Internet : OPT ne sera plus seul


Le Cesec tenait une assemblée plénière, ce mardi 7 mai. Crédit : archive Tahiti Infos
Tahiti, mardi 7 mai 2024 - Le Cesec a examiné mardi dans le cadre d’une procédure d’urgence, un projet de loi visant à modifier le code des postes et télécommunications au Fenua, et le développement des opérateurs extérieurs par câble ou satellite. Désenclavement des îles, stimulation de la concurrence et la fin d’un monopole légal pour l'OPT.
 
Cette assemblée plénière du Cesec sur le projet de loi portant modification du code des postes et télécommunications en Polynésie française prend place dans un contexte bouillant. L’arrivée des câbles sous-marins de Google : Honomoana, Tabua et deux autres câbles intra-Pacifiques en programmation – Bulikula et Halaihai, qui rejoindront les deux autres utilisés depuis longtemps par l’OPT, Honotua et Manatua.
 
Une actualité provoquée par la situation particulière, paradoxale de la Polynésie. Isolée au beau milieu du Pacifique, sa position en fait un atout de taille pour les grands États qui ambitionnent d’être interconnectés entre eux. L’arrivée du géant Google ne serait donc qu’un premier pas, dans la multiplication des opérateurs et des moyens utilisés (câbles sous-marins, réseaux satellitaires, etc.). Leur arrivée, propice à favoriser au passage le désenclavement numérique de certaines zones polynésiennes dans un objectif “d’internet partout et pour tous” intervient dans un marché local très étroit, avec le monopole jusqu’à maintenant légal de l’OPT. (L’entreprise a attribué en 2018 une délégation de service public de télécommunications extérieures à un seul opérateur, sa filiale Onati). Sauf que ce monopole, il interdit encore aujourd’hui le développement d’une concurrence sur les communications extérieures. Cela, le rapport n’a pas manqué de pointer du doigt : “Le Cesec regrette que cette situation juridique n’ait pas été régularisée avant la transmission de ce projet de loi du Pays.”

Le Cesec favorable, mais prudent

L’arrivée de Google serait donc une bénédiction pour le Pays ? C’est en tout cas ce qui aurait poussé le président du Pays à envoyer cette saisine du 18 avril à l’avis du Cesec dans le cadre d’une procédure d’urgence. Là encore, l’institution peste, insistant sur le fait que les besoins de Google de s’installer avant la fin de l’année “ne sauraient justifier une telle urgence aux regards des enjeux attendus sur le long terme”. Car les enjeux sont gros, et ce genre de texte de loi ouvriront la porte à de nombreuses technologies et entreprises dans le futur, très hypothétiques à l’instant T. “C’est un peu le problème des textes qu’on nous soumet en urgence, surtout quand ce sont des textes aussi fondateurs.” Un auteur du rapport projet d’avis reprend : “On avait un peu peur de faire rentrer le loup dans la bergerie”, en autorisant l’arrivée d’opérateur extérieur. Certes, ils pourraient démocratiser l’accès à internet des bateaux et îles non raccordés par câble grâce à des systèmes satellitaires, mais ces nouveaux modèles de distribution de réseaux, et les effets qu’ils auront sur les opérateurs locaux sont encore inconnus.
Le projet d’avis se veut donc vigilant : “L’opportunité qu’apporte l’installation des géants de la technologie comme Google ne doit pas occulter la nécessité de favoriser une saine concurrence entre les opérateurs locaux et le désenclavement numérique des archipels éloignés.”


 
Si le Cesec a finalement émis un avis favorable, à 45 voix pour et trois abstentions, c’est seulement sous certaines conditions. Déjà, que les infrastructures locales, financées par le contribuable polynésien, “soient exploitées de la manière la plus efficiente”. Que les opérateurs privés locaux puissent bénéficier des améliorations apportées par les opérateurs extérieurs, au même titre que l’opérateur public. Qu’une fiscalité soit étudiée sur les données transitant par le pays, pourquoi pas sous forme de taxe. Qu’une autorité administrative indépendante, spécialisée et impartiale soit mise en place (comme dans le domaine de l’électricité) et qu’une transparence soit appliquée par tous les acteurs. Et, bien sûr, que la situation de la DSP octroyée par l’OPT à Onati soit régularisée, avant l’adoption du présent projet de loi au Pays.

Les projets d'avis du jour

Lors de cette assemblée plénière, les membres du Cesec se sont également penchés sur deux autres projets de texte : le premier, un projet de loi permettant le transfert de l’excédent du budget de fonctionnement vers le budget destiné aux actions sociales et culturelles, sur demande de certains comités d’entreprise. Et le deuxième, un projet de loi qui veut élargir les cas de dérogations possibles dans certaines situations d’urgence définies par le code du travail, afin de préserver la santé et la sécurité des salariés. Dans les deux cas, le Cesec a émis un avis favorable.

Rédigé par Tom Larcher le Mardi 7 Mai 2024 à 19:46 | Lu 5303 fois