits d’origine animale. Les filières viande, auxquelles il s’est intéressées, ont suscité une grande colère chez lui. Il s’est mis à éviter les supermarchés, préférant les magasins de produits en vrac. "J’ai coché petit à petit, pendant deux ou trois ans, toutes les cases", dit-il à propos de son éveil aux causes écologiques.
"Gagner en retard, c’est perdre"
Au bout de deux ans, il a changé de voie, du moins a-t-il essayé. Il a voulu se tourner vers l’ingénierie environnementale, ce qui a trait au biomimétisme. Mais la filière visée a fermé l’année où il a souhaité s’y engager. Il a continué à regret la physique. Il a été de plus en plus attentif aux propos de l’astrophysicien Aurélien Barreau qui lance régulièrement des cris d’alarme. Jason Man a aussi vécu la démission de Nicolas Hulot comme un déclic de plus, il s’est laissé inspirer par Pierre Rabhi et ses colibris. Il a lui aussi transporté des petites gouttes d’eau. "Mais le but", insiste-t-il, "ce n’est pas de faire sa part, c’est d’éteindre le feu !" C’est alors qu’il a gagné en radicalité car "dans le contexte gagner en retard, c’est perdre".
Il est rentré au fenua pour mener son combat. En 2019, il a fait des tours de l’île en brouette. Il a monté la déclinaison locale du mouvement Extinction Rébellion. Il s’agit d’un mouvement international de désobéissance civile en lutte contre l’effondrement écologique et le dérèglement climatique.
Parfois, Jason Man ressent comme une lassitude, "c’est fatigant parce que l’écologie ce n’est plus sauver les tortues et ramasser les déchets, c’est plus global, c’est systémique, en lien avec des problèmes sociaux". Il lui arrive de se sentir en décalage, "j’ai l’impression d’être seul à crier au loup". Le manque de résultats lui pèse aussi, de temps en temps, mais "le feu revient toujours".
Il raconte qu’il pourrait prendre la direction des Marquises, s’installer au fond d’une vallée et n’avoir besoin de rien d’autre que de ce qu’il trouvera sur place pour être heureux. Pourtant, il est toujours à Tahiti, "je ne sais pas quoi faire d’autre". Le combat l’appelle. "Et puis, heureusement, je fais de très belles rencontres et j’apprends beaucoup. Il y a quand même des choses passionnantes dans ce combat là."
Il s’est lancé un nouveau défi : manger exclusivement local pendant un mois. Local, et végétal ! Car Jason Man est végan depuis cinq ans. Il ne consomme rien d’origine animale. "Et cela a été compliqué", reconnaît-il. "Je n’avais pas imaginé à quel point cela le serait !" Selon lui, manger seulement local reste possible à long terme, à condition d’intégrer les œufs et le poisson.
Pour composer ses repas, il n’avait ni sel, ni poivre, ni ail, ni oignons, ni farine, ni huile... Il a trouvé quelques alternatives comme l’eau de mer pour remplacer le sel ou le ciboulail pour remplacer l’ail, mais il lui a fallu faire preuve de beaucoup d’imagination et s’accorder plusieurs heures de recherche pour varier les plaisirs.
"7 000 Fcfp sur la semaine"
Jason Man a partagé son expérience en ligne, sur les réseaux sociaux. Les commentaires ont été nourris. Nombreux ont été ceux qui se sont interrogés sur le coût de cette initiative. Jason Man est heureux d’avoir aujourd’hui une réponse. "J’ai estimé à 7 000 Fcfp le prix de mes repas locaux sur la semaine", dit-il. Il tient à préciser au passage que cela vaut pour une personne, mais une personne qui mange beaucoup. "J’ai un métabolisme très rapide et fais beaucoup de sport". Souvent il ne se prépare pas trois, mais quatre repas par jour. Pour répondre à la question, "cela prend-il du temps ?", Jason Man assure qu’il a démarré à presque deux heures par jour de préparation, mais qu’il était plutôt autour d’une heure en fin d’expérience, une fois les habitudes instaurées.
Suite à cette initiative, Jason Man pointe du doigt le faible développement de certaines filières sur le territoire, l’absence ou la faiblesse des transformations locales de produits. Il constate, déçu, que même le mā’a Tahiti n’est pas 100% local. "J’ai mangé dans des snacks et roulottes et n’ai jamais rien trouvé de 100% local, y compris le mā’a Tahiti." Il s’est aperçu également du manque de connaissance, "tant de gens n’ont pas conscience de tout ce que l’on peut manger autour de nous !"
À l’issue de l’expérience, il a consulté son médecin et effectué une prise de sang. Aucune carence n’a été signalée. Il a également observé d’autres indicateurs de santé, à savoir la perte de poids. "J'ai perdu moins de un kilo." Il a aussi été attentif à ses performances physiques : "Je continue à faire des randonnées de plus d’une journée sans souci, alors ça va". Mais il l’admet "qu'un mois, c’est trop juste pour tirer des conclusions, ce n’est pas significatif".
Militant écologiste
D’ordinaire Jason Man consomme entre 50 et 60% de produits locaux pour se restaurer : feuilles, haricots, tubercules… Il ne va plus dans les grandes surfaces. Il va au marché tous les dimanches matins, à l’Épicerie de Tahiti pour les lentilles, pois chiches… Il a un fa’a’apu, procède à différents échanges au sein de son cercle familial et amical. Il a mené cette expérience de manger 100 % local dans un souci de cohérence. "Je suis militant écologiste, j’appelle à plus de sobriété, à réduire notre impact sur la planète et je veux faire ce que je dis." Il voudrait, avec un peu de préparation, mettre en culture de nouveaux légumes, graines et autres végétaux, renouveler l’expérience sur plus longtemps. Il imagine regrouper les recettes, réaliser un livre de recettes locales et végétales. De nouveaux projets pour celui qui mène une lutte quotidienne.
Jason Man a obtenu son baccalauréat à Tahiti en 2015. Il a embrayé avec une première année de physique-chimie à l’Université de la Polynésie française. "Mon grand kiff à l’époque. J’étais et je reste passionné d’astronomie." Il voulait donc devenir astrophysicien. Il est parti en métropole, en Alsace, pour atteindre son objectif. Devenu étudiant loin de sa famille, il a dû se mettre à gérer son budget. Ce qui a soulevé une réflexion sur les achats qu’il s’autorisait. "En plus, ma copine est devenue végétarienne." Ce qui a accéléré son questionnement sur son rapport au monde et à la planète. Il a éliminé les produits d’origine animale. Les filières viande, auxquelles il s’est intéressées, ont suscité une grande colère chez lui. Il s’est mis à éviter les supermarchés, préférant les magasins de produits en vrac. "J’ai coché petit à petit, pendant deux ou trois ans, toutes les cases", dit-il à propos de son éveil aux causes écologiques.
"Gagner en retard, c’est perdre"
Au bout de deux ans, il a changé de voie, du moins a-t-il essayé. Il a voulu se tourner vers l’ingénierie environnementale, ce qui a trait au biomimétisme. Mais la filière visée a fermé l’année où il a souhaité s’y engager. Il a continué à regret la physique. Il a été de plus en plus attentif aux propos de l’astrophysicien Aurélien Barreau qui lance régulièrement des cris d’alarme. Jason Man a aussi vécu la démission de Nicolas Hulot comme un déclic de plus, il s’est laissé inspirer par Pierre Rabhi et ses colibris. Il a lui aussi transporté des petites gouttes d’eau. "Mais le but", insiste-t-il, "ce n’est pas de faire sa part, c’est d’éteindre le feu !" C’est alors qu’il a gagné en radicalité car "dans le contexte gagner en retard, c’est perdre".
Il est rentré au fenua pour mener son combat. En 2019, il a fait des tours de l’île en brouette. Il a monté la déclinaison locale du mouvement Extinction Rébellion. Il s’agit d’un mouvement international de désobéissance civile en lutte contre l’effondrement écologique et le dérèglement climatique.
Parfois, Jason Man ressent comme une lassitude, "c’est fatigant parce que l’écologie ce n’est plus sauver les tortues et ramasser les déchets, c’est plus global, c’est systémique, en lien avec des problèmes sociaux". Il lui arrive de se sentir en décalage, "j’ai l’impression d’être seul à crier au loup". Le manque de résultats lui pèse aussi, de temps en temps, mais "le feu revient toujours".
Il raconte qu’il pourrait prendre la direction des Marquises, s’installer au fond d’une vallée et n’avoir besoin de rien d’autre que de ce qu’il trouvera sur place pour être heureux. Pourtant, il est toujours à Tahiti, "je ne sais pas quoi faire d’autre". Le combat l’appelle. "Et puis, heureusement, je fais de très belles rencontres et j’apprends beaucoup. Il y a quand même des choses passionnantes dans ce combat là."