Interdiction de l'abaya à l'école: le Conseil d'Etat à la rescousse


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Paris, France | AFP | mardi 05/09/2023 - Le Conseil d'Etat examine mardi après-midi l'interdiction de l'abaya à l'école, bravée lundi par quelque 300 jeunes filles lors d'une rentrée scolaire phagocytée par le débat autour de cette longue robe traditionnelle.

La haute juridiction administrative se penche à 15H00 sur le référé-liberté, une procédure d'urgence, déposée vendredi au nom de l'association Action Droits des Musulmans (ADM) qui veut obtenir la suspension de cette interdiction.

La décision est ensuite attendue dans les 48 heures suivant la clôture de l'instruction, comme le prévoit le code de justice administrative.

Les requérants estiment que l'interdiction "porte atteinte aux droits de l'enfant, car elle vient viser principalement les enfants présumés musulmans, créant ainsi un risque de profilage ethnique à l'école". 

Ils ont également saisi lundi la Défenseure des droits Claire Hédon, pour lui demander d'"intervenir dans le cadre de la procédure" devant le Conseil d'Etat, ou à défaut de "prendre position sur l'interdiction". 

Mais "compte tenu des délais" et des éléments dont elles dispose, la Défenseure "n'est pas en mesure d'intervenir utilement dans cette procédure", a souligné l'institution.

Sur le terrain, 298 élèves se sont présentées lundi en abaya dans leur établissement scolaire malgré l'interdiction, a annoncé mardi le ministre de l'Education nationale Gabriel Attal.

Selon lui, "67 n'ont pas accepté" de la retirer et "sont rentrées chez elles", essentiellement des lycéennes de seconde, a assuré le ministre. Dans les prochains jours, si elles ne se conforment pas à la règle, "il y aura un nouveau dialogue" car "elles doivent être scolarisées", a-t-il assuré.

Ces jeunes filles sont également reparties chez elle avec une lettre à destination de leurs familles "pour expliquer que la laïcité n'est pas une contrainte, c'est une liberté", a affirmé M. Attal.

Au coeur des débats: la décision prise le 27 août par le ministre d'interdire le port de l'abaya dans les écoles, collèges et lycées publics.

"stigmatisation"

Avec cette mesure, le ministre a affiché sa fermeté sur la laïcité, tendant la main aux chefs d'établissement qui réclamaient des consignes claires sur cette tenue controversée.

Mais beaucoup, du côté des syndicats, ont regretté que le sujet occulte médiatiquement les difficultés de l'Education nationale lors de cette rentrée qui concerne quelque 12 millions d'écoliers, collégiens et lycéens.

Car le débat s'est vite enflammé, autour du caractère religieux ou non du vêtement ou sur le risque de stigmatisation.

"Il y a un principe, c'est la laïcité", a martelé dimanche la Première ministre Elisabeth Borne, en allusion à la loi de 1905 sur la séparation des Eglises et de l'Etat.

La gauche s'est divisée sur cette interdiction, élus du PS et du PCF l'approuvant au nom du principe de laïcité, tandis que LFI dénonçait une décision islamophobe et les écologistes une "stigmatisation". 

Les Français, eux, approuvent la décision du ministre à 81%, selon un sondage Ifop pour Charlie Hebdo diffusé mardi, qui montre un net soutien également à gauche: 58% des sympathisants LFI y sont favorables, comme 73% des socialistes et même 79% des Verts.

"Nous vivons aussi dans notre société avec une minorité, des gens qui, détournant une religion, viennent défier la République et la laïcité", a affirmé lundi Emmanuel Macron qui, pour expliquer le contexte, a évoqué l'assassinat de Samuel Paty, enseignant tué en 2020 après avoir montré à ses élèves des caricatures de Mahomet.

Il s'est toutefois défendu de tout "parallèle" entre des actes de terrorisme et la tenue portée par des jeunes filles musulmanes.

Les sujets du voile ou des tenues liées à l'appartenance religieuse reviennent régulièrement dans l'actualité depuis 1989 et l'affaire de Creil, lorsque trois jeunes filles voilées avaient été exclues de leur collège.

En 2004, la loi avait interdit le port de signes ou tenues manifestant "ostensiblement" une appartenance religieuse. En 2010, l'interdiction du voile intégral avait provoqué une controverse internationale et en 2016, le débat s'était focalisé sur le port du burkini.

le Mardi 5 Septembre 2023 à 06:38 | Lu 590 fois