" Interagir avec les dauphins sauvages de Rangiroa est exceptionnel"


"Les requins sont au sommet de la chaine alimentaire des écosystèmes marins et malheureusement leur nombre est en chute libre"
PAPEETE, le 06/ 11 / 2015 - Grégory Lecoeur est photographe sous-marin, il vient de passer six semaines en Polynésie. Il plonge depuis de nombreuses années et a appris la photographie dans l'eau comme autodidacte. A 37 ans, il parcourt le monde à la recherche de clichés insolites. Depuis cinq ans, il vit de sa passion et a obtenu le plongeur d'or au festival mondial de l'image sous-marine pour un portfolio de dix photos.

Vous avez gagné le premier prix au festival mondial de l'image sous-marine qui s'est déroulé du 26 octobre au 1er novembre à Marseille, quelles sont les photos que vous avez présentées ?

Ces images ont été prises aux quatre coins du globe et sont représentatives de mon travail et ma passion. Je travaille également sur un projet de documentaire qui s'appelle Ocean Sauvage et qui en plus de mes voyages pour des reportages de plongée sous-marine m'a permis de faire des rencontres sous-marines exceptionnelles.

Vous étiez en Polynésie pendant 6 semaines, où avez-vous plongé ?

J'ai plongé à Tahiti, Moorea, Tikehau, Rangiroa et Fakarava au sein des différents établissements Topdive que je remercie. J'ai également été soutenu par l'Office du Tourisme de Tahiti, Air Tahiti Nui, Aqualung et Nauticam.

Qu'avez-vous vu ?

J'ai eu la chance de voir la promesse de moment de vérité en croisant le regard innocent d'un baleineau, d'un dauphin qui cherche le contact à Rangiroa, un bébé raie manta tout juste sorti du ventre de sa mère à Tikehau et une biomasse incroyable révélé par les murs de requins gris à Fakarava.

Quelles sont vos plus beaux souvenirs ?

Il y en a plusieurs, sous l'eau comme sur terre mais j'avoue qu'interagir avec les dauphins sauvages de Rangiroa est exceptionnel. Les voir évoluer dans leur habitat naturel nous montre à quel point ils n'ont rien à faire dans les delphinariums et autres prisons.

"LORSQUE LA MERE ACCEPTE NOTRE PRESENCE, QUE LE BALEINEAU VIENT NOUS OBSERVER AVEC SON REGARD INNOCENT, IL S'AGIT D'UNE EXPERIENCE UNIQUE"

"Il est primordial de respecter des règles basiques afin de ne pas trahir leur confiance."
Comment approchiez-vous les baleines ?

Durant 2 semaines, j'ai sillonné les eaux de Moorea et Tahiti. L'approche sous-marine est très réglementée et se fait en palme-masque-tuba. Par exemple, les apnées sont interdites et il faut respecter une distance de sécurité. Mais avant de s'immerger avec ces géants, il faut s'armer de patience et trouver des individus coopératifs. Ce sont les baleines qui décident et acceptent notre présence. Les rencontres se font principalement avec une mère et son baleineau. Elles viennent dans les eaux polynésiennes pour mettre bas et sevrer leur progéniture avant de repartir dans les eaux froides. A nous de ne pas forcer les rencontres.

Il est important d'être encadré d'un bon guide naturaliste qui peut comprendre les phases de comportement des animaux. Trouver une mère en train de dormir à une vingtaine de mètre de profondeur avec son baleineau qui remonte toutes les 3-4 minutes pour respirer en surface est une opportunité incroyable. Lorsque la mère accepte notre présence, que la curiosité du baleineau est suscité, qu'il vient nous observer avec son regard innocent, il s'agit d'une expérience unique. Il est primordial de respecter des règles basiques afin de ne pas trahir leur confiance. Les professionnels sont très respectueux et travaillent en bonne intelligence, attention aux plaisanciers qui ne connaissent pas forcement les règles d'approches des cétacés dans les eaux polynésiennes. J'ai été aussi très attristé d'apprendre qu'un petit baleineau a récemment été heurté par un ferry à proximité d'une passe.

Où avez-vous photographié les requins ?

Les eaux polynésiennes font partie du peu d'endroits dans le monde où l'on peut observer un grand nombre de requins dans leur milieu naturel. Je passe beaucoup de temps dans l'eau avec les squales à travers le monde car ils sont pour moi un sujet photogénique incroyable et très important à la bonne santé des océans. Ils sont au sommet de la chaine alimentaire des écosystèmes marins et malheureusement leur nombre est en chute libre. Victime d'un délit de sale gueule et du fantasme des hommes ils sont décimés sans scrupule à travers le monde et leur disparition est très préjudiciable à la race humaine. Pour la réalisation des clichés, il existe différent type d'approche en fonction des espèces. Chaque requin a sa propre personnalité et il faut adapter son comportement, la communication gestuelle est très importante pour interagir avec un requin.

Comment organisez-vous vos plongées pour pouvoir photographier au plus près ?

Les plongées sont organisées de manière classique en faisant partie d'une palanquée (groupe de plongeurs). Il faut répéter les immersions en saisissant les opportunités qui s'offrent à nous. Plus on est discret et "zen" plus les requins viennent proches et, comme toutes les espèces marines, il ne faut pas aller vers eux mais les laisser venir. Il faut donc s'inviter sur leur territoire en toute humilité et s'armer de patience. Certains stratagèmes comme le "smelling" ou le "feeding" sont pratiqués pour les approcher de très près mais reste des pratiques décriées, la Polynésie Française reste pour moi une promesse de vérité avec les squales.

"C'est vrai que tremper ses palmes avec un crocodile marin reste une expérience hors du commun"

"Il a fallu s'armer de patience pour réaliser ce cliché et respecter des règles de communication afin d'interagir en toute sécurité et de ne pas perturber l'animal."
Quelles sont vos plus beaux souvenirs dans d'autres pays du monde ?

J'ai de nombreux souvenirs impérissables dans les différentes mers du globe. Des moments de tendresse avec les otaries de la Mer de Cortez, des comportements de prédations en Afrique du Sud ou encore la biodiversité des Galapagos. C'est vrai que tremper ses palmes avec un crocodile marin reste une expérience hors du commun, un voyage dans le temps avec les dinosaures. J'ai vécu plusieurs fois l'expérience, au Mexique puis dans la mangrove Cubaine où j'ai réalisé cette image. Il s'agit un peu de la même approche qu'avec les requins, ce sont des prédateurs qui régulent l'écosystème de la mangrove, biotope indispensable aux Océans.

J'aimerais dire qu'on n'est pas inconscient ou stupide et encore moins des héros quand on prend ces photos. C'est la fascination qui nous pousse à vivre cette expérience, vécue et encadrée au sein d'une équipe de professionnel. En étant curieux et en étudiant le comportement des espèces, il est possible de changer son état d'esprit et des idées bien arrêtées. Cette espèce de crocodile se nourrit de poissons, oiseaux ou rats que l'on trouve dans les mangroves. On est bien loin des crocs de l'Okavango qui se nourrissent de gnous, zèbres et accessoirement d'humains! Lorsqu'on s'immerge avec les crocodiles américains dans les caraïbes, on y va sur la pointe des pieds, un prédateur reste opportuniste. Plusieurs tentatives ont été réalisées pour trouver un spécimen qui accepte notre présence et tolère une approche.

Avez-vous rencontrez d'autres photographes sous-marins en Polynésie ?

Oui j'ai rentré plusieurs photographes terrestres et sous-marins en Polynésie. J'aime beaucoup le travail de Grégoire Lebacon spécialisé dans tout ce qui est paysage, aériens et lifestyle Polynésiens. D'ailleurs j'ai hâte de revenir pour qu'il m'amène voir la vague de Teahupoo. Et puis j'ai rencontré un de mes idoles qui m'a poussé dès mon plus jeune âge à me passionner pour le monde sous-marin, il s'agit de l'incontournable Yves Lefevres à Rangiroa, un homme passionné et passionnant. La photographie est un moyen de partage et raconte des histoires. Au travers de l'image on peut faire passer des messages. La mer peut être très belle comme très dure voir cruelle mais au moins elle ne triche pas comparé à notre monde actuel !

Propos recueillis par Noémie Debot-Ducloyer

Le matériel photographique utilisé

Appareil Reflex Nikon D7200 dans un caisson étanche NAUTICAM connecté 2 flashes externes. Toutes les images ont été primées "plongeurs d'or" au festival mondial de l'image sous-marine.

www.greglecoeur.com
www.underwater-festival.com/

Cette image de Moorea a été primée plongeur d'argent dans la catégorie image fixe.


Rédigé par Noémie Debot-Ducloyer le Vendredi 6 Novembre 2015 à 09:39 | Lu 2822 fois